Charlie enchaîné

Une revue de presse de Charlie Hebdo et du Canard enchaîné.
Et un peu plus.

Accueil du site > Tir Groupé > Feu sur Sarkozy

Présidentielle

Feu sur Sarkozy

mardi 17 avril 2007, par Charlie enchaîné
mise à jour : lundi 24 septembre 2007

À dix jours du premier tour de l’élection présidentielle, « Le Canard enchaîné » et « Charlie Hebdo » (11/04/2007) sortent l’artillerie lourde à l’encontre du candidat de l’UMP. En toute indépendance.

Des propos gênants

Un article de Frédéric Pagès, en une, titré « Les gènes de Sarko ont parlé », et le Plouf ! hebdomadaire de Jean-Luc Porquet, intitulé « Parle à mon gène... », sont consacrés à un nouveau dérapage (contrôlé ?) du favori des sondages. Dans un dialogue avec Michel Onfray (« Philosophie Magazine », 04/2007), il déclarait notamment :

J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sâchions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d’autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense.

« Généticiens, biologistes et psychologues sont donc priés de suivre la vérité d’un ex-ministre de l’Intérieur », écrit F. Pagès. Plus loin, il plaisante : « nous avons fait analyser (...) le code génétique de Sarkozy (...) : non [celui-ci] n’est pour rien dans son comportement bizarroïde ! C’est la faute à ses chromosomes, c’est écrit dans son ADN. » Après avoir rappelé certaines péripéties du parcours politique de l’ancien maire de Neuilly, qui « a essayé de guérir sa traîtrophilie, mais en vain », le journaliste du « Canard » conclut : « Quel que soit son inné, quels que soient ses acquis- mobiliers et immobiliers -, le chef de l’UMP est un véritable OGM : un olibrius génétiquement modifié. »

J.-L. Porquet adopte un ton moins humoristique : « Air connu : les humains débarquent sur Terre tout faits, équipés des gènes que leur ont donné papa-maman (...), [tout (éducation, soins, etc.) ce] dont ils ont ou non bénéficié durant leur jeunesse (...) n’a guère d’importance. » Il rappelle une déclaration de Sarkozy à propos des habitants de Neuilly qui « n’y vivent pas par hasard », et effectue un parallèle : « les riches [sous-entendus les habitants de Neuilly] ont le gène de la volonté, les pauvres ne l’ont pas et croupissent à Argenteuil ». Donnant un aperçu des dérives eugénistes depuis le XIXe siècle, il résume : « On voit l’idée générale derrière tout ça : l’idée que tout ceux qui, au sein de notre société d’abondance, souffrent ou font souffrir, fous, délinquants, pauvres, minoritaires, chômeurs, taulards, eh bien, c’est de leur faute. » Enfin il charge Sarkozy et lui fait dire que « il y aura des tas de perdants. Des paumés, des losers, des qui ne trouvent pas de boulot, des qui auront envie de se flinguer, des qui ne supportent pas la compétition à mort de tous contre tous. Ceux là je m’en lave les mains. »

Sur le même thème, c’est Philippe Val, dans son éditorial, qui estime « que le candidat favori à la présidence de la République se lance dans ces considérations pose un problème politique de premier ordre. » Il décrit la « logique de triage » du candidat, rebaptisé « Sarkozy Ier, roi de la génétique », à travers un exemple : « Pour Sarkozy, qui veut supprimer les allocations familiales aux enfants qui sèchent les cours, il n’y aurait aucune responsabilité de l’entourage en cas de suicide, mais toute la responsabilité du monde en cas d’absence à l’école... » P. Val s’inquiète qu’un candidat éligible puisse « penser que les gènes programment inévitablement des comportements comme le suicide, la pédophilie ou le crime » et rappelle à ce propos que Nicolas Sarkozy « s’est prononcé pour le dépistage des futurs délinquants avant la maternelle. » Le directeur de la publication de « Charlie » écrit plus loin : « La vie est un chaos d’accidents perpétuels qui n’est vivable et où les lois ne sont respectables que dans la mesure où il y a de l’indétermination. » Il conclut que, selon la conception de Sarkozy, « derrière [ce nouvel homme non pédophile et non suicidaire] viendraient donc l’homme non feignant, l’homme insensible à la douleur et à la fatigue (...), l’homme qui n’accepte plus l’imprévu de la vie. Ce cauchemar est un rêve de paranoïaque. »

Légitime violence

Jean-Luc Porquet ajoute une deuxième couche en page 8 du « Canard » dans un article encadré intitulé « Parfois la violence a du bon... » Il revient sur un événement survenu le 4 février 1994, quand des pêcheurs bretons avaient manifesté contre Edouard Balladur (qui sera le candidat soutenu par Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 1995). Ils s’en étaient alors pris aux halles de Rungis, puis, à Rennes, avaient jeté des pavés dans des vitrines, incendié une barricade, et même le Parlement de Bretagne avait pris feu. Mais la justice avait décidé d’un non-lieu, qui coûta 53 millions d’euros à l’Etat (dont le ministre du budget était à l’époque... Sarkozy). Le journaliste du « Canard enchaîné » cite une déclaration récente du candidat de l’UMP faite à Lorient devant ces mêmes pêcheurs :

Chez les marins, on ne fraude pas, on ne triche pas. Ici, quand on manifeste, quand on a recours à la violence, ce n’est jamais pour se distraire, ce n’est jamais pour nuire à autrui, c’est parce qu’on est désespéré, c’est parce qu’on n’a plus de recours et qu’on se sent condamné à la mort économique et à la mort sociale.

Pour J.-L. Porquet, « voilà un bel encouragement à la castagne ! » Et d’ajouter, en faisant un parallèle implicite avec les récentes violence de la gare du Nord : « Préfets (...), soyez intraitables avec ceux qui resquillent dans le métro, mais laissez faire nos amis travailleurs (et bons électeurs) en colère. »

Sarko-pitre

Pour Charb, « Sarkozy n’est rien. » Enfin pas tout à fait. Il est « ultralibéral », « opportuniste » ou encore « pragmatique ». On aura compris que « Charb n’aime pas les gens » certes, mais particulièrement Nicolas Sarkozy, « artisan de sa perte », comme l’annonce le titre de sa chronique hebdomadaire dans « Charlie ». Point de départ, les « immigrés clandestins » qui, bien que n’ayant pas d’existence administrative « tant qu’ils ne se sont pas fait contrôler par la police », intéressent pourtant vivement le candidat de l’UMP à la présidentielle. Pourquoi ? Parce que Sarkozy « s’adapte au marché » et qu’il compte devenir le « leader » sur celui de la « peur de l’étranger ». Et puis « il mise sur le racisme aujourd’hui parce qu’il pense que c’est une valeur montante à la Bourse de la démagogie. » Mais peut-être qu’à force de « banaliser la chasse à l’étranger », il se pourrait que « les types comme Sarkozy [finiront par être] eux-mêmes le gibier », car « on trouve toujours plus français que soi. » Le dessinateur de « Charlie hebdo » conseille au candidat de s’entraîner « à courir plus vite que ses idées. »

Sur les traces de Chirac

Le « Canard enchaîné » se plaît à remarquer que le candidat de l’UMP qui cherche à se différencier le plus possible du président de la République sortant adopte pourtant des méthodes similaires. Hervé Liffran, qui avait déjà signé l’enquête sur l’appartement de l’ancien ministre de l’Intérieur, révèle en page 3 que celui-ci aurait passé un accord avec l’actuel locataire de l’Elysée. « En échange du soutien de Chirac à sa candidature, Sarkozy s’est engagé à éviter au président sortant tout retour de flamme judiciaire. » Il s’agirait de « réformer l’ordonnance de 1945 sur les mineurs » et d’ajouter un article de loi imposant un délai de dix ans aux juges pour clore un dossier. Grâce à la rétroactivité de la loi, « trois affaires (...) pourraient ainsi finir aux oubliettes » : emplois fictifs au RPR, ainsi qu’à la Mairie de Paris, et fausses factures de l’imprimerie municipale. Par ailleurs, le journaliste du « Canard » estime que les dernières nominations de magistrats par l’Elysée ont eu pour effet de « verrouiller » l’appareil judiciaire afin d’éviter une convocation par les juges à l’actuel chef de l’Etat. Pour enfoncer le clou, H. Liffran indique qu’une telle « amnistie déguisée » pourrait bien servir... Nicolas Sarkozy lui-même ! L’affaire de son appartement sur l’île de la Jatte date en effet de 1997, soit exactement dix ans. « Comme quoi, écrit le journaliste, le bonheur, c’est simple comme un coup de gomme... »

P.-S.

« Charlie » annonce en une un « numéro double (...) spécial Sarkozy » pour son édition du 18 avril 2007.

Commenter cet article





Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette