Charlie enchaîné

Une revue de presse de Charlie Hebdo et du Canard enchaîné.
Et un peu plus.

Accueil du site > Charlie Bazar > À vos ordres

À vos ordres

vendredi 5 octobre 2007, par Charlie enchaîné
mise à jour : mardi 21 octobre 2008

Sylvie Coma raconte l’histoire de Bernard Jeault, un dentiste bourguignon « condamné pour excès de solidarité » par le conseil de l’Ordre des dentistes. Dans le même numéro de « Charlie Hebdo » (n°798, 03/10/2007), Patrick Pelloux considère que le conseil de l’Ordre de médecins est un « tribunal d’exception ».

Bernard Jeault a 71 ans, et depuis le 26 septembre 2007, lui et sa femme se retrouvent « une nouvelle fois à la rue ». À l’époque de Mai 68, cet « ancien chirurgien-dentiste de renom » décide de ne plus « [se faire] du fric sans [se] poser de questions ». Il choisit alors de prodiguer des soins gratuits pour « ceux qui ne peuvent pas payer » et de respecter strictement les tarifs de la Sécurité sociale pour ceux qui le peuvent, dans l’optique de fournir la « même qualité de traitement pour tous ». Une décision bien imprudente...

Centre de soins indésirable

La construction du centre dentaire qu’il avait imaginé (« 25 ans d’avance sur la profession ») prend fin en 1970, mais c’est le début d’un long bras de fer avec l’Ordre, qui lui « interdit l’ouverture des quatre cabinets, au prétexte qu’ils ne répondent pas aux exigences déontologiques ». Cette interdiction illégale s’interrompt le 14 mars 1972 alors que Bernard Jeault était « pris à la gorge » depuis deux ans pour payer ses emprunts. Néanmoins, le président du conseil de l’ordre est bien décidé à faire cesser l’activité de cette clinique qui « [souille] la profession » et compte bien avoir la peau de son initiateur.

Le dentiste s’adresse a un organisme de crédit qui s’engage à lui avancer la somme nécessaire pour régler ses dettes. Mais l’argent n’arrive jamais sur son compte en raison « des interventions du conseil de l’ordre ». Résultat, Bernard Jeault se retrouve sur la paille avec « treize chèques sans provision et dix-huit mois de prison avec sursis ». Après la saisie et la vente « à la bougie » de la clinique, il devait encore deux millions de francs. Pour faire face, il s’installe « dans un hangar » à quelques kilomètres d’Autun, où « ses patients le suivent ». Parmi ses soutiens illustres, on compte le sociologue Pierre Bourdieu et l’avocat Robert Badinter.

Ordre, juge, et partie

Bernard Jeault se démène et parvient seul « à payer le passif d’un ensemble de quatre cabinets ». Il explique que comme « la seule façon de [l]’arrêter, c’était de [l]’empêcher de travailler », l’ordre décide de le faire comparaître. Le 18 décembre 1976, le dentiste rencontre ses juges, « tous chirurgiens-dentistes à l’exception d’un conseiller d’État, payé par l’ordre des dentistes pour présider la séance... » À l’issue de cette « pantalonnade judiciaire », au cours de laquelle ses avocats sont empêchés de plaider sur le fond, Bernard Jeault fut « radié du tableau de l’ordre des chirurgiens-dentistes », autrement dit il n’avait plus le droit d’exercer.

Le passif de celui qu’on appelle le « dentiste des pauvres » est aujourd’hui de 72 800 euros et « la petite maison héritée de ses parents » a été mise en liquidation judiciaire. Une carrière fichue en l’air « au nom d’un idéal social », écrit Sylvie Coma.


Caresses à rebrousse-poil

Patrick Pelloux sera-t-il lui aussi mis au ban de sa profession par le conseil de l’ordre des médecins ? En mars 2005, il a osé déclarer que « les urgences ne sont pas là pour faire le travail que les médecins libéraux ne veulent pas faire ». Cette imprudence lui vaut d’être « traîné devant le conseil de l’ordre » par « un syndicat ultralibéral ».

Perfide, le médecin urgentiste rappelle que « les ordres professionnels furent inventés [en 1941] par le maréchal Pétain pour casser le syndicalisme. » Il écrit que « l’ordre des médecins n’aime pas qu’on lui rappelle son histoire. » Et charge encore un peu la barque : « [l’Ordre] est le principal responsable de la crise morale de la profession. » N’en jetez plus !

P.-S.

Le procès de Patrick Pelloux a lieu le mercredi 10 octobre.

Liens à visiter :
- Contrordre – Chronique d’une déchéance programmée
- Bernard Jeault, le dentiste des pauvres devenu RMIste (« L’Humanité », 03/01/01)
- L’édifiante histoire du dentiste DES PAUVRES (www.marianne-hebdo.net, 07/04/03)
- Pétition de soutien au président de l’AMUF le Dr Patrick Pelloux (AMUF, 03/06/07)


Commenter cet article





Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette