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Cabu et Wolinski parlent de Mai 68

mardi 25 mars 2008, par Charlie enchaîné

Mai 68, une révolution plus culturelle que politique, et l’amorce d’avancées sociales sans précédent. Rencontre avec deux maîtres du dessin de presse, acteurs et surtout témoins de mai 68 : Cabu et Georges Wolinski, dont les dessins sont à l’honneur dans plusieurs parutions.

Source : Génération Solidaire, la revue de La Mutuelle des Étudiants.

Mots-clés : Cabu, mai 68, Wolinski

Interview de Georges Wolinski (Charlie Hebdo) et Cabu (Charlie Hebdo, Le Canard enchaîné) dans Génération Solidaire (printemps 2008).


MAI 68 MON AMOUR

Génération Solidaire : Comment avez-vous vécu mai 68 ?
Georges Wolinski : J’étais à Paris, je circulais en Solex dans une ville désertée par les voitures. À l’époque, la France était vraiment paralysée. J’ai été très enthousiasmé par cette période, et surtout séduit par la beauté des affiches, l’esthétique de certains messages, de slogans comme « Sous les pavés la plage », je trouvais cela merveilleux. Du coup, je suis devenu contestataire, gauchiste !
Cabu : J’avais trente ans, et je profitais aussi de l’absence de voitures dans Paris, en roulant à bicyclette dans la capitale, avec une impression de liberté totale. J’allais presque tous les après-midi à la Sorbonne écouter les débats qui s’y déroulaient en continu. Il y avait une véritable ambiance de fête, mais aussi une réflexion ambiante qui était très stimulante.

En tant que dessinateur de presse, comment avez-vous traité ces événements ?
G.W. : En réalité, jusqu’à mai 68, je n’étais pas un dessinateur politisé, et je n’avais jamais rien dessiné sur un sujet politique. Le rédacteur en chef d’Action, un journal pour les étudiants qui était distribué dans la rue, m’a demandé un jour de dessiner sur les événements de mai : la contestation, l’atmosphère dans les rues, l’action des communistes, les rapports étudiants/ouvriers… C’est comme ça que je suis devenu dessinateur politique, j’ai aimé ce que j’ai fait, donc j’ai continué ! Durant la même période, le dessinateur Siné m’a contacté pour lancer un journal, L’Enragé. Le titre m’a tout de suite plu, j’ai donc accepté et j’en suis devenu le co-rédacteur en chef. On travaillait dans un petit bureau, et le journal était vendu par des colporteurs de rue. Cette parution a duré treize semaines.
C. : J’ai également commencé le dessin politique comme cela, en participant à L’Enragé. C’est à cette période que le dessin politique s’est beaucoup développé. Avant, les dessins de presse étaient plus centrés sur des thèmes de société, mettant en scène des sujets plus anodins. D’ailleurs le dessin de presse a beaucoup changé après 68, aujourd’hui, il est devenu presque exclusivement politique.

On fête cette année les 40 ans de mai 68. Quel en est, selon vous, l’héritage ?
G.W. : Mai 68 a donné à la France un formidable courant d’air. Quelque chose a bougé dans les têtes, une sorte de déclic. Nous avons compris confusément que notre bonheur dépendait plus de notre sagesse que de celle des dirigeants, et qu’il ne fallait pas avoir peur d’être lucide. Aujourd’hui, on critique cette période, qui aurait soi disant mis à mal l’éducation et serait responsable de tous les maux, du fait que les jeunes ne connaissent plus l’autorité, etc. Mais cette révolution impulsa des avancées sociales considérables, en particulier pour les femmes. Il faut se souvenir qu’à sa suite, on a autorisé la pilule et légalisé l’avortement.
C. : Politiquement, on peut reconnaître que mai 68 a raté. Mais les acquis sont surtout culturels et sociologiques. On l’oublie souvent, mais un des thèmes de mai 68 était « Non à la consommation ». Malheureusement quand l’essence est revenue, tout a redémarré et aujourd’hui on consomme cent fois plus qu’à l’époque. Mais ce qui est certain, c’est que de ma vie je n’ai jamais connu une telle période où on avait l’impression que le monde pouvait changer, que les gens réfléchissaient vraiment à l’avenir.

Propos recueillis par Clémence Damerval


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« Mai 68 mon amour » — 1
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« Mai 68 mon amour » — 2

P.-S.

Avec l’aimable autorisation de Génération Solidaire.

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