Charlie enchaîné

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Charb fait le point après l’annonce de la disparition prochaine de Siné Hebdo (Le Courrier)

lundi 12 avril 2010

Il ne peut en rester qu’un. Né en réaction à Charlie, Siné Hebdo n’aura pas tenu la distance. La parole au vainqueur, à travers Charb, actuel directeur du titre historique. Avec la disparition de Siné Hebdo, annoncée pour la fin de ce mois, l’attention se tourne forcément vers Charlie Hebdo, son frère ennemi. En septembre 2008, en effet, c’est en réaction à son limogeage par Philippe Val que le dessinateur et chroniqueur Siné rebondissait, à 80 ans, en lançant son propre hebdo satirique. Pari tenu durant un an et demi, tout de même, avec un démarrage en fanfare – 140 000 exemplaires vendus dès les premiers numéros, puis une chute régulière jusqu’à passer sous la barre des 40 000. Un baroud d’honneur qui vaut aujourd’hui à Siné l’hommage de son ancien collègue et camarade de longue date, Cavanna, resté à Charlie Hebdo la mort dans l’âme : « Salut Siné. J’apprends la nouvelle. Navrant. Tu t’es bien battu », écrivait-il la semaine dernière (31/3), signe que les divisions entre compagnons de route ont laissé des traces. Du côté de l’équipe de Siné Hebdo, on n’exclut pas de se lancer dans une nouvelle tentative. D’ici là, en principe en décembre, un film de Stéphane Mercurio intitulé Mourir ? Plutôt crever ! devrait évoquer l’aventure qui se termine. Mais au fait, comment va Charlie ? Réponse de Charb – Stéphane Charbonnier de son vrai nom –, le successeur de Philippe Val à la direction du titre phare.

Le Courrier. La disparition de Siné Hebdo, une bonne nouvelle pour Charlie ?

Charb. Ça l’aurait été au début, dans la mesure où Siné nous a piqué des lecteurs, mais aujourd’hui, il n’y a pas de quoi se réjouir. Un journal qui disparaît, ce n’est jamais une bonne nouvelle. Et cela n’améliorera pas forcément nos ventes, car nos deux titres avaient beaucoup de lecteurs en commun – je dirais un sur deux.

Quel a été l’impact de Siné Hebdo sur vos ventes ?

Elles ont chuté brutalement au début, pour se stabiliser autour de 48 000 aujourd’hui, dont 13 000 abonnés et 3 000 ventes à l’étranger. En kiosque en France, nous avons perdu 10 000 lecteurs en deux ans. On se situe à la limite au-dessous de laquelle on ne peut pas descendre. Certaines semaines, il manque deux ou trois mille ventes. On subit une érosion lente qui est commune à toute la presse écrite. Quand Siné dit que son journal n’était pas rentable à 37 000 exemplaires, je ne le crois pas. En limitant les postes fixes et en recourant à des pigistes, c’était jouable – en comparaison, Charlie compte une vingtaine de salariés. Pour moi, il s’agit d’un sabordage : au départ, Siné était parti pour deux ou trois numéros, il voulait nous emmerder et il l’a fait, en reprenant la même maquette, le même format, etc. Depuis, il a dit qu’il en avait marre, à 82 ans.

Y a-t-il trop de journaux sur le même créneau en France ?

Non, ce sont des niches. Notre seul concurrent direct était Siné Hebdo. Bakchich, Le Plan B, c’est autre chose. On partage avec eux un certain type d’enquêtes, mais notre spécificité – le dessin – fera toujours la différence.

Quelle est la recette pour faire de bonnes ventes ?

Il y a plusieurs facteurs : une bonne couv’ qui fera marrer tout de suite, une actu forte, des sujets porteurs sur lesquels les lecteurs – y compris non-réguliers – voudront connaître l’avis de Charlie. Les caricatures de Mahomet en sont l’exemple parfait, mais si Sarko se casse la figure demain, ce sera pareil.

Charlie Hebdo a des racines libertaires mais a eu, avec Philippe Val, un directeur aux convictions plus « sociales-démocrates », quelquefois controversées. Quel est votre ligne aujourd’hui ?

C’est difficile à déterminer. Philippe Val tenait sa chronique en ouverture du journal et était très présent en-dehors de la publication. Il influençait également de cette manière indirecte la ligne éditoriale, qui n’était pas celle de l’ensemble de l’équipe. Si vous faites un tour de la rédaction, vous trouverez toutes les composantes de la gauche plurielle, et même des abstentionnistes. Il a toujours été possible de faire entendre un autre son de cloche, y compris contraire à ce que défendait Val. Moi, je suis plutôt communiste, donc tout aussi minoritaire que lui en son temps, mais cela ne pose pas de problème. Avec Siné, ça a bloqué dès lors qu’il n’a plus voulu jouer le jeu qu’il jouait depuis 16 ans. Aujourd’hui, les éditos sont signés par Bernard Maris, Sylvie Coma ou encore Gérard Biard : c’est plus ouvert qu’avant.

La fonction de directeur, ça vous convient ?

C’est un boulot de con, mais il faut bien quelqu’un pour le faire… La condition, pour moi, c’est de pouvoir continuer à dessiner et écrire. Dans l’affaire des caricatures, j’étais en accord total avec Val – Siné aussi d’ailleurs ! –, mais j’ai une fibre plus sociale. Et dans ce domaine, il y a toujours autant de choses sincèrement énervantes.

Propos recueillis par Roderic Mounir.

(Source : Le Courrier. Photo © Charlie Hebdo.)


Le Courrier, « Quotidien suisse et indépendant », propose un dossier sur l’actualité de la presse satirique : « Presse satirique : Barrigue qui rit, Siné qui pleure ».

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