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Algues vertes et tours de magie

vendredi 29 juillet 2011, par Charlie enchaîné
mise à jour : jeudi 11 août 2011

Charlie Hebdo et Le Canard enchaîné dévoilent les techniques de prestidigitation employées par Nicolas Sarkozy et ses ministres pour résoudre les problèmes environnementaux posés par l’agriculture intensive.

À lire le début des deux articles que consacraient, dans leurs éditions du 20 juillet dernier, nos deux hebdomadaires favoris à l’invasion des algues vertes sur les plages bretonnes, on pouvait presque se demander s’ils n’avaient pas été rédigés par la même plume. Fabrice Nicolino, dans Charlie Hebdo, et Professeur Canardeau, dans Le Canard enchaîné, rapportent en effet tous deux les mêmes propos prodigieux tenus par le président de la République lors de son déplacement en Bretagne le 7 juillet :

« Sur cette affaire d’algues vertes, il serait absurde de désigner des coupables, de montrer du doigt les agriculteurs, qui font d’énormes progrès en la matière. (…) Il y aura toujours les intégristes qui vont protester, et on n’entend qu’eux. Plus c’est excessif, plus on leur donne la parole. »

Le Canard précise que, ce jour-là, Nicolas Sarkozy était « flanqué de ses ministres de l’Écologie [Nathalie Kosciusko-Morizet, alias NKM] et de l’Agriculture [Bruno Le Maire] ». Et Charlie Hebdo ajoute une autre déclaration, jugée « conne », d’un chef de l’État « en campagne à la campagne » :

« Opposer agriculture et environnement, ça n’a pas de sens, parce que les agriculteurs sont les premières victimes du non-respect des règles environnementale. »

Les deux journaux satiriques citent ce même chiffre : 14 millions de porcs sont élevés en Bretagne. Rapporté à la population de la région, cela fait plus de 4 cochons par habitant ! Les tonnes de lisier issues de l’élevage de porcs, mais aussi de volailles (100 millions) et de bovins (2,25 millions, chiffres de Charlie Hebdo), produiraient la moitié des nitrates dont se nourrissent les algues vertes pour pulluler (25 000 m3, soit l’équivalent de 10 piscines olympiques, ont déjà été ramassés cette année, « le double de l’an dernier », relève Le Canard). Le reste proviendrait des engrais chimiques azotés, indique Charlie. L’agriculture bretonne responsable de la prolifération des algues verte ? C’est juste une illusion.

Solution miracle

Sarko le prestidigitateur agité a plus d’un tour dans son sac et notamment une « idée de génie » pour faire disparaître les algues : transformer la merde en or vert. Ou, plus prosaïquement, « produire de l’électricité avec les algues grâce au biogaz », explique Le Canard enchaîné. Petite nuance dans Charlie Hebdo, qui décrit différemment le procédé de « méthanisation » : « on fabrique un réacteur qu’on remplit de merde, laquelle se transforme en électricité ». D’après nos vérifications, le biogaz provient bien de la décomposition organique du lisier [1]. Quoi qu’il en soit, cette solution présente l’avantage, pour le président de la République, de caresser l’éleveur breton dans le sens du poil en ne mettant pas en cause la surpopulation porcine. « On espère régler une question de modèle agricole par des mesures techniques. Comment y croire ? », objecte un responsable associatif interrogé par Charlie Hebdo. Sûrement un intégriste.

En attendant les usines de méthanisation, le gouvernement temporise. Les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement préparent un arrêté qui devrait permettre aux éleveurs d’utiliser « 25 % de surface en plus » pour épandre les déjections de leur bétail, selon Le Canard enchaîné [2]. « Alors que la directive européenne [de 1991] fixe la limite à 170 kilos d’azote par l’hectare, on va pouvoir, en changeant de mode de calcul, épandre chaque année, ni vu ni connu, jusqu’à 212 kilos », dénonce un écologiste cité par l’hebdomadaire satirique. Ainsi, explique le journal, les éleveurs de cochons pourront se dispenser d’exporter leur surplus de lisier chez leurs voisins laitiers. Un beau festin en perspective pour les algues vertes.

Pas bio

Fabrice Nicolino conclut son article en racontant un autre tour de passe-passe du duo NKM-Le Maire (« l’agriculture et l’écologie main dans la main »), digne des plus grands numéros du Sarko show. En visite dans une ferme biologique de l’Essonne récemment, les deux ministres « annonçaient un crédit d’impôts de 2 500 euros pour certains producteurs bio », écrit le journaliste. Soit 500 euros de plus que la veille. On applaudit bien fort. Mais un an plus tôt, le même crédit d’impôts plafonnait à 4 000 euros, souligne l’article [3]. Les deux ministres devront redoubler d’imagination pour parvenir à faire passer la surface agricole utile consacrée au bio de moins de 3 % aujourd’hui à 6 % d’ici 2012, afin de respecter les engagements du Grenelle de l’environnement. Peut-être en demandant conseil à Gérard Majax ?


Ajout du 11/8. À lire : « Algues vertes et tours de magie (suite) ».

Notes

[1] Lire par exemple « La méthanisation : une solution pour endiguer les algues vertes ? » sur le site terraeco.net (11/7).

[2] Ajout du 11/8. Voir aussi « Algues vertes : l’UFC-Que choisir dénonce un projet d’épandage de lisier » (20minutes.fr/AFP).

[3] « Les aides à l’agriculture biologique de plus en plus réduites » (basta !, 23/12/2010).


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