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Discours de l’homme révolté (première partie)

mardi 22 janvier 2008, par Sophie Lambert
mise à jour : mardi 29 janvier 2008

Je tenais à vous faire part d’une réflexion qui me travaille. En l’occurrence, comment agir ou réagir face à un discours décliniste qui ne manque ni de réalité ni de lucidité mais qui provoque néanmoins la révolte. Il s’agit de savoir comment l’homme doit agir au niveau moyen qui est le sien.
Mots-clés : art, société

Ces discours qui pleurent l’agonie du monde...

Nombreux sont les discours posant l’Art comme étant en décadence dans nos sociétés contemporaines, dénonçant une muséification de l’Art que l’on visite mais que l’on ne rencontre pas, d’un Art dont les objets les plus fréquentés, La Joconde pour ne citer qu’elle, ne le sont que parce que victimes d’un effet de mode et de médiatisation publicitaire. Lorsque le monde dans lequel nous vivons nous est décrit comme profondément décadent et méprisable, reniant la hiérarchie de l’Art, des Arts alors que c’est un principe consubstantiel à celui-ci, sans hiérarchie des Arts, pas de chef-d’œuvre en effet !

Monde où le cadre a été remplacé par l’écran de télévision, image luminescente qui brille dans chaque maison en permanence, Big Brother qui ne nous regarde pas mais que nous regardons sans cesse et dont nous nous abreuvons comme d’un nouveau modèle de pensée, ou plutôt d’inactivité cérébrale, flattant notre profond désir de paresse et d’indolence. Monde de consommation. Monde d’ignorance et d’indifférence à la Beauté de l’Art, où la culture jeune et télévisuelle règne sans partage, où la culture commune est celle de la télé et des médias les plus vulgaires, où seul le cinéma domine, Art certes, mais Art vampire qui aspire sa sève dans le corps des autres Muses aujourd’hui délaissées...

Monde de l’oubli, Monde ingrat, Monde de l’humanité rompant avec deux Mille ans d’humanisme pour s’enfanter à nouveau « Enfant de la télé », mutation quasi génétique de l’esprit, hybris de l’homme souhaitant s’enfanter seul dans un monde de la technique, de la biotechnologie, du génome génétiquement modifié, de la Maîtrise de la Nature et du Vivant, de la soumission des valeurs morales à la toute puissance économique, d’un monde perdant tout sens sensible, démystifié par la science et par les aveugles désintéressés qui crachent sur Prométhée sanglotant...

Ne confondons pas optimisme aveuglé et volonté révoltée

Suis-je une idéaliste écervelée lorsque je m’indigne d’un tel discours dont pourtant je ne saurais renier la part de vérité ? Bien sûr que ce monde décrit est une réalité indéniable et pourtant je me refuse à opiner du chef gravement à ce discours. Cela m’est insupportable ! « L’Art et la Révolte ne mourront qu’avec le dernier homme », écrit Camus. Comment se positionner quand on est conscient qu’en effet il y a une transition de valeur inquiétante mais qu’en même temps un discours qui en fait le sévère réquisitoire me révolte ?

J’ai beaucoup réfléchi à cette contradiction qui me déchire, mais je crois qu’accepter ce discours sans crier la voix qui espère, c’est élargir encore la voie à l’installation de ce monde. On peut faire le constat de quelque chose et le refuser de chaque once de son être ! Et est-ce bien nécessaire de tenir un tel discours, est-ce que ce mépris visible de la génération naissante aide à freiner son ascension ? Non. Je crois que ces pierres jetées à nos figures qui vont devoir porter, justifier et assumer ce monde ne viennent qu’irriter notre douleur ou notre sentiment d’impuissance.

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