vendredi 20 mars 2009, par Charlie enchaîné,
Jeddo
En 2008, Jean-Luc Hees avait couvert pour Charlie Hebdo la campagne présidentielle américaine au cours de laquelle il affichait clairement sa préférence pour le candidat démocrate Barack Obama — comme la majorité de l’équipe du journal, du reste, qui avait consacré un numéro spécial la semaine de son élection. Cette collaboration a débouché sur la sortie d’un ouvrage illustré par Riss paru aux éditions Les échappés, Obama, What else ?
Lors de son passage à France Inter (1981-2004), Jean-Luc Hees a notamment introduit l’actuel directeur de Charlie Hebdo Philippe Val au sein de la Maison ronde. Ce dernier lui en a toujours été très reconnaissant et l’a souvent écrit dans les pages du journal. On peut donc considérer que, au delà de sa compétence reconnue sur les États-Unis, la collaboration de Jean-Luc Hees à Charlie Hebdo tient aussi en partie à cette amitié revendiquée qui le lie à Philippe Val.
Pour autant, Hees n’est pas un collaborateur régulier du journal, à l’image du journaliste spécialisé dans les questions judiciaires Dominique Paganelli, qui pige pour les procès d’Yvan Colonna. À ce titre, leurs noms ne figurent pas dans l’ours du journal. Malgré cela, François Forcadell intitule un billet consacré au probable futur directeur de Radio France « Jean-Luc Hees : de Charlie à l’Élysée ».
« Il semble que c’est la première fois qu’un collaborateur de la presse satirique est choisi par un président de la République pour occuper un tel poste », commente F. Forcadell. Comme nous l’avons souligné, Jean-Luc Hees n’est pas un collaborateur régulier de Charlie Hebdo. En outre, il n’est pas encore aux commandes de Radio France. Si tel devenait le cas, comme cela semble se dessiner, cela sera tout simplement la première fois qu’un chef de l’État soumet son choix au CSA puis aux parlementaires, selon la nouvelle procédure réclamée par la réforme de l’audiovisuel public.
« On raconte que Le Canard enchaîné virait ses collaborateurs qui acceptaient la Légion d’honneur. À notre époque plus rien ne paraît résister à l’attrait du pouvoir et à la gloriole médiatique. Vive la presse satirique libre et… indépendante », conclut François Forcadell. D’abord, concernant Le Canard enchaîné, il ne s’agit pas seulement de « on dit » : en 1933, le journaliste Pierre Scize a été renvoyé de l’hebdomadaire satirique pour avoir accepté la Légion d’honneur.
Ensuite, l’indépendance d’un journal tient avant tout à l’absence de publicité dans ses colonnes, à l’instar du Canard enchaîné, de Charlie Hedbo — qui a toutefois accepté un échange d’encarts avec Libération et, semble-t-il, Alternatives économiques — ou de nombreuses publications alternatives, ainsi que le rappelaient Éric Emptaz et Philippe Val cet été au micro de France Inter. François Forcadell semble penser ici que le fait qu’un collaborateur occasionnel d’un journal accepte une responsabilité confiée par le président de la République implique que la rédaction dudit journal soit de fait « soumise » et perde ainsi toute crédibilité.
La critique de la possible nomination de Jean-Luc Hees au poste de président de Radio France est évidemment nécessaire. En ce sens, Bakchich — avec d’autres — a parfaitement rempli ce rôle. Mais est-il pertinent de relier cette critique à sa récente collaboration au sein de Charlie Hedbo pour régler un vieux compte avec Philippe Val ?