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Question

Faut-il cloner ?

vendredi 14 février 2003, par Jeddo
mise à jour : mardi 17 mars 2009

Souvenons-nous. Décembre 2002. On nous annonce à grand fracas l’arrivée du premier bébé cloné. Un an après, on n’en a toujours pas vu la couleur.

L’envie éternelle

Qui a dit : « Le clonage va permettre au genre humain d’atteindre la vie éternelle. La prochaine étape sera de cloner directement un adulte sans passer par la grossesse, et de transférer sa mémoire et sa personnalité dans cette personne comme le faisaient les Elohim en utilisant leur connaissance scientifique avancée vieille de 25 000 ans. Ensuite, on se réveillera après la mort juste comme après une bonne nuit de sommeil. » ? Claude Vorilhon, mieux connu sous le nom de Raël.

Il faut distinguer deux types de clonage :
- le clonage reproductif ;
- le clonage thérapeutique.

Le clonage reproductif consiste en la création d’un embryon en utilisant la technique dite de “transfert nucléaire de cellule somatique”. Dans ce procédé, le noyau de la cellule d’un adulte est transféré dans un ovocyte dont le noyau a été retiré. Le but est d’apporter l’embryon à son terme et de produire un bébé.

D’un autre côté, dans le clonage thérapeutique, au lieu d’implanter l’embryon dans une mère porteuse, ses cellules sont utilisées pour cultiver des cellules souches.

Plusieurs groupes, plus ou moins sérieux selon les experts, tentent de fabriquer des bébés à travers la méthode reproductive. Outre Clonaid, société qui a été créée par la secte des Raëliens, on trouve Severino Antinori et Panos Zavos, qui veulent venir en aide aux couples infertiles.

Organes en kit

Pour en revenir au clonage thérapeutique, après quelques jours, les scientifiques récupèrent les cellules souches qui peuvent être utilisées comme un “kit de réparation pour humain”. Elles peuvent remplacer des organes tels que le cœur, le foie et la peau. Elles peuvent aussi être utilisées pour devenir des neurones afin de soigner ceux qui souffrent des maladies d’Alzeihmer ou de Parkinson. C’est le travail que poursuit la firme de biotechnologie “Advanced Cell Technology” à Worcester.

La sécurité est le principal argument évoqué contre le clonage humain. En effet, d’après les test effectués sur les animaux, il y a beaucoup de risques qu’un bébé cloné naisse avec des défauts ou qu’il rencontre des problèmes médicaux en grandissant [1].

Les défenseurs du clonage reproductif - et pas seulement eux - croient qu’il est pratiquement inévitable que tôt ou tard quelqu’un réussisse. Si cela arrive un jour, ils disent qu’il est possible que le transfert nucléaire profite à ceux qui souhaitent avoir des enfants. C’est à dire - en plus des couples infertiles :
- les couples qui ont des troubles génétiques ;
- les femmes célibataires pourraient utiliser le clonage plutôt que l’insémination artificielle ou la fécondation in vitro ;
- fournir une copie d’un enfant pour un couple dont l’enfant est mort (effrayant, n’est-ce-pas ?).

Quant aux supporters du clonage pour soigner, ils disent que l’étude des cellules souches pourraient conduire à des avancées médicales dans plusieurs directions différentes.

Tout cela amène à la question du statut moral de l’organisme créé par clonage. Ceux qui croient que la vie humaine commence à la conception [2] sont contre le recherche sur les cellules souches embryonnaires en général tandis que les scientifiques relèvent qu’un organisme cloné n’est pas le résultat de la fertilisation d’un ovocyte par un spermatozoïde [3].

Une thérapie sonnante et trébuchante

La plupart des pays ont rendu illégal le fait de produire un bébé cloné. La discussion tourne maintenant autour du clonage thérapeutique. Le Royaume-Uni, la Suède et Singapour ont autorisé de procéder à la recherche sur les cellules souches. La France et l’Allemagne en discutent actuellement. Aux Etats-Unis, aucune loi n’est passée à cause d’un débat féroce autour de cette question brûlante. Le président Bush a appelé à une loi interdisant toute forme de clonage humain. Néanmoins, un sénateur a introduit un amendement qui pourrait laisser la porte ouverte au clonage thérapeutique.

Il y a actuellement une course à la fois au clonage reproductif et au clonage thérapeutique. Les raisons de cette course sont essentiellement économiques et aussi en quelque sorte la gloire. Par exemple, Clonaid estime qu’il en coûtera 200 000 $ pour ses services reproductifs. Les pays qui approuvent le clonage thérapeutique et la recherche sur les cellules souches sont en compétition pour obtenir le leadership.

Ceux qui croient qu’ils pourraient remplacer un être perdu ou pourraient vivre pour l’éternité se trompent totalement. Lorsque l’on va cloner une personne, ce ne sera jamais la même personne, ni l’original. C’est comme si l’on crée une copie toute neuve avec une personnalité complètement différente. Bien sûr, ça ressemblera à son père mais ça n’aura pas le même cerveau.

Pourquoi “ça” ? C’est parce qu’un bébé cloné serait une chose. Ce serait un objet que l’on a acheté comme n’importe quel autre.

Par ailleurs, un problème majeur avec l’utilisation du clonage sur une grande échelle est le déclin de la diversité génétique et le déclin de la communauté des gènes. De plus, on peut craindre que le clonage introduise un nouvel eugénisme.

L’objectif du clonage thérapeutique est louable. Cela pourrait être utile pour ceux qui souffrent d’Alzheimer ou Parkinson et ceux qui ont besoin de cellules pour des organes malades. Cependant il faut se concentrer sur quelques questions éthiques. Si l’on autorise le clonage d’embryons dans les laboratoires de recherche à cause de leur supposé potentiel, il sera bien plus facile pour des gens comme les Raëliens d’essayer de faire du clonage reproductif.

Ovulation à 4 000 $

Un autre grand problème est le besoin d’obtenir une réserve d’ovocytes humains qui nous conduit au problème éthique le plus sensible sur les recherches concernant le clonage. On ne permet pas le commerce d’organes humains ni de bébés. Serait-ce différent pour les ovocytes ? La réponse de la compagnie américaine “Advanced Cell Technology” est : « Non pour 4 000 $ ». Pour le dire simplement : ils payent contre un don d’ovocytes.

Pour faire des recherches sur les cellules souches embryonnaires, ils n’ont pas besoin d’acheter des ovocytes. Ils n’ont même pas besoin de créer de nouveaux embryons puisque ceux-ci existent déjà après les procédures FIV !

On peut même dire que « le clonage thérapeutique en est littéralement au stade embryonnaire. »

P.-S.

Livres à lire :

- Les Olympiades truquées de Joëlle Wintrebert, éd. J’ai lu

« Sphyrène est une nageuse d’exception, supérieurement douée. L’espoir des prochains Jeux Olympiques. On contrôle son mental. On lui fait prendre des drogues. Mais quand la dose est trop forte, la violence se déchaîne.

Quant à Maël, elle essaie juste de comprendre ce qu’elle est. Le clone de sa mère morte.

Et dans un monde où le clonage humain sert à renouveler le corps des nantis, où d’étranges mutations bouleversent la notion de sexualité, les itinéraires des deux jeunes filles vont se croiser. Car elles tiennent à la liberté de leur corps et à leur vie de femme.

Et elles iront jusqu’au bout. »

- Reproduction interdite de Jean-Michel Truong, éd. Plon

« Pourquoi un biologiste de génie, qui reçut en son temps le prix Nobel pour ses travaux sur la génétique humaine, se suiciderait-il ? Sa mort met en péril les manipulations d’un mystérieux service secret et éveille la curiosité de Norbert Rettinger, un jeune juge intègre.

Tel un puzzle, les pièce de ce dossier — écoutes téléphoniques, rapports d’expertises, piratage d’ordinateur... — déroulent le fil d’une aventure incomparable puisqu’elle est celle de la vie même. Cette vie sur laquelle une science qui joue à l’apprenti sorcier s’arroge tous les droits. Tenace et obstiné Rettinger, aidé de son ordinateur, Agatha, et d’un commissaire de police pas tout à fait comme les autres, poursuit son enquête jusqu’au bout de l’horreur.

Mais nul ne dévoile sans risque la vérité sur une société dénaturée. Le meilleur des mondes est sûrement le pire. Et ce monde est peut-être déjà le nôtre. »

Notes

[1] La célèbre brebis Dolly est atteinte d’insuffisances respiratoires, et il semblerait qu’elle vieillit très vite...

[2] C’est-à-dire la religion catholique par exemple.

[3] Donc pas un être humain à part entière.


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