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Du développement durable des déchets nucléaires

Comment signaler leur présence aux générations futures ?

mercredi 29 octobre 2008, par Charlie enchaîné
mise à jour : jeudi 30 octobre 2008

« L’homme d’il y a 20 000 ans vivait dans des grottes. » Qu’en sera-t-il dans 20 000 années supplémentaires ? Une chose est sûre : nos (très) lointains descendants devront se coltiner les déchets nucléaires de longue durée [1] que nous allons leur léguer. La technique retenue étant l’enfouissement « dans des couches géologiques profondes, à 500 mètres sous terre », comment signaler la présence de déchets radioactifs — donc hautement toxiques pour les êtres vivants — à tel ou tel endroit ? C’est la question que s’est posée Antonio Fischetti dans Charlie Hebdo (« Un métier d’avenir : archéologue nucléaire », 15/10/08).
Photo © svale.

Contrairement à une idée reçue, les ordinateurs sont totalement inadaptés pour conserver des informations, qui plus est sensibles, durablement. Les supports dédiés à la mémoire dite “non volatile” [2] (disques magnétiques, disques optiques, etc.) changent « tous les dix ans », constate Antonio Fischetti. Il faudrait donc « reconvertir régulièrement les fichiers informatiques ». Impensable. Finalement, « plus de vingt ans après l’avènement du tout numérique », on en revient... au papier, ironise le journaliste de Charlie Hebdo. Ce dernier précise que certains documents « à base de cellulose » pourraient durer près de mille ans. Encore insuffisant, sachant que mille ans est l’unité de base de la durée de vie des déchets dont il est question.

Menhir at Carnac

© matt knoth

Alors ? « La pierre » correspondrait à la meilleure solution pour indiquer leur présence. C’est en tout cas la stratégie adoptée aux États-Unis, « où les déchets radioactifs seront surmontés d’alignements mégalithiques ornés d’inscriptions gravées ». Antonio Fischetti se réjouit : « L’âge nucléaire qui rejoint l’âge de pierre, n’est-il pas beau, le symbole ? » Reste un problème de taille : comment nos descendants interpréteront-ils les inscriptions qu’on leur laissera ? « Il n’y a rien de moins immuable que l’écriture », explique le journaliste spécialiste des questions scientifiques. Rien ne dit que les langues, les sigles ou les pictogrammes d’aujourd’hui seront compris par les hommes de demain...

Légende. Dernier problème : quelle sera l’attitude des populations du futur face à l’ensemble des traces qu’ils auront à comprendre ? Si les documents scientifiques à exploiter son jugés inutiles ou — pire — moches, ils finiront aux ordures, observe Antonio Fischetti. L’organisme chargé de la gestion des déchets nucléaires en France, l’Andra, souhaiterait ainsi faire appel à des artistes pour éviter cet écueil. De même, l’Andra réfléchit à l’idée de diffuser « une légende autour d’un site de stockage » de déchets radioactifs. Ce qui convainc guère le journaliste : que se passera-t-il « si ladite légende est perçue comme une malédiction de Toutankhamon faisant ricaner les esprits éclairés du cent cinquantième siècle » ? En clair, ils ne prendraient pas du tout au sérieux la dangerosité des déchets nucléaires [3].

Moralité, vaut-il mieux, aux yeux de l’opinion publique, s’intéresser au devenir à très long terme des déchets issus de nos centrales nucléaires, ou bien s’occuper de la gestion à court terme d’une crise du crédit ? De quoi parle-t-on chaque jour depuis près de deux mois ? Bien vu : de la baisse « record » du cours du CAC 40. Renflouer un système bancaire en voie d’extinction coûtera de toute façon moins cher que les conséquences du désintérêt pour les déchets qui nous survivront...

P.-S.

À (re)lire sur Charlie enchaîné :
- « Les déchets radioactifs »
- « Les bienfaits d’Areva au Niger »
- « Le cynisme d’Anne Lauvergeon » et « Les miracles nucléaires de Fillon au Japon »

Notes

[1] En largonji, on parle de « période radioactive ». Si vous avez envie d’en savoir un peu plus sur les déchets radioactifs, relisez donc le dossier qui leur est consacré sur Charlie enchaîné.

[2] On parle aussi de mémoire... “morte”. Marrant, quand on pense à l’usage que l’on en fait.

[3] Un peu comme Areva aujourd’hui : dans un rapport estampillé « Développement durable » datant de 2002, le groupe affirme que 97% de ses déchets sont réutilisés comme combustible (voir page 44). Leur existence est donc déjà, en quelque sorte, une légende...


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