Charlie enchaîné

Une revue de presse de Charlie Hebdo et du Canard enchaîné.
Et un peu plus.

Accueil du site > Coin des rédacteurs > Air du temps > Créateur d’ombres

Créateur d’ombres

Le 11 septembre

samedi 8 septembre 2007, par Chantal Sayegh-Dursus
mise à jour : lundi 10 septembre 2007

Il avait été chargé d’en ramener le maximum, mais on lui avait fourni peu de moyens.
Il savait, du moins, cela lui avait été dit, que la récompense serait proportionnelle au rôle.
Il serra les dents, car ce dernier n’était pas vraiment dans sa nature ; mais ce ne serait, après tout, que l’effort d’un moment.
Il lui suffirait de crier la phrase clé, sans réfléchir, machinalement, puis de s’abstenir de toute pensée pendant quelques instants.
Le désespoir, puis la haine qu’il avait ressentis ne l’habitaient plus, pas plus que l’impression de dépossession et de manque qui l’avait mus au départ. Il était au contraire envahi par une grande tranquillité.
S’il ne s’était empêché de réfléchir et de trop penser, afin de ne pas gêner l’action, les sentiments de détachement et de bonheur qui l’envahissaient, lui feraient souhaiter de suspendre le temps ; car il pressentait, confusément, que ses agissements ne ferait que polluer ce bonheur présent.
Il avançait machinalement parmi les autres. Il les nommait ainsi, car il ne les avait rencontré que le jour même.
Le chemin avait été semé d’embûches, mais, maintenant, il devait se hâter, car tout avait été soigneusement minuté.
Il prit deux comprimés et son exaltation et sentiment d’euphorie grandit, car l’action ne tarderait pas. Il se mouvait, maintenant, dans une brume bienfaisante. Il essaya de se rappeler la pièce.
La représentation commença enfin, il suivit le scénario à la lettre, récita le texte, et eut la gestuelle de circonstance, sans l’avoir jamais répétée.
Il avait dû jouer juste, car la réaction des spectateurs était celle qu’on lui avait été décrite. Il joua jusqu’au bout, sans erreur, juste avec un sentiment d’irréalité de temps à autre, mais il colla au personnage et cela passa.
Enfin, ce fut la fin et le dénouement du spectacle. Il vida son esprit et exécuta le dernier acte. Si ce dernier avait été un succès la récompense serait immédiate.
Les spectateurs quittaient la scène, mais avant de sortir, ils le regardèrent et lui transmirent mentalement leurs impressions.

Il avait été floué. Où étaient les autres ? Où étaient les réalisateurs ? L’auteur ? Il était seul ! Il se rendit compte qu’il l’avait toujours été. Mais ce retour, qui aurait dû être une joie, était un Échec : il s’était encore fait piéger par les tentateurs.

Se rappeler avant le prochain départ :
(...)
Seulement l’obéissance aux Dix lui apporterait une récompense immédiate.
(...)
Il voulut repartir immédiatement (...)

Prochain rôle espéré : petit fils d’un Chef d’état du G8.

© Propriété intellectuelle sécurisée.


Commenter cet article





Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette