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Willem : « Il faut les idées claires et la tête froide » (Le Monde)

jeudi 27 mars 2008

Interview de Willem parue dans Le Monde du 27 mars 2008.


La Colère froide de Bernhard Willem Holtrop, film de Cinta Forger et Walther Grotenhuis, est projeté, jeudi 27 mars, à l’Institut néerlandais. Il est consacré au dessinateur de presse qui signe Willem, notamment dans les pages de Libération. Tous les jours, il faxe de Malakoff, où il réside, son dessin politique au quotidien. Une idée par jour.

Dans le film, Willem parle du lien à la violence, à l’érotisme. Il sera suivi d’un débat en présence des auteurs, sur le rôle et les limites de la caricature, avec Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo, et Herman Koch, auteur et membre du jury Inkspot pour le meilleur dessin politique aux Pays-Bas.

Willem, né en 1941 aux Pays-Bas, devient en 1965 un des animateurs du mouvement Provo à Amsterdam, s’installe à Paris en 1968, rejoint Charlie Hebdo en 1971 et Libération en 1986. Ses dessins lui ont valu des prix et des procès.

Pourquoi ce titre, La Colère froide de Bernhard Willem Holtrop ?

Parce que c’est nécessaire. Si on s’excite trop, on ne sait plus bien dessiner. Il faut garder les idées claires et la tête froide. Que le texte soit aussi lisible que possible dans le dessin, sans y ajouter trop d’“artisticité”.

Pour enchaîner sur ce néologisme, ce qui rendait vos dessins formidables en 1968, c’était les “fautes” de français, les trouvailles. Vous gagnez en correction, non ?

Que voulez-vous, j’apprends...

Donc, pas d’“artisterie” ? Pas de peinture, pas de sculpture ?

Non, toute ma vie, c’est dans le travail à la hâte. J’ai la gravure, mais ce que j’aime, c’est la dead line, l’heure de remise limite (du dessin au journal), mon adrénaline.

Sans produits adjuvants.

Non, non, je bois volontiers une petite bière, mais le dessin me suffit. Je commence à 7 heures. Je regarde la télé, je reçois les journaux, et je travaille en écoutant France Info. Depuis quinze ans, je faxe ma chose vers midi-1 heure, et je passe à autre chose, je me promène, j’écoute de la musique, du rhythm and blues, du jazz...

Vous répondez à une commande ? On vous en refuse ?

Non, la commande jamais. J’envoie deux dessins, un qui concerne l’intérieur et l’autre l’étranger. Donc, la question du refus, c’est simple, c’est un par jour. Soit je le cannibalise en le recyclant pour Charlie, sinon il finit dans la corbeille à papier. Parfois, à Libé, ils me demandent si l’on peut faire la couverture avec l’un des deux. C’est eux qui mettent la couleur. Moi, je travaille à l’encre de Chine, au feutre, l’Ecoline pour la couleur, un peu tout. Ma seule règle, c’est la clarté, l’efficacité, la lisibilité et faire rire.

Comment les dessinateurs inventent-ils leur signature, le dessin de leur nom dans le dessin ?

Pour moi, c’est venu comme ça. J’ai commencé par des dessins nuls pour gagner un peu d’argent de poche. J’ai lentement évolué. Je venais d’Ermelo, un village à cent kilomètres d’Amsterdam, pas mal de livres de dessins et de politique dans la bibliothèque de mon père. Vers 1965, le mouvement Provo à Amsterdam mélangeait des anarchistes, des artistes, des drogués, des étudiants, des gens de la rue. Sur les Vélib’ et l’écologie, on avait un peu d’avance. Ça a duré juste deux ans, sans chef, sans ligne, sans manifs. Mon dessin a enfin bougé. J’en avais marre des îles désertes.

Les îles désertes, on en trouve à la pelle chez tous les dessinateurs, même Bosc et Chaval.

Oui, mais eux, ils le faisaient bien. Je me sens proche des expressionnistes allemands, de Topor, et Siné, qui reste un exemple pour moi.

Vos dessins font débat dans les rédactions ?

Je n’en sais rien. Je n’assiste jamais aux réunions. A Hara-Kiri, on se marrait, dans la fête et la boisson. Maintenant, c’est partout devenu un peu pète-sec. Je téléphone après avoir envoyé le fax, pour savoir si c’est bien arrivé. Parfois, je suis accueilli par des rires, alors ma journée est bonne après ça. Si je travaille dans mon atelier de Montmartre, je descends. Non : pas sur la place du Tertre, plutôt à Pigalle. C’est vrai, j’ai exposé avec ma femme Medi, au Musée de l’érotisme. Tout ça est lié.

Sarkozy, c’est un bon sujet ?

Bon ? C’est un sujet incontournable. Mais je n’aime pas trop traiter ce genre. On s’excite et l’autre s’en retrouve flatté, il se sent porté. Cette relation sado-maso ne me va pas.

Le débat qui suit la projection portera sur les limites de la caricature politique. Vous voyez des limites ?

Je ne vois pas. Enfin, si, il ne faut pas être trop, trop raciste, non ? (Rire tellurique.)

Francis Marmande

Voir en ligne : Willem : « Il faut les idées claires et la tête froide »

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