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Capital génétique ?

À l’époque où les tests ADN n’existaient pas encore

vendredi 12 octobre 2007, par Chantal Sayegh-Dursus
mise à jour : lundi 15 octobre 2007

Le Sieur du (...) en était à son sixième nourrisson mort né ou décédé quelques jours après la naissance.

Cette fois-ci tout avait été prévu, afin que le garçon enfanté par dame Mathilde ait toutes les chances de survie. Une solide nourrice, qui avait elle-même mis bas huit fois, avait été quise de la Beauce profonde ; ses enfants ayant tous survécu et augmenté le nombre des solides paysans de Monsieur de (...).

À peine né, le bébé fut confié à cette Vilaine, qui en prendrait grand soin et le rendrait tout grandi et fort, vers l’âge de six ans, afin que débuta enfin l’éducation exigée par sa naissance. Cet enfant, étant, en effet, issu de lignées consanguines, entrecroisées maintes fois, afin que biens et richesses s’accroissent et se multiplient, cristallisait tous les espoirs des Ducs de (...). Il fut soigneusement langé avec les broderies des armoiries de son nom, devant ainsi se faire reconnaître quand viendrait le temps de reprendre la place qui lui était échue. En effet, en tant que premier de la fratrie et héritier de tous les domaines, les suivants potentiels et les cousins, ne pourraient se substituer à lui qu’en cas de décès prématuré ou de déficience physique ou mentale.

Cet avorton, comme vous l’avez pressenti, ne survécut point, mais la brave nourrice, quand le moment fût venu de rendre des comptes, en substitua un des siens.

Et tout le monde, en le voyant arriver, de s’extasier et de se féliciter de cette idée mirifique de l’avoir confié, qui avait ainsi permis de sauvegarder toute une lignée, ayant maints châteaux, dans toutes les contrées de France.

L’œil vif et le pied ferme, ce jeune nobliau, en effet, surpassait tous les autres. Tous reconnaissaient par sa prestance l’héritier d’une famille d’exception. Et tous de s’émerveiller et d’envier une si prometteuse lignée. Et dans toute la cour, tous de supputer laquelle de ces dames aurait l’infini honneur d’assurer cette descendance... Qui fut d’ailleurs, si prolifique, qu’elle agrémenta la cour d’autres grandes familles d’Europe.

C’est peu connaître l’histoire de France que de croire que simple défaillance d’une lignée à bout de souffle ait pu stopper son cours...

Cette histoire fut transmise, par un de sa lignée naturelle, dont l’ancêtre sur son lit de mort lui chuchota l’histoire de sa famille, et comment un distrait de la nombreuse marmaille, avait permis que le noble qui n’en fut point dupe, lui donna espèces sonnantes, qui fit que naquit grande bourgeoisie, à laquelle succéda grands capitaines d’industrie, nouvelle lignée, républicaine celle-là.

La morale de cette histoire est que nulle chicanerie n’entrava à l’époque...

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