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Bandit Hors-la-Loi

samedi 20 février 2010, par Hadi Taibi

« La loi est faite pour être transgressée. » Voilà une sentence qui ne peut émaner que d’un bandit, un hors-la-loi. Une loi ne vaut, par ailleurs, que par la qualité des gens sensés la protéger, la faire appliquer et veiller à ce qu’elle ne soit pas transgressée. C’est la fonction du juge. Il n’empêche que d’autres intervenants peuvent aussi jouer un rôle de vulgarisation de la loi et favoriser son acceptation par la société. C’est le travail des élites. C’est ainsi que les intellectuels ont cette faculté de briser l’omerta (la loi du silence) ou de critiquer la loi du talion (« œil pour œil, dent pour dent »).

Un intellectuel peut mener sa réflexion dans un cadre conceptuel et faire le choix de se taire ; mais s’il choisit de s’engager dans la sphère publique pour faire part de ses analyses et points de vue, il devrait, à ce moment-là, respecter une certaine éthique. Quand il ne peut directement partager avec autrui ce qu’il estime être les bonnes notions pour lui-même, ou quand il estime que l’autre est hors du champ de son code moral, l’intellectuel doit convaincre en veillant à observer le strict minimum nécessaire à éviter un conflit frontal.

Rien ne doit permettre de justifier l’hypocrisie apparente qui reste, en dehors de tout code moral, l’apanage d’enquiquineurs patentés, de dérisions de la société, de vauriens à la merci d’un conflit qui leur permettra de passer pour des défenseurs des causes justes, le temps de se refaire une virginité avant qu’ils ne commettent le prochain « viol des règles de l’interprétation honnête et de la méthode historique » (Raymond Aron). Rien, non plus, ne doit acquiescer les méthodes expéditives de la loi de Lynch, ni se prévaloir de l’autorité de ses thèses pour lyncher ceux qui la dénoncent.

L’intellectuel, lorsqu’il verse dans le banditisme, s’avère plus dangereux que le plus dur des malfrats et le plus endurcis des brigands. C’est la barbarie à visage humain qui envahit les écrans de télévisions, les colonnes des journaux et les étagères des librairies. Seul l’intellectuel est à même d’expliquer qu’une mort violente n’est pas identique selon que la victime l’était par violences subsidiaires d’un dictateur, ou par violences nécessaires de celui qui est venu pour le destituer.

L’intellectuel est-il celui qui sait mettre à dessein ses idées pour venir témoigner, à visage découvert, que les postes de transmission qu’il a offert aux Talibans lorsqu’ils combattaient les communistes soviétiques n’émettent plus depuis l’avènement des occidentaux “rétablisseurs” du désordre, déjà établi depuis longtemps en Afghanistan ? Pourrait-il appeler au boycott des Jeux olympiques en opposition à la charte de l’olympisme ? Pourrait-il s’ériger le droit de classifier les victimes entre victimes innocentes et victimes coupables ? Peut-il passer outre les règles basiques de déontologie en usurpant d’une “botul(erie)” qui n’existe nulle part ?

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« Botul cite BHL dans son dernier livre »
Dessin de Catherine paru dans Charlie Hebdo (17/02/10)

L’intellectuel ne doit certainement pas ignorer que pour s’enquérir de la pression exercée par le régime soudanais sur la province du Darfour, qui pousse la population autochtone à fuir sa région, ou pour s’enquérir de la pression de ses affaires diverses ou du chiffre d’affaires de son hôtel new-yorkais et consulter ses comptes bancaires dissimulés à travers le monde, il doit passer par l’utilisation de moyens sophistiqués de communication.

Pendant ce temps, une pression sans égale et d’un autre genre est exercée journellement sur les cadres des telecom, pour lui assurer la continuité du service et dans une parfaite qualité au point où, n’en pouvant plus, certains d’entre les travailleurs se voient pousser au suicide fataliste. L’intellectuel communicateur ne s’en préoccupe guère. La question étant philosophiquement tranchée depuis la nuit des temps : elle ne serait en effet que l’accomplissement de l’acte suprême de liberté. Sur cette planète on ne meurt pas que des stupidités des bombes au phosphore, on meurt aussi des effets du génie qui les fabrique et surtout de l’intelligence qui les cautionne.

Même s’il choisissait de se faire appeler “chenapan”, “fripouille”, “galopin”, ou qu’il appartenait aux “Fossoyeurs du Vieux Monde”, il n’en demeure pas moins qu’un “Bandit” ne pourrait être autre chose que cet individu peu scrupuleux qui ne respecte pas les lois. Les Bandits sont des Hors-la-Loi ; ils ont leur marque de fabrique et un logo répondant aux initiales de B.H.L. Désolé pour l’intellectuel qui les porte !


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2 Messages de forum

  • Bandit Hors-la-Loi

    20 février 2010 18:51, par silette
    Il fut un temps où la France s’enorgueillit de produire de grands intellectuels qui offraient au monde des concepts de réflexion novateurs, aujourd’hui elle est sous l’égide de prescripteurs d’opinions, de pseudo philosophes qui imposent leurs idéologies en se mettant à l’abri de toute critique éventuelle si ce n’est celle de les conforter dans leurs vanité de se gargariser de leurs suffisance devant un auditoire aussi crédule qu’admiratif. Ces personnages brillent par leur monopole de la parole publique sans tolérer la moindre allusion qui viendrait remettre en doute la suprématie des Etats-Unis et d’Israël. Le temps des débats entre grands hommes pétris d’excellence et de tolérance est hélas révolu, place à la médiocrité du communautarisme sous ses formes les plus insidieuses.

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  • Bandit Hors-la-Loi

    21 février 2010 19:28, par Patrick Mathelié-Guinlet dit "Sarkophage"

    À quoi de plus pouvait-on s’attendre en effet d’un pseudo-philosophe à la mode dans les salons des pseudo-intellectuels d’une France que j’ai moi-même maintes fois déplorée en phase de "crétinisation" généralisée et qui de surcroît est bien plus soucieux de son indice de "peopleisation" que de la justesse de ses propos trop politiquement corrects ? La parole d’un homme vaut l’homme et il se doit d’en être responsable surtout s’il se veut maître à penser et philosophe public. Hélas, nous ne sommes plus au temps du grand Socrate qui au prix de sa mort ne renonçait pas à dire la vérité à ses concitoyens ou de Diogène le cynique qui de toute la hauteur de sa pauvreté tonnelière avait le mérite et l’authenticité de mépriser Alexandre le Grand. Comment en effet pourrait-on avoir confiance dans les propos tenus par un philosophe auto-proclamé, appartenant à la catégorie des nantis et qui n’a jamais réellement souffert ? Il serait temps d’en finir avec ces penseurs de carton-pâte et leur philosophie poudre-aux-yeux de quatre sous issue des boudoirs mondains... Comme Diogène, moi aussi, nu dans l’obscurité de la nuit, une chandelle allumée à la main, je cherche un homme !

    Sarkophage

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