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Tribune

« Cessons d’idéaliser l’époque “bénie” du professeur Choron »

mardi 2 février 2010, par Charlie enchaîné, Denis
mise à jour : mercredi 10 février 2010

Nous publions sous la forme d’une tribune/débat un échange de courriels avec un de nos lecteurs ; vos contributions (argumentées) sont les bienvenues (Charlie enchaîné).

Je suis navré de voir que Charlie enchaîné participe à la curée contre Philippe Val. Contrairement à l’opinion qui semble prévaloir un peu partout, j’estime qu’il n’y a eu aucune “trahison” de la part de l’ancien patron de Charlie. Il ne s’est jamais montré tiède dans sa critique du pouvoir actuel, et je n’arrive pas à croire qu’il soit le salopard et le vendu que tout le monde se plaît à décrire. Moi, je l’aime bien, Val.

Mais je ne veux pas faire de lui un saint. Peut-être est-il cassant, autoritaire, et peut-être aussi me décevrait-il sur le plan humain si j’étais amené à le rencontrer. Mais je m’en tiens à ses écrits et, contrairement à certains “alters” puérils et inconséquents, je ne vois aucune trace de pensée réactionnaire dans ses propos. J’aime les gens capables de bouleverser les idées reçues qui prévalent jusque dans leur propre camp.

Je ne vois pas non plus en quoi il aurait “détourné” l’esprit Charlie. Il a, me semble-t-il, fait preuve d’une exigence morale qui n’est nullement incompatible avec l’esprit voyou et iconoclaste voulu par Cavanna, et je regrette que ce dernier — que je vénère par ailleurs — n’ait pas apporté à Val un soutien plus significatif.

Cessons aussi d’idéaliser l’époque “bénie” de Choron : l’humour surréaliste du professeur m’a parfois fait rigoler, même si ce n’était pas toujours très fin, mais il n’était pas non plus à l’abri de tout reproche : on frôlait parfois l’anarchisme de droite. Cavanna n’a d’ailleurs pas toujours considéré le chauve comme son “frère” et, en certaines circonstances, il lui est même arrivé de le traiter de “fripouille”.

C’est pourquoi je trouve étonnante la nostalgie de l’auteur des Ritals lorsqu’il évoque le bon temps où Charlie était un journal de “voyous rabelaisiens”. Je me souviens de son visage déconfit, sur le plateau de Droit de réponse, lorsque Choron et Siné offraient de Charlie l’image la plus déplorable qui soit. De même, je comprends mal qu’il se soit réjoui bruyamment du départ de Val — « Vive la liberté ! » — après avoir affirmé qu’il n’avait pas démérité.

Par ailleurs, je me suis réjoui du licenciement de Siné, que j’ai toujours considéré comme un exécrable dessinateur et un déplorable polémiste : aucun humour, aucun esprit, et une propension à radoter éternellement ses vieilles haines recuites.

Denis


Réponse de Charlie enchaîné. Philippe Val a été — est encore ! — l’objet de nombreuses critiques lorsqu’il était encore directeur de la rédaction de Charlie Hebdo. Charlie enchaîné, qui s’intéresse à tout ce qui tourne un tant soit peu autour de ce journal, s’y est intéressé et a donc rapporté quelques unes de ces critiques, dont certaines évoquent effectivement une “trahison” ou un “renoncement” de Val aux idées qu’ils défendaient naguère. Mais ce n’est pas parce que nous avons rapporté ces critiques que nous y souscrivons nécessairement. D’ailleurs, nous avons apporté un certain nombre d’éléments “à décharge” de Philippe Val (et de Caroline Fourest, également vivement critiquée), en particulier dans les commentaires de nos articles (ici et ). Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas vocation à être partie prenante de la petite meute qui s’en prend régulièrement à l’actuel directeur de France Inter, ni à en être des défenseurs inconditionnels.

Le “problème” de P. Val — pour résumer grossièrement — est que sa “proximité” avec le pouvoir le rend nécessairement suspect. Aux yeux des « alters puérils » que vous dénoncez, cela ne fait que confirmer la trajectoire opportuniste empruntée par Philippe Val — et il est difficile de leur donner tort sur ce point. Néanmoins, Val doit être jugé sur ses écrits et sur ses actes et non sur les intentions qu’on veut bien lui prêter (Stéphane Guillon, Didier Porte et Daniel Mermet sont encore à l’antenne d’Inter…). Si l’on se plonge là-dedans, effectivement, le propos se doit d’être nuancé. Et cela est difficile à concevoir pour beaucoup de monde. Même pour Val qui, généralement, faisait preuve d’une certaine pondération dans ses éditos, mais qui s’est parfois adonné à des réactions à l’emporte-pièce sur certains sujets (deux exemples : Internet et la critique de médias) qui lui ont attiré des élans d’antipathie de la part des personnes visées.

Au final — c’est notre interprétation — on aboutit à des querelles de personnes et d’égos, des postures, et des débats de forme plutôt que de fond. Un cas typique est l’« affaire Siné » et ses outrances de part et d’autre. Du grand n’importe quoi…


Réponse de Denis (ajout du 10/2). Merci pour votre réponse, qui me semble équilibrée. Cela dit, même l’opportunisme supposé de Val et sa prétendue proximité avec le pouvoir ne me convainquent pas.

Faire évoluer son point de vue en le nuançant n’est pas, à mon avis, une preuve d’opportunisme, et je ne vois pas ce qu’il y a d’admirable à radoter, lorsque l’on prend de l’âge, les slogans que simplistes que l’on braillait lorsque l’on avait vingt ans (est-il besoin de préciser que je pense inévitablement à Siné en faisant cette remarque ?). Les slogans n’ont jamais fait avancer quoi que ce soit. J’aime les positions intransigeantes lorsqu’elles visent juste et qu’elles sont argumentées.

Cela ne m’intéresse pas, lorsque j’achète un journal, de lire chaque semaine « Mon plus grand bonheur est de voir de la cervelle de flic éclatée », comme l’a fait Siné dans une ancienne chronique (la citation n’est peut être pas reproduite mot pour mot, mais c’était l’“idée” exprimée, et à peu près en ces termes).

Enfin, je ne pense pas que Val tape régulièrement sur le ventre de Sarko pour la seule raison qu’il est ami avec Carla Bruni. Et si le fait d’exercer une fonction publique sous un gouvernement que l’on combat est une preuve de trahison, alors il faut faire fusiller tous les fonctionnaires !


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15 Messages de forum

  • Putain, ça fait du bien ! Merci à Denis, et merci à Charlie Enchaîné pour cette réponse mesurée. Aucun commentaire n’est encore publié, je n’ose imaginer les tombereaux d’insultes soumis jusqu’ici à la modération, les mêmes qui tombent systématiquement dès que le mot "Val" est écrit dans un texte sur le net...

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  • Précisons un peu les choses pour ma réaction : je n’aime pas Philippe Val, ce qui bien entendu ne m’empêche pas d’avoir quelques copains qui l’apprécient et avec lesquels je ne suis pas (pas encore ?) tout à fait fâché...

    Quelques raisons de ne pas l’apprécier : son dénigrement systématique de ses détracteurs (avec franchissement fréquent du point Godwin), son bon sens apparent dans lequel je perçois une pensée très binaire (pour autant que l’on puisse parler de pensée chez un éditorialiste), son manque d’honnêteté intellectuelle.

    Plutôt épargné par le personnage médiatique, puisque dépourvu de téléviseur et belge, je me retrouvais donc face à ses éditos : je lisais mes Charlie dans l’ordre, puis je les lisais en commençant par la fin, ensuite, sans lire l’édito, et enfin je ne les ai plus lus. L’avant-dernier que j’aie lu, par hasard, portait sur l’affaire Denis Robert : mon écœurement fut calmé par les chroniques de Cavanna et Siné, à l’époque.

    Le dénigrement : tout ceux qui n’auraient pas été d’accord avec les positions de Val se voyaient affublés d’une étiquette. Pas de souci dans un journal satirique, à mon sens, mais combien de ces éditos abordaient leur sujet d’un ton très convaincu et avec un sérieux mortel ? C’est sans doute ainsi que l’on passe de la satire à l’insulte gratuite...

    Le bon sens : contrairement à la citation du même Val sur les sondages (son seul texte qui m’amuse encore), tout comportement passionnel de ses adversaires était critiqué en fonction d’une prétendue logique, digne du schéma classique de la dissertation scolaire. Et au fond, la posture de l’éditorialiste se trouve ainsi résumée : des idées pas nécessairement intéressantes, puisqu’elles expriment une opinion, voire un préjugé, et une structure d’argumentation très classique comme point de référence. Philippe Val est ainsi représentatif de l’éditorialisme à la française : un exercice d’élève appliqué qui se donne l’illusion d’être brillant... Qu’allait-il donc faire dans cette galère de Charlie-Hebdo ?

    Manque d’honnêteté ? Au quotidien, je ne puis le dire puisque je ne fréquente pas mais dans ses éditos, ô combien ! Tout ce qui échappait à notre éditorialiste se retrouvait coincé par une formule peu amusante, d’ailleurs, ou par des supputations sur les motifs conscients ou inconscients de ces comportements ou de ces opinions que notre grand penseur spinoziste tenait pour méprisables. Je suppose qu’être un observateur éditorial ne lui suffisait plus, il lui fallait devenir un acteur médiatique : si vous jugez que la phrase qui précède témoigne d’une certaine malhonnêteté intellectuelle, je vous le concède. D’ailleurs, tout le monde ne peut se prénommer Philippe.

    Voilà ce que je pourrais vous répondre comme ancien lecteur autonome de Charlie, sans me voir associé à ces fameux alters qui m’agacent souvent, à ces querelles de clochers ou à une quelconque étiquette (pitié !), enfin à l’un de ces laids bidules qui nous permettent de résumer si facilement notre perception des opinions parce que nous recherchons un camp auquel appartenir.

    Bien à vous.

    Voir en ligne : http://ubucasa2.blogspot.com/

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    • Cher Ubu,

      Savez-vous exactement pourquoi vous détestez Philippe Val ? À lire votre réponse, il semble bien que vous vous contentiez de relayer toute la bouillie que l’on lit à son sujet sur le Net, dont se repaissent certains perroquets exaspérants de conformisme. Vous semblez oublier que Val est un un polémiste, et qu’à ce titre il provoque et il s’amuse. Lorsqu’il écrit qu’Internet est un repaire de nazis, de pédophiles, de mégalos, de maniaques, il faut singulièrement manquer d’humour pour le lui reprocher. Reprenez votre vieille collection de Charlie et vous verrez que notre grand Cavanna lui-même était friand de ces billets d’humeur truffés de juxtapositions cocasses. Pensée binaire ? Il me semble au contraire que Val s’est efforcé de combattre semaine après semaine des préjugés tenaces qui sévissent dans les milieux de gauche, sur Israël et sur l’Europe notamment. On est loin des "Je hais, j’exècre, je chie sur…" de Siné. Cela, les révolutionnaires d’opérette ne le lui pardonnent pas. Lorsque je vois Besancenot (qui a soutenu Siné) présenter une femme voilée sur sa liste, je me dis que Val faisait preuve d’une grande lucidité quand il tonnait contre le relativisme culturel et défendait l’universalité des droits de l’homme. Que l’extrême gauche se fourvoie à ce point en soutenant ce qu’elle devrait combattre avec la dernière énergie. "Sérieux mortel", dites-vous ? Vous l’avez sûrement mal lu. Relisez ses chroniques sur Aimé Jacquet, sur le bouddhisme, sa nécro de Pauwels, vous verrez que c’est autrement plus fin et plus savoureux que du Siné. Il s’en prend à ses détracteurs ? La belle affaire ! Vous ne voudriez tout de même pas qu’il se montre conciliant avec des gens qui ont passé leur temps à lui chier dessus (Acrimed, Plan B, Bakchich, j’en passe et des pires). Aussi, cher Ubu, soyez gentil : lorsque vous qualifiez quelqu’un de malhonnête intellectuellement, essayez de vous appuyer sur des faits précis plutôt que de reprendre à votre compte les âneries que l’on écrit à son sujet.

      Bien à vous,

      Denis

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      • Cher Denis,

        Je passerai, si vous me le permettez, sur vos généralisations abusives à propos de la "bouillie" sur le Net : je suppose que c’est une manifestation de votre humour valien ? Pour rappel, un lecteur qui n’aime pas Val (ouille ?) et apprécie Siné, Cavanna et les autres (ouille ?) est capable de lire aussi avec son cerveau, ce qui nous évitera cette condescendance typique de votre éditorialiste préféré. Cela vaut pour les texticules de votre préféré comme pour ceux de ses détracteurs d’Acrimed. Par contre, analyser un texte de Val est un plaisir d’esthète un rien pervers, tant il est aisé d’y pointer les bonnes consciences, cette sorte de gauche morale stéréotypée qui donne des leçons à peu de frais mais qui craint d’en recevoir quand ses gestes contredisent ses propos. Val eût-il été éditorialiste dans un magazine de news quelconque que nous n’aurions pas cette conversation : et sans doute lirais-je encore Charlie-Hebdo...

        Quant aux rages primaires des uns face à la lucidité des autres, nos pays ont connu leur masse de gens raisonnables qui ont laissé faire et d’enragés qui ont agi, et vice-versa, ce qui ne nous conforte ni l’un ni l’autre, à moins de nous pencher sur les passés respectifs de ceux que vous comparez : je crains cependant qu’il n’y ait comme un vide d’un certain côté. Même réflexion face aux principes de l’universalisme ou du relativisme, avec cette remarque, cependant : faut-il vraiment penser en noir et blanc pour être valien ? J’apprécie pour ma part les couleurs, mieux les nuances de pensées, autant que les coups de gueule...

        Vous vouliez un fait, le voici : cette fameuse chronique sur Denis Robert du 25 juin 2008. Relisez-la et faites-vous une opinion sur cet éditorialiste qui s’acharne ainsi sur un adversaire (quand Denis Robert a-t-il attaqué Val ?) manifestement très puissant puisque surendetté par de multiples procédures judiciaires, à l’époque. Et pour quelles raisons, cet édito, auquel quelques primaires de Charlie crurent bon de réagir ? C’est là que l’éditorialiste exerce ses talents de polémistes, sans doute ? Il me fait plutôt penser au petit chef de service, qui ne se rend pas compte qu’il vient de franchir la ligne de la simple honnêteté pour la dernière fois en voulant démolir ce qu’il n’a jamais été : un journaliste (relaxé depuis d’ailleurs)...

        Tant que les positions de Val s’attaquaient à des institutions ou à des groupes contestataires, cela ne m’intéressait guère mais je n’y voyais rien à redire. Par contre, en juin 2008, j’estime que ce sinistre personnage a fait preuve de lâcheté et là, je souscris, comme Francis Kuntz et Jean-François Diana, entre autres, au fait qu’il y avait là un coup assez lâche dans le dos...

        J’ignore si vous appréciez ce genre d’attitude mais pas moi. Je préfère les primaires qui gueulent avec une certaine sincérité, les provocateurs qui prennent des risques aux éditorialistes qui saisissent les opportunités... J’attendais de Charlie-Hebdo le retour des audaces : je me suis lassé de sa normalisation, comme un certain nombre de ses collaborateurs sans doute...

        Vous avez raison : Val n’est pas seulement malhonnête intellectuellement, il fut lâche également... J’avais failli l’oublier.

        Bien à vous

        Voir en ligne : http://ubucasa2.blogspot.com/

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        • Cher Ubu,

          Je suis désolé que vous ayez pris mes propos pour de la condescendance à votre égard, ce n’est pas le cas. En revanche, je maintiens mon point de vue sur les torchons électroniques que j’ai cités, où pullulent toutes sortes de crétins illettrés dont le seul plaisir est de lyncher, de diffamer, de calomnier, et qui n’ont que l’invective à la bouche. En ce qui concerne l’affaire Denis Robert, que je ne connaissais pas et contre qui je n’avais rien de particulier, je ne vois, là encore, aucune malhonnêteté de la part de Val : il réagissait, ce que je trouve parfaitement normal, aux allégations de Robert sur la collusion supposée entre Charlie et Clearstream sous prétexte qu’ils avaient le même avocat, supputations parfaitement gratuites auxquelles ledit Robert n’a apporté aucune preuve. Donc, lorsque vous affirmez que Robert n’a jamais attaqué Val, c’est faux, et je trouve que cet épisode montre clairement de quel côté se trouvent la bassesse et la lâcheté. Par ailleurs, pour ce qui est de la bonne conscience et des "leçons" que Val est supposé donner, il n’a rien à envier, dans ce domaine au prêchi-prêcha et au conformisme d’une certaine extrême gauche, qui passe son temps à nous dire où sont le bien et le mal et savent distinguer au premier coup d’œil les bons et les méchants. Et si vous prenez pour de la sincérité les éructations d’ivrognes de certains "purs" (ah ! la pureté !), pardonnez-moi de vous le dire, vous n’êtes guère exigeant. Je n’arrive guère à comprendre que vous considériez les éditos de Val comme relevant de la pensée "en noir et blanc" et que, dans le même temps, vous trouviez à votre goût las propos simplistes et les analyses manichéennes de certains.

          Bien à vous,

          Denis

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  • Cessons d’idéaliser...

    25 juin 2010 13:49, par Daniel
    Et maintenant cessons d’idéaliser Philippe Val... qui ne se soucie que de l’"actionnaire principal" de France Inter, comme il le dit lui-même. Faudra songer à changer le slogan de la radio : l’irrévérence...

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    • Cessons d’idéaliser Porte et Guillon 26 juin 2010 10:41, par Denis

      Cessons d’idéaliser...

      Cher Daniel,

      Je suis heureux de découvrir enfin une nouvelle réponse au débat que j’ai lancé, car les contributions se faisaient rares, ces temps-ci. Je vais donc tenter de vous résumer le mieux possible mon opinion sur ce sujet.

      Je vais sans doute passer encore comme un mauvais coucheur, mais je n’ai pas tellement envie de pleurer Porte et Guillon : je ne les trouve drôles ni l’un ni l’autre (ils font partie de ce que j’appelle les "faux insolents"). Jusqu’à présent, ils pensaient que leurs scores d’audience les protégeaient et ont voulu titiller leur employeur, Philippe Val, pour voir jusqu’à quel point il accepterait de se faire cracher dessus. Eh bien ils ont vu !

      Je dois être un des rares, dans ce pays, à défendre Philippe Val : il n’a pas bonne presse, il est réputé cassant et autoritaire. C’est possible, mais, personnellement, je trouve qu’il n’y a pas une virgule à retirer dans ce qu’il écrivait alors qu’il était patron de "Charlie Hebdo". On l’accuse d’avoir "trahi ses idées" parce qu’il préfère la gauche humaniste, héritière des Lumières, à la gauche des goulags et des hôpitaux psychiatriques. Contrairement à Besancenot et à d’autres, je n’ai aucune admiration pour Guevara ou Trotski : ils n’ont pas vécu assez longtemps pour faire les mêmes saloperies que Castro et Staline, mais on peut difficilement les considérer comme des bienfaiteurs de l’humanité : Guevara assistait aux exécutions capitales avec un grand sourire et le cigare entre les dents, et Trotski est tout de même le créateur de l’Armée rouge, qui n’était pas précisément une organisation philanthropique.

      Lorsque Val a viré Siné de Charlie Hebdo pour antisémitisme, Porte et Guillon ont choisi le camp de Siné, en faisant semblant, comme Bedos, Delfeil de Ton et d’autres, de ne pas voir ce qu’il y avait d’antisémite dans ses propos. Pourtant, ces rapprochements "juifs = argent" rappellent furieusement, si l’on veut bien faire preuve d’un peu d’honnêteté, la prose que l’on pouvait lire dans la presse de la collaboration (il n’y avait pas seulement des appels au meurtre, dans ce genre de publications, on y trouvait aussi toutes sortes d’insinuations dont l’effet principal était de renforcer les préjugés les plus stupides et les plus révoltants). Siné a essayé de se faire passer, avec un certain succès, comme un martyr de la liberté d’expression, tandis que Val, qui préfère la gauche de Jaurès et de Blum à celle de Jules Guesde, a été considéré comme un traître et un censeur.

      Comme vous, les licenciements pour délit d’opinion me sont a priori insupportables, et cela me fait un peu de mal, je le reconnais, de voir Philippe Val dans son petit costume étriqué se transformer en gestionnaire coupeur de têtes. Cela dit, je peux comprendre (et vous aussi sans doute) qu’on peut se lasser de se faire déverser quotidiennement des seaux de merde sur la tête par ses salariés, lesquels n’ont guère eu à se plaindre, jusqu’à présent, d’avoir été bridés dans leur liberté de s’exprimer.

      Voilà pourquoi le licenciement de Porte et de Guillon ne m’affecte pas plus que ça. Je terminerai en citant, en substance, cette remarque judicieuse de Charb (qui n’est pourtant pas le plus valien de l’équipe de Charlie) : un humoriste pas drôle, n’est-ce pas, en soi, une faute professionnelle ?

      Bien à vous

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      • Cessons d’idéaliser Porte et Guillon 28 juin 2010 14:32, par Denis
        Eratum : "Je vais passer pour un mauvais coucheur", et non "comme".

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      • Cessons d’idéaliser Sarko et ses amis 3 juillet 2010 01:47, par ektin
        Merci cher Denis d’illustrer avec brio à quel point la mauvaise foi est bien du côté de la clique Val, Bruni, Sarko and co. Si demain Val encensait Anelka, tu te préci-pitre-rais dans une boutique Adidas pour acheter le maillot bleu au coq. Sauf que pour toi, le volatile gagnerait à être remplacé par une autruche. C’est bien joli d’essayer de ramer à contre-sens, en espèrant paraitre émerger de la foule, mais là tu rampes sur le plateau (in)continental ;-)

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        • Cessons d’idéaliser Porte et Guillon 3 juillet 2010 07:47, par Denis

          Curieux ,on me signale l’arrivée d’une réponse et je ne la vois pas apparaître à l’écran. Tant pis, j’y réponds en fonction de ce que je vois sur ma messagerie.

          Cher (ère) inconnu(e),

          Tout comme tes cactuels compagnons de lynchage et d’anathème, tu ne peux t’empêcher de recourir à l’amalgame Val-Carla-Sarkozy. Tout comme eux, tu n’as pas de preuve sérieuse de cette collusion supposée, mais, sans doute pour avoir la sensation délectable de se trouver dans le grand bain tiède de l’œcuménisme (bande de culs-bénits, va), tu préfères te joindre au chœur des putois sans chercher à savoir s’il est vraiment justifé de brûler Val en place publique.

          Contrairement à ce que tu sembles penser, je ne suis l’inconditionnel de personne, pas même de Val. Je pense que c’était une grosse erreur de sa part d’endosser ce rôle, dans les conditions de nomination que l’on connaît, et de se trouver ainsi dans l’obligation de se transformer, comme je l’ai déjà écrit, en employeur pragmatique coupeur de têtes. Je préférerai de loin qu’il se consacre à l’écriture.

          Autre raison qui me fait penser que tu parles sans savoir et que tu utilises le raccourci simplificateur sans chercher à en savoir davantage : personne, pas plus Val qu’un autre, ne m’obligera à m’intéresser au foot, que j’ai toujours abhorré, exécré et dont je me fous comme mes premiers poils au cul, tout comme Val d’ailleurs. Si, pour, reprendre ta supposition "abracadabrantesque", Val se mettait à s’intéresser au au foot et à soutenir les bleus, là, oui, je commencerais à voir les prémices d’une trahison ! Je n’"essaie" pas de ramer à contresens, je suis "contraint" de ramer à contresens, et, contrairement à ce que tu sembles penser, je n’en éprouve pas de volupté particulière. Je préférerais très nettement voir mes petits camarades faire usage de leur cortex plutôt que de se regrouper en troupeaux bêlants, puisque tu aimes les métaphores animales. L’autruche te salue (je ne dirai pas "te pisse à la raie", puisque tu me soupçonnes d’incentinence, car c’est une bête bien élevée).

          Bien amicalement,

          Denis

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        • Cessons d’idéaliser Sarko et ses amis 3 juillet 2010 16:58, par Charlie enchaîné
          Merci de veiller à rester courtois.

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          • Cessons d’idéaliser Sarko et ses amis 5 juillet 2010 22:57, par Denis

            Je ne résiste pas au plaisir de retranscrire ici un article signé Anthony Casanova paru dans le Coq des bruyères n° 164, une revue électronique qui regroupe apparemment des auteurs proches de Patrick Font. Cette lettre a le mérite de s’écarter résolument des aboiements de la meute qui réagit, de la façon la plus pavlovienne qui soit, dès que l’on prononce le nom de Philippe Val. Elle exprime simplement les doutes que peuvent légitimement ressentir tous ceux qui sont attachés à la liberté d’expression mais refusent cependant les anathèmes et les réflexes moutonniers.

            "Mon cher Philippe Val, Nous y voilà mon vieux. Dans quelle merde tu me fiches ! A moi… ayant tant d’estime pour tes 25 ans passés aux côtés de Patrick Font, et tes 18 ans avec la bande de Charlie Hebdo, tu m’obliges à hurler avec les loups. J’entends déjà les amalgames entre le renvoi de Siné, où j’étais d’ailleurs de ton avis, et le renvoi de Didier Porte que je ne peux que désapprouver. Mais je te pose la question : comment faire autrement ? A mon avis, c’est impossible. Que tu veuilles supprimer la tranche humoristique de la Matinale qui n’était, au départ, qu’un cache sexe pour faire oublier le renvoi d’Alain Rey par l’ancienne direction, c’est ton droit. C’est un choix éditorial dont tu es le seul décisionnaire. Mais virer Didier Porte (humoriste) du Fou du roi (émission humoristique), c’est une connerie, plus que douteuse. Pourquoi, me diras-tu ? Parce que renvoyer Didier Porte, c’est renvoyer Desproges, c’est te renvoyer de Synergie, c’est renvoyer Patrick Font, c’est nous renvoyer nous tous, nous les satiristes, dont Didier était le SEUL représentant à la radio. Didier Porte est impertinent, cultivé, irrévérencieux, ses chroniques allient le fond (opinion intellectuelle) et la forme (les éclats de rire des auditeurs et ceux du public du studio 106 en sont la preuve). Faire rire et réfléchir, ce fut toujours ton « crédo », et aujourd’hui tu le bazardes comme un disque de Sardou qu’on t’aurait offert pour ton anniversaire ! Quelles sont les raisons avancées pour justifier l’éviction de Didier Porte ? Elles sont si tristes que je n’en citerai qu’une : tu reproches de vous être fait « pourrir à l’antenne ; C’était une atteinte à notre honneur et à notre considération (…) depuis que Jean-Luc, et moi-même avons été nommés, on ne les a pas emmerdés une seconde : ils se sont mis en boucle seul dans leur tête, ils se sont mis à aller de plus en plus loin et ils ont fait preuve d’une déloyauté constante. » Analysons ensemble ta déclaration : « depuis que Jean-Luc, et moi-même avons été nommés », voilà le premier malaise. La manière dont Jean-Luc Hees fut nommé. Le fait, et tu ne peux l’ignorer, d’avoir été nommé par l’Elysée ne pouvait que rendre suspicieux les collaborateurs de Radio France. Hees le savait, tu le savais, Sarkozy le savait. Si Chirac, en son temps, avait nommé PPDA patron de Radio France, tu aurais été, je n’en doute pas, le premier à guetter toutes les formes d’allégeance entre le chef de l’Etat et son « poulain ». Il était donc normal que cette première année vous mette à l’épreuve, malheureusement vous avez échoué. Suite de l’analyse : « ils ont fait preuve d’une déloyauté constante ». Mais envers qui ? La radio publique ? Tu blagues ! Non, c’est envers vous la « déloyauté », et c’est absurde ! Vous n’êtes que les dirigeants de Radio France pas « l’essence même » de la maison de la Radio ! Et ose me dire que ce n’est pas le rôle des humoristes d’être de mauvaise foi, railleurs, et dans l’exagération ? Si, et tu le sais. Tu l’as toi-même admis au moment où tout le monde - dont Didier Porte - se fichait de ta pipe pour avoir accepté l’invitation du Medef. Tu déclaras, sur Inter, que c’était le rôle de Porte puisque c’était un humoriste, et qu’en plus il était le meilleur chroniqueur de la station ! Je ne puis imaginer que ton jugement ait changé. Pour simplifier, le renvoi de Didier Porte est une affaire d’égo. Et ça, c’est indigne de ton poste. Or, avec Charlie Hebdo, tu fus, sans doute, le directeur de journal qui eut à subir le plus de critiques de la part de ses collaborateurs. C’était le débat démocratique, disais-tu. Et aujourd’hui, tu t’en savonnerais ? C’est ce qui me pousse à formuler l’hypothèse que la décision vient de Jean-Luc Hees, et que tu n’as pas voulu te désolidariser de ton ami. Si j’ai raison, démissionne parce que tu n’es pas fait pour ce boulot. Si j’ai tort, alors que feras-tu si Stéphane Bern invite Didier Porte, tous les jours pour y faire sa chronique ? Comme Jean-Luc Hees le fit pour toi, lorsque tu fus renvoyé de France Inter. Tu doubleras les sanctions ? Alors, mon vieux, tu deviendras l’un de ceux que tu as toujours combattu depuis 40 ans ! Dans ce cas là, nos chemins se séparent, et, en te paraphrasant, pour conclure : cher Philippe Val, pardonnez-moi si aujourd’hui je vous tutoie, c’est que pour moi, jusqu’à ce putain de jour où tu renvoyas Didier Porte, l’intelligence et l’humour c’était toi. PS : A partir de la semaine prochaine, bien qu’il ne fasse pas partie de l’équipe du Coq Des Bruyères, nous annoncerons tous les spectacles de Didier Porte dans le journal jusqu’à son réengagement à France Inter. Ce sera modestement, notre façon d’exprimer, à ce brillant humoriste, notre soutien indéfectible."

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            • Cessons d’idéaliser Sarko et ses amis 9 juillet 2010 00:51, par Denis

              Tiens, deux autres pour la route, toujours pêchés dans Le Coq des bruyères L’un est signé Patrick Font (je pense que son point de vue n’est pas inutile), et l’autre Sibille, autre "Auteur réuni", deux personnages peu suspects de collusion avec le pouvoir (la clique Val-Sarko, hein, Etkin ?). Une fois encore, ces articles détonnent agréablement dans le chœur des putois et les bêlements des moutons. Du doute roboratif, et non des certitudes sclérosantes.

              Val ceci et Val cela, par Patrick Font À l’heure où j’écris ces lignes, une triste affaire gronde sur l’antenne de France-Inter. Philippe Val est vilipendé de toutes parts, comme d’habitude. Comme toujours, chaque fois que Philippe éternue, la presse et les radios me demandent d’analyser le contenu du mouchoir. C’est très bien : cela me permet, en guise de réponse, de faire de la pub pour mon disque avec Martial et Anthony et la sortie de mon bouquin, qui pointera son nez courant octobre, éditions du Cherche-Midi. On donnera une soirée au théâtre des Deux-Ânes le lundi 25 octobre, avec une nouvelle pièce jouée par Thierry Rocher et moi-même : Le Crépuscule des vieux. Ainsi les aventures de mon ex-collègue de scène me rendent-elles de grands services, pourvu que ça dure ! Mais la route sera longue sur le chemin du Vatican.

              Charlie Hebdo vs Val, par Sibille Vous avez vu la couverture de « Charlie-hebdo » de cette semaine ? Arrêt sur image, donc ; on y voit Napoleonetto, déguisé en fou du roi, un sceptre à doigt d’honneur en forme de micro à la main, dire : « Faut que je fasse tout ici… » Dans Charlie ! Par Riss, l’excellent Riss, qui faisait partie du dernier carré de lieutenants presque totalement dévoué à la ligne du patron… En page trois, Bernard Maris, qui faisait partie aussi de la garde rapprochée, se fend d’un papier où on peut lire, entre autres : « Que Val et Hees aient moins de sens politique ou plus de susceptibilité que Martine Aubry est incroyable. Et pitoyable. » Wouaouh… Plus susceptible qu’un leader du parti socialiste ? Là, quand même, ils y vont fort, avec l’ancien daron, à Charlie… Ils ont dû vraiment en chier sous sa férule pour s’épancher commak… Et les dessinateurs ne sont pas en reste, il y en a, des pavés comme ça, à longueur de pages… Je n’entrerai pas plus dans les détails de la description de ce numéro historique d’un journal qui brocarde abondamment son ancien patron, et refondateur. Vous n’avez qu’à l’acheter, ou le voler, comme le préconisait Cavanna à la grande époque, si vous êtes trop radin pour claquer deux euros cinquante, oui, il vient d’augmenter il y a quatre semaines. Je n’arrive vraiment pas à croire, comme en est persuadé mon pote Didier Porte, qu’un ex-humoriste, et un vrai, en plus, dont les vannes à la fois hyper-documentées et bien couillues, bien velues, ceux qui l’ont vraiment connu ne pourront que confirmer, nous vengeaient de la couennerie compassée qu’a voluptueusement développée l’ère Giscard, puis des caquètements de basse-cour cour tontonesques, puis des affaires financiaro-minables de la décadente Chiraquie, puisse s’acoquiner avec le représentant archi-assumé, voire revendiqué, de l’avènement de l’artiche au pouvoir pour virer de la radio payée par nos impôts ceux qui sont, après tout, rien moins que ses fils, ô combien spirituels, d’ailleurs. Philippe, je crois vraiment savoir qui tu es. Je te connais presque aussi bien que peut le faire Patrick, qui t’a évoqué dans le dernier numéro du Coq des bruyères. Non seulement tu vas réintégrer Didier, parce que tu ne peux pas avoir décidé du jour au lendemain de dégager la seule, je disais bien la seule personne qui nous faisait rire sur Inter. Enfin , j’exagère, David Law n’est pas mauvais, Éric Dussart aussi, et certaines des outrances de Régis Mailhot peuvent également faire éclater. Mais, assurément, le meilleur, et le seul vrai humoriste politique, et tu le sais. Et, dans la foulée, fais-moi plaisir, je sais que tu es grand amateur de musique, alors, soit tu dégages Laurent Lavige et Bernard Lenoir, soit tu leur fais faire un stage avec les exceptionnels programmateurs de notre radio, Balistiq. Les meilleurs du monde, je le dis sincèrement, et là, je remercie du fond du cœur et des oreilles Nicolas et toute son équipe. Et, du même coup, car je sais que tu as aussi le sens de l’hygiène, tu en profites pour mettre directement au pilon toute la discographie « nouvelle scène française » d’Inter, avec en priorité Jean-Louis Murat et son nid d’hémorroïdes à microphone qui rotent plus qu’elles ne chantent, Benjamin Biolay et compagnie. Tu les as assez brocardés sur scène, merde ! Et puis tu as aussi écrit une chanson qui s’appelle Le foot me broute, sur une musique de Chico Buarque, car tu hais à juste titre le sport spectacle. Mais si, dans le spectacle présenté par cette fameuse affiche sur laquelle Patrick et toi initiaient un ancien ministre de la culture au massage prostatique avec la bite. Nous en avons parlé des heures ensemble, à longueur de footings. Alors, pourquoi ces ouvertures de journaux radiophoniques qui nous enfournent du ballon rond pendant des dizaines de minutes, à nous en faire gerber ? France Inter, la différence, merde, c’est bien ça, le slogan, non ? C’est quoi, la différence ? Le ballon, il est moins gonflé qu’ailleurs ? Moins de sport aux infos, et de la meilleure variété dans les émissions qui parlent, ça serait pas mal, comme différence, déjà… Bon, en tout cas, quoi qu’il arrive, n’oubliez pas ! Dans les urnes, le seul actionnaire, euh, pardon, le seul acteur, c’est vous, et il n’y a que vous qui puissiez, en mai 2012, et en toute clarté et connaissance de cause cette fois, renvoyer définitivement chez lui l’humoriste de l’Elysée.

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