Je récuse les accusations sordides et en sourdine répandues par toutes ces personnes qui s’investissent procureurs de fortune pour discuter de la culpabilité d’un homme affaibli par l’épreuve, marqué par les circonstances et écrasé par le côté esclandre d’une justice américaine exhibitionniste qui ne se prive pas de se mettre en spectacle pour satisfaire à la rentabilité artistique hollywoodienne et à la félicité des voyeurs euphoriquement associés.
Je récuse l’attitude des politiciens collectionneurs d’audimat qui s’érigent en diffuseurs de morale sexuelle qui interdirait le viol, mais qui ne s’interdisent pas de violer le principe de présomption d’innocence. Chacun y va de ses commentaires, faisant étalage de ses plus étonnantes inspirations linguistiques, souvent, elles-même empreintes de minauderies. Le zèle peut faire d’eux, passagèrement, des justiciers à la Zorro. La postérité a cependant sa propre sentence : n’est pas Zola qui le désire !
Je récuse le règlement intérieur du Sofitel new-yorkais qui permet à une femme de ménage de « violer » l’intimité d’un client en pénétrant dans sa chambre au moment où il s’y trouve encore. Nul besoin de savantes démonstrations pour prouver que le soupçon de trouver cet occupant nu suffirait à le considérer comme étant « prêt à l’emploi » ; le fait qu’il soit sous sa douche ou à prendre son petit déjeuner ne devrait pas amener la justice, fut-elle d’un pays puissant, à s’interroger sur les raisons de sa nudité.
Je récuse l’attitude de l’Élysée qui, il y a quelques années, se présentait, le torse bombé, pour rugir à la face d’un pays souverain, l’invectivant de dogmes, tirés du droit international, selon lesquels un avion battant pavillon français constitue un bout du territoire de la France et qu’à ce titre, seul le GIGN avait compétence pour intervenir à l’intérieur de l’appareil détourné à Alger. À se demander si le profil-bas adopté par l’État français, après l’arrestation d’un de ses ressortissants à l’intérieur d’un avion d’Air France ne constitue pas un précédent qui met de facto ce grand pays qu’est la France au même niveau que le Pakistan en ce qu’ils offrent le même droit aux Américains pour « désactiver » un criminel, de force, sur leurs sols.
Je récuse ce débat, stérile et débile à la fois, que diffusent des experts en droit à l’attention des lambda et où ils s’acharnent à détourner les souffrances d’une famille, déjà suffisamment et durement accablée, en ramenant la controverse sur un terrain de considérations purement conventionnelles, à savoir que les législations française et américaine présentaient des différences hautement stratégiques pour la mise en place des arguments de défense : le terme de « viol » ne recouvre en droit américain que la seule pénétration vaginale… De quoi faire rougir de jalousie les zélateurs français de la fellation forcée !
Je récuse la posture peu galante des dirigeants du parti socialiste qui se disent non surpris par ce qui arrive à celui qui avait leur ferveur. Le goût effréné pour l’argent et le rapport avec les femmes sont, à en croire les intimes, ce qui fait le charme du déjà ex-candidat favori à la présidence de la République. Du Fonds monétaire au temps du français Camdessus, au comble délétère de l’autre français « con-dessous », il est à craindre que les déboires, avec la justice d’un pays tiers, d’un homme abandonné par sa famille politique ne soient que le prélude du tiers des déboires à venir qui attendent sa formation politique.
Je récuse l’attitude du maître-penseur de l’abolition de la peine de mort qui se convertit en chef de rayon pour la vente, à la criée, à l’opinion publique de son pays, des louanges de la justice américaine. Dans sa version gérontologique, l’abolitionniste d’hier se réjouit de l’existence, outre-Atlantique, de la possibilité de libération sous caution. L’ami « libertin » est libéré mais pas libre pour autant, ni pour son argent. En effet, s’acquitter du dépôt d’une garantie pécuniaire, payer les frais induits par son propre gardiennage, s’astreindre à domicile et, surtout, accepter de porter un bracelet électronique, c’est comme admettre cette logique juridique qui, en vous évacuant de la présomption d’innocence, vous fait rapprocher de la présomption de culpabilité. Ce dont on devait plutôt se réjouir, c’est que la justice américaine n’ait pas décidé de réduire en cendre son célèbre prisonnier, en disant avoir veillé au respect du rite indou-bouddhiste.
Hadi Taibi
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