Figurant parmi les cibles privilégiées de la critique des médias depuis plusieurs mois [1], Charlie Hedbo savoure cette semaine (17/12) une petite revanche. Dans une brève non signée [2] de la récente rubrique « Le très grande médiatoc », l’hebdomadaire se plaît à souligner une anecdote rapportée par Philippe Corcuff, par ailleurs ancien collaborateur du journal [3]. Dans un texte publié sur Rue89 [4] (8/12), celui qui est présenté comme « sociologue » par Charlie Hebdo [5] « pointe une contradiction logique de [Noam Chomsky] [6] dans son analyse des médias, en même temps qu’une absence d’esprit critique chez ses admirateurs ». C’est là qu’intervient l’anecdote de Philippe Corcuff, « à méditer » selon Charlie Hebdo.
(...) Alors que j’animais en novembre-décembre 2007 un atelier d’Apprentissage du philosopher d’une vingtaine de personnes dans le cadre de l’Université populaire de Lyon, j’ai apporté deux textes, l’un de Bernard-Henri Lévy et l’autre de Michel Onfray, mais en intervertissant les noms des auteurs.La plupart des participants (se sentant plus proches d’Onfray) ont critiqué fortement le texte signé BHL (mais d’Onfray) et ont défendu le texte signé Onfray (mais de BHL). Comme si le seul nom faisait le plus gros de la lecture d’un texte, avant même sa lecture...
Philippe Val, qui qualifiait Bernard-Henri Lévy, en 1998, d’« Aimé Jacquet de la pensée » et désormais affiche sa proximité avec le philosophe médiatique — contradiction qu’on lui reproche — ne doit pas être malheureux cette petite pichenette qui atteint Michel Onfray, chroniqueur régulier à Siné Hebdo.
Charlie enchaîné
[1] La polémique estivale autour de Siné a été l’occasion de vérifier l’impopularité de Philippe Val sur internet, tandis que la sortie prochaine du documentaire de Pierre Carles et Éric Martin, Choron, dernière, s’annonce sans pitié pour l’actuel Charlie Hebdo.
[2] On présume que Philippe Val en est lui-même l’auteur, mais rien ne l’indique.
[3] Philippe Corcuff a quitté Charlie Hebdo fin 2004 en raison de divergences politiques avec Philippe Val et parce que la maquette du journal laissait moins de place à l’exploration intellectuelle telle qu’il l’entendait. À la fin du texte justifiant son départ, il écrivait : « Mon départ ne change rien à ma solidarité avec la rédaction en général et avec Philippe Val en particulier face aux insultes répétées et aux informations erronées diffusées par PLPL. Avec ce type de pratiques qualifiées trop aimablement de critique des médias, on assiste, sous des apparences trompeusement libertaires, à un retour d’une rhétorique du procès d’inspiration stalinienne. »
[4] Et non Médiapart, comme l’écrit à tort Charlie Hebdo, bien que Philippe Corcuff possède également un blog sur Médiapart.
Ajout du 30/12. Dans un rectificatif publié dans le numéro du 24/12, Charlie Hebdo corrige cette erreur.
[5] « Politiste », selon Rue89, mais, cette fois, on ne peut pas donner tort à l’hebdomadaire.
[6] Philippe Val reproche à Noam Chomsky, après d’autres, d’avoir préfacé, il y a une trentaine d’années, un ouvrage du « négationniste » Robert Faurisson, ce que récuse Chomsky, se posant en défenseur de la liberté d’expression. Le traitement de l’affaire Faurisson/Chomsky est un autre grief de la critique des médias à l’égard de Philippe Val et Charlie Hebdo.