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Chab Mami : comme il a fait lui

mardi 19 octobre 2010, par Hadi Taibi

Mademoiselle Duponette est la fille de ses parents monsieur et madame Dupont. Elle est belle, sensuelle et intellectuelle ; elle est photographe à temps partiel et partiellement photogénique pendant son temps libre. En sombre comme en clair, elle possède tous les atouts pour séduire. Mademoiselle Duponnette est tout simplement française et elle aime le président de tous les Français pour lequel elle a voté.

Des promesses électorales non tenues elle n’en a cure. Pour peu que le président pour lequel elle a voté ne tienne à ses menaces. Et là, son candidat préféré, depuis qu’il est élu président, il ne l’a jamais déçue. Elle avoue en privé qu’il lui arrive même de dépasser ses propres aspirations.

Dans ce chapitre, le président pour lequel mademoiselle Duponnette a donné sa voix (on ne le répétera jamais assez), a mis en place un dispositif répressif pour dissuader les candidats criminels, non pas à renoncer à commettre leur crime, mais simplement à veiller à ce que leurs victimes ne fassent pas partie de la population qui émarge aux statuts de magistrat, policier ou militaire de la gendarmerie. Ceux qui s’aventureront à tuer un fonctionnaire relevant de l’un de ces trois corps se verront appliqués la peine maximale sans possibilité de sa révision et incompressible le long de leur emprisonnement.

Mademoiselle Duponnette n’est ni magistrate, ni policière, ni gendarmette. Elle n’est pas non plus criminelle pour solliciter leur indulgence. Elle est française, elle vit librement ses fantasmes en territoire français et cela lui suffit largement pour jouir sur un double plan : celui de la luxure et du luxe que lui offre son impunité. Cela a toutefois un prix d’un autre genre à payer, mais comme mademoiselle n’a pas pour habitude de passer à la caisse, elle se met avec le gars qui présente les qualités requises.

La première partie de l’histoire est une réussite totale. Sans doute à cause de sa couleur rosée, sinon de son goût savoureux. Un homme friqué, voitures de sport somptueuses, soirées mondaines majestueuses et nuits parisiennes fastueuses sont au programme de la jeune dulcinée et aux seuls frais de son artiste bien-aimé. On s’adonne sans compter au plaisir de la chair. Mais on se rend vite à l’évidence que jusque là, ça ne devrait rester que ça !

La seconde partie est noire. Cette couleur qui se trouve être la moins facile à rater. C’est l’extase qui laissera, à coup sûr, dans la tête de l’artiste un réservoir d’amertume à vidanger. L’ovule de mademoiselle fut transpercé par un microscopique engin qui est venu insidieusement s’y implanter. Le géniteur qui se plaisait de la galante compagnie de la pute, va se retrouver avec un fils de pute dans les bras. Il n’en voulait pas !

Invitation de la maman à Alger, séquestration, tentative d’avortement ratée, des enregistrements téléphoniques prémédités, des complicités actives et retour à Paris. Ce séjour algérois a permis de monter un dossier assez consistant, pour mettre en accusation un présumé auteur assez naïf, avec l’aide de témoins à charge assez compromettants. La justice n’hésite pas à recourir aux forceps pour extraire la vérité de la bouche bée du chanteur-baiseur-avorteur. La condamnation est sans appel : 5 ans d’emprisonnement.

Entre-temps, la toujours demoiselle Duponnette donne naissance à une fillette. Le papa qui purge sa peine arrive au terme de sa troisième année d’emprisonnement. Il introduit une requête pour bénéficier d’une remise de peine légale. Le juge d’application des peines, contre toute attente, notifie son refus, au motif que le requérant n’a pas d’enfant résidant sur le territoire français. La fille née de mademoiselle Duponnette aurait-elle changé de pays, ou alors la justice estime-t-elle que les motifs de paternité évoqués lors de la condamnation prononcée à l’encontre du père ne seraient plus de rigueur ? Tout porte à croire que le juge de Melun, qui ne connaît que trop bien les conditions ayant présidé à la conception de la fillette, ainsi que toutes les souffrances qu’endure une maman porteuse d’un bébé fruit d’une liaison adultérine, est bien placé pour connaître que la fillette, ainsi née, répond au profil type de future magistrate, policière ou gendarme, et ça, le magistrat ne pouvait naturellement l’ignorer au moment de rendre son jugement ; à ce titre, il condamne Chab Mami, par anticipation, à l’incompressibilité de sa peine, lui qui a tenté de tuer une fonctionnaire encore à l’état embryonnaire.

À propos de la juridiction de Melun, l’histoire retient encore et jusqu’à nos jours une simple phrase inscrite il y a plus de soixante-dix ans sur les murs du palais de justice : « LIBÉREZ MESSALI ! » Cinquante ans après l’indépendance de son pays l’Algérie et trente-cinq ans après sa mort, le leader nationaliste attend toujours d’être gracié. Il n’y a aucune raison à ce qu’un artiste, détenu de droit commun, bénéficie d’une faveur qui fut refusée à un détenu politique. Sauf peut-être qu’ils sont tous les deux originaires du même pays.

P.-S.

Nous rappelons que les propos tenus ici n’engagent que leurs auteurs (Charlie enchaîné).

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