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Épître au Roy

jeudi 9 avril 2009, par Chantal Sayegh-Dursus

La France rurale vivait, chaque jour d’avantage, dans l’inquiétude et le manque. Alors que la presse se faisait l’écho attendrissant des dernières réceptions fastueuses au Palais. Que les fêtes, les dépenses et les voyages ne connaissaient aucun ralentissement dans certains ministères. Que l’attribution d’appartements de luxe aux ministres de la République était chose établie ; ajouté à l’explosion non maîtrisée de leurs budgets de réception et de représentation. Et quand partout on parlait de la rente à vie désormais octroyée aux députés non réélus car non représentatifs.

Les habitants de Gourdon, eux, ne dormaient plus, car Gourdon se trouvait en zone rurale défavorisée. Ils tremblaient. Car comment pourraient-ils dorénavant se déplacer ou même se rendre au travail, à cause de la suppression des arrêts de train ? Les parents étaient atterrés car deux classes en primaire et en maternelle avaient déjà été amputées. Et, à ces coupes sombres, s’ajoutait l’insuffisance des places en crèche. De plus la fermeture du Tribunal d’instance avait déjà été prévue et des menaces pesaient également sur le centre hospitalier.

Fallait-il, comme à l’époque de la grande immigration, que les habitants des campagnes déshéritées de France bouclent leurs valises pour des cieux plus propices, émigrent au Canada, et abandonnent le pays qui était le leur ?

La natalité française qui était, en ces temps-là, la plus haute d’Europe se faisait dans le pire contexte possible. Dans le juste équilibre des choses, elle était sans doute les prémisses d’un accroissement de la mortalité. En effet, de temps à autre, à cause de la diminution drastique des budgets de santé, des bébés mourraient, de façon inexpliquée dans les hôpitaux ; lieux où ils étaient pourtant censés être les mieux protégés. Les ONG [organisations non gouvernementales] médicales se substituaient, peu à peu, comme cela était déjà le cas depuis plusieurs décennies aux États-Unis, aux centres de soins traditionnels, à cause de leur gratuité. L’éducation, par la suppression des filières non rentables, et par faute de moyens s’essoufflait. Car seule l’instruction des élites avait été préservée. Les coûts des équipements publics, passés au privé, tels l’électricité, le gaz ou les autoroutes, n’étaient plus encadrés. Donc le peuple se déplaçait de moins en moins, se chauffait et s’éclairait chichement. Des immeubles par quartiers entiers sortaient du domaine public, car vendus au plus offrant, afin de surseoir aux dépenses de l’État. L’armée ne servait plus qu’au déploiement diplomatique. La principale politique énergétique proposée s’avérerait par la suite dévastatrice et polluante, car non recyclable.

Une jacquerie en d’autres temps aurait permis au peuple de récupérer ce que ceux qui se croyaient au dessus des lois lui avaient dérobé.

Mais les habitants de Gourdon se réunirent en ce mois de juin 2008 — les documents d’époque en font foi — et écrivirent un épître au Roy :

« (…) Nous prions donc le Roy, dans sa grande magnitude, de rétablir enfin justice et équilibre en pays de France. »

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