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“Droits à polluer” : (dé)polluer plus pour gagner plus

La preuve par l’exemple...

mercredi 20 mai 2009, par Charlie enchaîné, Jeddo

Dans un article publié le 13 mai 2009, Le Canard enchaîné donne la recette de Rhodia pour « faire de l’or avec du gaz polluant ».

Il y a peu, Charlie enchaîné rapportait une intervention d’Aurélien Bernier sur le thème du « marché du carbone » mis en place à la suite du protocole de Kyoto (voir « Le carbone est-il soluble dans la finance mondiale ? »). L’intervenant expliquait entre autres que la distribution de « crédits carbone » par les États concernés avait été particulièrement généreuse, entraînant une véritable spéculation boursière sur ce marché. Autrement dit, parmi les entreprises et collectivités concernées par le dispositif, il y en a évidemment qui sont lésées, mais certaines savent en profiter.

De la théorie à la pratique

Le Professeur Canardeau explique dans Le Canard du 13 mai la combine du groupe de chimie Rhodia pour se faire du blé sur le dos de la planète. La multinationale a certes investi 14 millions d’euros pour que deux de ses usines fabriquant de l’acide adipique, au Brésil et en Corée du Sud, rejettent moins de protoxyde d’azote [1] dans l’atmosphère. Mais, selon l’hebdomadaire satirique, « cette modification a déjà rapporté à Rhodia plus de 300 millions d’euros ».

Explication : l’ONU octroie chaque année au chimiste « jusqu’à 15 millions de crédits carbone », soit « 12 euros par tonne de CO2 évitée ». Bien plus que nécessaire pour le groupe, notamment grâce aux travaux sur ses deux usines polluantes. En revanche, certains États manquent de crédits. Le Japon a dû ainsi en « passé commande (...) de 10 millions » à Rhodia afin de respecter ses engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre [2]. Et ce petit manège va durer jusqu’en 2012...

« Par ici la monnaie ! »

Donc le groupe de chimie fait du bénef mais, paradoxe, sa filiale Polyamide, « propriétaire des deux unités polluantes », elle, ne bénéficie absolument pas « des profits de la dépollution ». Mieux, comme toute multinationale bénéficiaire qui se respecte, Rhodia a récemment « annoncé (...) la suppression de 91 emplois » à Polyamide, malgré le milliard d’euros escompté « de la mise aux normes de ses deux usines ». Vive la crise !

D’après Le Canard enchaîné, le cas de Rhodia n’est pas isolé : « trois quarts des crédits carbone (...) accordés par l’ONU le sont pour des projets du même tonneau », à savoir, écrit le Professeur Canardeau, qu’« il suffit aux pollueurs de capter [les] gaz autrefois rejetés dans la nature, de leur faire subir un petit traitement catalytique pour pas cher et, hop, le tour est joué, par ici la monnaie des droits à polluer ! »

C’est le principe bien connu des gros agriculteurs bénéficiaires de la Politique agricole commune : pollueur-subventionné.

Notes

[1] Le protoxyde d’azote, (N2O), est un gaz à effet de serre « 310 fois plus nocif » que le dioxyde de carbone (CO2). L’acide adipique est principalement utilisé dans la fabrication du nylon.

[2] La Canard évoque également l’achat de crédits par le Fonds carbone européen qui a « pour mission d’investir dans les “actifs carbone” ». En clair, un fonds purement spéculatif.


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