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Alternance

Des dessinateurs de presse orphelins de Sarkozy

jeudi 26 juillet 2012, par Charlie enchaîné, Jeddo

Charb et Luz Ils ont adoré le détester. Ils l’ont représenté dans toutes les (mauvaises) situations. Ils l’ont torturé graphiquement — au point de le considérer moins populaire que la mort et de le passer dans un hachoir. Pendant plus de cinq ans, Nicolas Sarkozy a fait le miel des caricaturistes de la presse satirique — parfois jusqu’à saturation. Le 6 mai, le personnage le plus bling-bling de la cinquième République a laissé son fauteuil à un président normal qu’ils ne savent pas encore par quel bout croquer. Pour les dessinateurs aussi, le changement c’est maintenant.

Une goutte de sueur perle sur le front d’un visage paniqué, celui d’un Nicolas Sarkozy travesti en fusée destinée à rejoindre l’hyperespace du néant médiatique. L’allumette pour enflammer la mèche est prête, le décompte enclenché : « Plus que 12 jours à tenir ! » clame la une de Charlie Hebdo le 11 avril dernier.

« On est dessinateurs, on est aussi militants », schématise Cabu, l’auteur du dessin, pour expliquer la tonalité antisarkozyste des 117 apparitions du personnage en couv’ de l’hebdo satirique entre le 1er janvier 2006 et le 6 mai 2012.

« On a tout fait pour le combattre. On a participé à sa défaite », se félicite le vétéran Cabu.

Dans leur guerre totale contre le sarkozysme — « le Guantanamo satirique », rigole Luz —, les dessinateurs-militants de Charlie Hebdo ont utilisé François Hollande comme munition graphique. Juste après la primaire socialiste, en octobre 2011, Riss représente le candidat PS en femme de ménage aspirant le président-débris sortant. Sous le trait de Luz, entre les deux tours de la présidentielle, le même personnage astique péniblement une cuvette de WC dont dépasse la tête de Nicolas Sarkozy.

« C’est ce que je lui demandais, commente le dessinateur. D’abord, on récure les chiottes, on se débarrasse de cette espèce de chose à la tête de l’État. Après on fera de la politique. »

Riss et Luz

« Quand j’avais pas d’idée, je dessinais Sarkozy »

Avant de l’évacuer dans les égouts de l’anonymat politique, moquer le « petit » Nicolas et ses accessoires bling-bling — lunettes Ray-Ban et montre Rolex — a longtemps trôné au panthéon des crayonneurs antisarko. Mais l’attaquer systématiquement sur sa taille, n’était-ce pas un peu… petit, justement ?

« C’est pas les dessinateurs qui ont inventé ça. Ils ont juste introduit cet élément dans leur vocabulaire graphique pour situer Sarkozy », justifie François Forcadell, rédacteur en chef du « webdo » satirique Urtikan.net et promoteur infatigable du dessin de presse.

« Au bout d’un moment, quand t’as plus d’inspiration sur le personnage, tu joues sur des choses qui sont assez peu politiques, comme la petitesse », contraste Luz. En juin 2010, le dessinateur de Charlie Hebdo a tenté de renouveler sa palette antisarkozy en… arrêtant de dessiner le personnage.

« Quand j’avais pas d’idée, je dessinais Sarkozy… Il fallait que je revienne à la base, c’est-à-dire dessiner le sarkozysme et non pas Sarkozy. »

La posture artistique de Luz, taxée de « déni satirique » par ses camarades, s’est rapidement heurtée aux contraintes du métier. « Le dessin de presse est le reflet de l’actualité immédiate et du monde politique qui en fait partie », analyse François Forcadell. Très vite rattrapé par la déferlante médiatico-politique omniprésidentielle, Luz a donc multiplié les astuces graphiques pour suggérer le personnage honni tout en gommant les traits de son visage…


Le nouveau chef de l’État socialiste bénéficie, pour l’instant, d’une forme d’état de grâce accordé par les caricaturistes, qui ont épuisé leurs feutres sur son prédécesseur. « J’ai pas envie de faire des dessins ricanant sur le côté “normal” de Hollande », glisse Tignous, qui officie à Charlie Hebdo et à Marianne. Pour son collègue Riss, « une fois qu’on aura cerné un peu qui il est, quoi qu’il fasse, on arrivera à le caricaturer. Un peu comme avec Mitterrand. » François Forcadell esquisse aussi un parallèle avec la situation de 1981 :

« Il y a une culture d’opposition du dessin de presse. Quand le monde politique bascule, il y a un moment de flottement pour les dessinateurs. Comment aborder cette nouvelle période avec un gouvernement plutôt favorable ? »

Patience, donc…

P.-S.

Clin d’œil amical à l’équipe de StreetPress et à la promotion #1 de la Street School.

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