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Décisions instructives contre instruction tendancieuse

jeudi 19 novembre 2009, par Hadi Taibi

Pour réformer la justice, Madame Rachida Dati avait besoin, d’une part, d’une paire de ciseaux lui permettant de réaliser son découpage et d’autre part, d’un subterfuge pour occuper l’opinion publique. La nouvelle carte judiciaire de France était ainsi née dans l’indifférence d’une presse agglutinée devant la porte de la clinique où accouchait Madame la Ministre, mettant tout son génie au service du seul dévoilement de l’identité du géniteur de cet enfant. À ce moment, personne ne s’en était aperçu que des morceaux entiers de ladite carte n’avaient jamais été recollés à leurs places. L’acte 1 de la réforme est joué.

Pour la suite de la tragi-comédie, on fait appel à Michèle Alliot-Marie. Et là, problème. En effet, sans qu’elle ne décide de passer à la consultation du docteur italien Severino Antinori, la dame rencontrera fatalement des difficultés pratiques pour faire occuper l’opinion publique, dans le but de la laisser vaquer tranquillement à la poursuite des changements envisagés. Selon son programme de continuation des réformes, la nouvelle préposée au gardiennage des sceaux de la République n’aura besoin pour toute logistique que d’une simple lotion de gommage. Les juges d’instructions sont les premières épines du système judiciaire menacés d’exfoliation. Et c’est vers une justice glabre qu’on s’achemine.

Une justice qui se suffirait uniquement de preuves là où le juge d’instruction devrait en fournir des garanties concomitamment à ses preuves. Pourquoi se donner tant de peine ? Des preuves concordantes et irréfutables qui sortent du bureau d’un Fabrice Burgaud ne sont-elles pas plus dures à supporter que les pires aveux arrachés sous la torture ? C’est du moins ce qu’en pensent les destructeurs des idéaux de la Résistance. Car le juge d’instruction est entré en vigueur dans la procédure pénale pour, justement, assurer une justice digne, en écho aux revendications des idéaux prônés par tous ces résistants éprouvés par les méthodes nazies qui leur ont été appliquées.

Personne pour s’en inquiéter. Ouste, le juge d’instruction ! Mais qu’en adviendrait-il de l’instruction judiciaire en l’absence du juge sensé la mener ? En plus clair : se suffirait-on de l’enquête de police pour éconduire les gens en prison ? Quel devenir pour le secret de l’instruction, garant de la présomption d’innocence ? La chancellerie tente quelques éléments de réponses ; le parquet se chargera de l’enquête, via un collectif de magistrats, et l’obligation de discrétion professionnelle se substituera au secret de l’instruction.

L’instruction, un canard sans tête

La logique de « juge et partie » cédera ainsi sa place à une autre logique, celle de « juge et arbitre ». Car la police nationale est un corps constitué relevant de l’exécutif ; dans l’exercice de son activité judiciaire, la police nationale est placée sous la direction du procureur, qui relève hiérarchiquement et fonctionnellement de la chancellerie, soit du même exécutif. Quelle qu’elle soit l’autorité qui sera chargée de diligenter les enquêtes judiciaires, elle agira forcément sans limites de saisine par une autorité tierce.

C’est ainsi qu’on supprime le poste du magistrat instructeur, mais pas la fonction de l’instruction. Les pouvoirs publics s’autoriseront pour formuler leurs “instructions” à leurs propres fonctionnaires au sein du ministère public ; les magistrats debout le seront sur de la braise sans aucun moyen d’aller outre les “instructions” de leur employeur. Pour les magistrats du siège, on envisage l’une des deux options : soit des magistrats domptables, le cas échéant, soit des sièges éjectables.

Le juge d’instruction est ce qu’il existe en Droit pour assurer l’immortalité d’un dossier et il devient gênant dès lors qu’on a intérêt à ne plus parler de ce dossier. C’est le paradoxe qui poursuit Charles Pasqua dans l’affaire de l’Angolagate, Jacques Chirac dans l’affaire des emplois fictifs à la Mairie de Paris et le petit Gregory Villemin dans l’affaire de son assassinat. Gregory serait aujourd’hui en âge d’instruire son propre dossier, l’empêcher d’être juge d’instruction impliquerait forcément qu’on cherche à lui cacher un secret de polichinelle. Et si le corbeau était le père de l’enfant de Rachida Dati ? Comprenne qui pourra !


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