Charlie enchaîné

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Charb, interviewé par Génération Solidaire

jeudi 12 juillet 2007

Reproduction de l’interview de Charb, dessinateur à « Charlie Hebdo », donnée à « Génération Solidaire », le magazine de la LMDE, dans le n°10 de juin 2007.


Depuis combien de temps dessinez-vous ?
De manière professionnelle, depuis dix-huit ans et j’en vis convenablement depuis quinze ans.

Depuis deux ans, on remarque que vos personnages ont évolué tout en conservant votre style.
Tous mes personnages continuent d’évoluer. C’est dû au fait que je n’ai pas appris le dessin à l’école, du coup je découvre les trucs au fur et à mesure. D’ailleurs, mon style aurait été beaucoup plus fixé et réfléchi si j’avais été à l’école.

C’est plus simple de dessiner que d’écrire ?
Pour moi, oui. Pour le lecteur également, c’est plus simple de recevoir le dessin que le texte, a priori. Mais, on s’aperçoit que certains lecteurs ne sont pas habitués à lire les dessins de presse. Ça peut devenir un problème. On s’en aperçoit souvent lors des procès, les gens n’ont pas forcément su ou pu décrypter un dessin. Ils savent lire des textes, mais tout le monde ne sait pas lire un dessin. Au départ, on pense que c’est plus efficace de faire un dessin et puis on se rend compte que les gens qui ne sont pas habitués au dessin peuvent le prendre de travers. Donc il faut faire un dessin net, aussi bien dans le graphisme que dans l’idée.

L’acquittement de Charlie Hebdo dans le procès des caricatures de Mahomet a-t-il changé quelque chose dans la vie du journal ?
Non, même pas. Ça a changé du point de vue des ventes qui ont explosé momentanément. Mais ce qu’on disait sur l’islam à ce moment-là, c’est ce qu’on dit à propos de toutes les religions depuis quinze ans. Qu’il y ait eu une polarisation sur les caricatures dans Charlie Hebdo, ça nous a surpris nous aussi, parce qu’on peut ressortir les anciens numéros, on a fait bien pire.

C’était justement la ligne de défense de votre avocat, de dire à la partie adverse : « Vous voulez l’égalité de traitement ? Vous n’allez pas être déçus ! »
Oui, c’est ça. On a montré à la partie adverse que si on les traitait à égalité avec l’église catholique, on les ravagerait toutes les semaines. Mais ce n’est pas notre but de focaliser sur l’islam extrémiste. Ça devenait un peu lourd pour les dessinateurs d’être invités uniquement en tant que dessinateurs anti-religieux. Cela ne représente pas plus de 10% de notre production. On était un peu réduits à ça. Auparavant, nous étions des dessinateurs de presse. Depuis le procès, nous sommes devenus ou redevenus des caricaturistes.

On peut aller très loin avec un seul dessin. Comment on se fixe sa propre limite ?
À Charlie Hebdo, on se la fixe rarement. C’est ce qui est intéressant. On s’autorise à être complètement barges. Il n’y a pas vraiment de surmoi. On essaye d’exprimer en dessin ce qu’on ressent le plus profondément. Si c’est outré ou hors-propos, on ne le passe pas bien sûr. Mais l’avantage d’être à Charlie Hebdo c’est qu’on peut critiquer aussi bien la gauche que la droite sans aucune limite, même si c’est un journal de gauche. Quand tu travailles dans un autre journal, on ne pourrait pas en faire autant. Charlie n’est pas un journal encarté. C’est aussi ça l’avantage de travailler à Charlie. À l’Humanité, j’aurais plus de mal à critiquer la gauche, même socialiste, qu’à Charlie Hebdo, qui est un journal de gauche sans ambiguïté.

Les éditos de Philippe Val ne brossent pas toujours les lecteurs dans le sens du poil. Est-ce que le lectorat de Charlie a changé ces dernières années ?
On a effectivement perdu certains lecteurs et on en a gagné d’autres. Le public a évolué avec les gens qui font le journal. Un journal et ceux qui le font, c’est vivant. C’est ce qui fait la force de Philippe Val, et ce qui est énervant chez lui. Il ne se met pas des tuteurs à tomate dans le cul pour ne pas bouger de ses positions. C’est plutôt le bon côté. Mais le mauvais côté, c’est qu’on se dit : mais il est où politiquement puisqu’il peut se contredire ou évoluer sur des sujets ou carrément changer d’avis ? Du coup, des gens nous ont quittés, sans doute dans la gauche radicale encartée. Beaucoup ont été déçus par les prises de position de Val. D’un autre côté, on a le droit de résumer Charlie Hebdo aux éditos de Philippe Val, mais c’est un peu réducteur. Je ne vois pas quel autre journal propose de lire une idée et son contraire à quinze pages d’intervalle.

Comment une idée devient-elle un dessin ?
Souvent, ce qui donne l’idée, avant même de dénoncer untel ou untel, c’est de dessiner sa gueule. S’il a une bonne gueule, j’aurai forcément une bonne idée. À force de lui rentrer dedans graphiquement, on finit par le réussir en dessin, et là les idées fusent.

C’est le dessin qui est la source d’inspiration ?
Tout à fait, sur certains oui. Par exemple, Claude Allègre, c’est un vrai bonheur. Humainement, on aurait envie de lui mettre une baffe dans la gueule, et on sublime ça dans le dessin.

Propos recueillis par Pierre Cattan

Voir en ligne : Génération Solidaire - La revue de La Mutuelle des Etudiants

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