samedi 20 février 2010, par Hadi Taibi
Un intellectuel peut mener sa réflexion dans un cadre conceptuel et faire le choix de se taire ; mais s’il choisit de s’engager dans la sphère publique pour faire part de ses analyses et points de vue, il devrait, à ce moment-là, respecter une certaine éthique. Quand il ne peut directement partager avec autrui ce qu’il estime être les bonnes notions pour lui-même, ou quand il estime que l’autre est hors du champ de son code moral, l’intellectuel doit convaincre en veillant à observer le strict minimum nécessaire à éviter un conflit frontal.
Rien ne doit permettre de justifier l’hypocrisie apparente qui reste, en dehors de tout code moral, l’apanage d’enquiquineurs patentés, de dérisions de la société, de vauriens à la merci d’un conflit qui leur permettra de passer pour des défenseurs des causes justes, le temps de se refaire une virginité avant qu’ils ne commettent le prochain « viol des règles de l’interprétation honnête et de la méthode historique » (Raymond Aron). Rien, non plus, ne doit acquiescer les méthodes expéditives de la loi de Lynch, ni se prévaloir de l’autorité de ses thèses pour lyncher ceux qui la dénoncent.
L’intellectuel, lorsqu’il verse dans le banditisme, s’avère plus dangereux que le plus dur des malfrats et le plus endurcis des brigands. C’est la barbarie à visage humain qui envahit les écrans de télévisions, les colonnes des journaux et les étagères des librairies. Seul l’intellectuel est à même d’expliquer qu’une mort violente n’est pas identique selon que la victime l’était par violences subsidiaires d’un dictateur, ou par violences nécessaires de celui qui est venu pour le destituer.
L’intellectuel est-il celui qui sait mettre à dessein ses idées pour venir témoigner, à visage découvert, que les postes de transmission qu’il a offert aux Talibans lorsqu’ils combattaient les communistes soviétiques n’émettent plus depuis l’avènement des occidentaux rétablisseurs du désordre, déjà établi depuis longtemps en Afghanistan ? Pourrait-il appeler au boycott des Jeux olympiques en opposition à la charte de l’olympisme ? Pourrait-il s’ériger le droit de classifier les victimes entre victimes innocentes et victimes coupables ? Peut-il passer outre les règles basiques de déontologie en usurpant d’une botul(erie) qui n’existe nulle part ?
L’intellectuel ne doit certainement pas ignorer que pour s’enquérir de la pression exercée par le régime soudanais sur la province du Darfour, qui pousse la population autochtone à fuir sa région, ou pour s’enquérir de la pression de ses affaires diverses ou du chiffre d’affaires de son hôtel new-yorkais et consulter ses comptes bancaires dissimulés à travers le monde, il doit passer par l’utilisation de moyens sophistiqués de communication.
Pendant ce temps, une pression sans égale et d’un autre genre est exercée journellement sur les cadres des telecom, pour lui assurer la continuité du service et dans une parfaite qualité au point où, n’en pouvant plus, certains d’entre les travailleurs se voient pousser au suicide fataliste. L’intellectuel communicateur ne s’en préoccupe guère. La question étant philosophiquement tranchée depuis la nuit des temps : elle ne serait en effet que l’accomplissement de l’acte suprême de liberté. Sur cette planète on ne meurt pas que des stupidités des bombes au phosphore, on meurt aussi des effets du génie qui les fabrique et surtout de l’intelligence qui les cautionne.
Même s’il choisissait de se faire appeler chenapan, fripouille, galopin, ou qu’il appartenait aux Fossoyeurs du Vieux Monde, il n’en demeure pas moins qu’un Bandit ne pourrait être autre chose que cet individu peu scrupuleux qui ne respecte pas les lois. Les Bandits sont des Hors-la-Loi ; ils ont leur marque de fabrique et un logo répondant aux initiales de B.H.L. Désolé pour l’intellectuel qui les porte !