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Jean-Luc Mélenchon s’emballe pour une minimare

D’après lui, Le Canard copie les « bêtises » du Nouvel Obs...

jeudi 6 août 2009, par Charlie enchaîné
mise à jour : vendredi 7 août 2009

Le fondateur du Parti de Gauche n’a pas apprécié une brève du Canard enchaîné (29/7) le concernant et l’a fait savoir sur son blog.
(Photo © idf-fotos)

Sans les autres titres de la presse, Le Canard enchaîné serait bien en peine pour remplir certaines de ses colonnes. En effet, les rubriques « Vite dit » (p. 8), « Minimare » (p. 2) ou encore « ZigZag » et « Drôle de zig » (p. 5) sont l’occasion pour le journal satirique de commenter brièvement des informations parues chez ses confrères. Dans les minimares, en particulier, Le Canard repique des propos de personnalités politiques en les ponctuant d’un bref commentaire sarcastique.

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« Jean-Luc Mélenchon est content »
Minimare du Canard enchaîné (29/7)

Or, voilà que le député européen Jean-Luc Mélenchon reproche au Canard de « recopier des bêtises » dans Le Nouvel Observateur. C’est un commentaire sur son blog qui l’a « mis en alerte ». Dans son édition du 29/7, Le Canard enchaîné se fend d’une minimare (ci-contre) qui raille la position de Mélenchon à propos de l’élection municipale d’Aix-en-Provence.

D’après l’hebdomadaire satirique, l’ex-sénateur de l’Essonne est « content de ne pas avoir donné de consigne de vote » pour le deuxième tour parce qu’« il ne voulait pas qu’une alliance des forces de gauche soit ensuite “cent fois citée comme jurisprudence partout ailleurs” ». Et Le Canard d’ironiser : « L’union de la gauche se porte de mieux en mieux. »

Le Canard enchaîné se réfère à une brève intitulée « Joissains [1] : merci Mélenchon ? » parue dans Le Nouvel Observateur papier du 22/7, que l’on peut également consulter sur le site Internet de l’hebdomadaire et que nous reproduisons ci-dessous.

« Joissains : merci Mélenchon ? »

Le Nouvel Observateur s’interroge sur la responsabilité indirecte de Jean-Luc Mélenchon dans l’échec, à 187 voix près, de la liste « hétéroclite (...) PS/Verts/Modem, également soutenue par un candidat divers droite ». Selon Le Nouvel Obs, qui cite le blog de Mélenchon, le fondateur du Parti de Gauche ne regrette pas de ne pas avoir donné de consigne de vote.

On retrouve effectivement sur le blog de Jean-Luc Mélenchon une note à propos du résultat de l’élection aixoise (capture d’écran ci-dessous). Le député européen y argumente la position de son parti, qui a fait alliance avec le PC et le NPA au premier tour et a refusé de « se prononcer pour une liste PS-Modem soutenue par une dissidence de droite » au second tour. Jean-Luc Mélenchon explique qu’il s’oppose à une « alliance au Centre » souhaitée, selon lui, par le patron local du PS Jean-Noël Guérini, s’inscrivant dans une stratégie qui n’a plus rien à voir avec une « union des gauches sans exclusive ».

« Front blanc »

La citation reproduite dans Le Canard enchaîné, elle-même extraite de la citation choisie par Le Nouvel Obs, est authentique. « N’importe quel lecteur peut s’y reporter puisqu’elle est toujours sur ce blog », confirme Mélenchon, qui invite ses lecteurs à comparer sa position avec celle qui est relatée par Le Canard. Un défi relevé par Charlie enchaîné...

Une « union de la gauche » à double sens

Reprenons. Le 28 juillet, Jean-Luc Mélenchon publie sur son blog une note consacrée à la médiatisation du malaise de Nicolas Sarkozy dans laquelle il ironise sur le besoin de transparence ressenti par les médias à propos de la santé du président de la République. « Jamais la politique d’un homme ne sera résumée par l’état des ses organes », écrit-il. En clair : au lieu de passer du temps à s’interroger sur la capacité du chef de l’État à exercer le pouvoir, les médias feraient mieux de s’intéresser à son action.

Dans le même billet, le président du Parti de Gauche réfléchit au sort de son ancien parti, le PS, incapable, selon lui, de transformer la société. Pour lui, cependant, « le principal problème à gauche ce n’est pas le PS » mais comment, pour « l’autre gauche », construire « une force d’entrainement majoritaire ». Et d’affirmer que « l’anti-socialisme ne mène nulle part ». Jean-Luc Mélenchon ne se réjouit donc nullement du « sabordage du PS » qui n’est pas dans « l’intérêt de la gauche » pour l’instant.

« Le Canard recopie des bêtises » Le 31 juillet, Mélenchon met à jour sa note avec « un paragraphe concernant une brève du Canard enchaîné » du 29/7 (copie d’écran ci-contre). Il faut lire cet addendum jusqu’au bout pour bien comprendre ce qui l’irrite. Jean-Luc Mélenchon n’apprécie guère le sarcasme de l’hebdomadaire sur « l’union de la gauche » qui « se porte de mieux en mieux », et le fait savoir.

Donc, pour Le Canard enchaîné, une alliance au premier tour du PS avec un olibrius dont la liste aux municipales de 2001 était intitulée « que la droite se lève » c’est l’union de la gauche ? Et l’alliance de ces deux là au deuxième tour avec un autre comique qui se déclare lui-même « co-fondateur de l’UMP » ? C’est l’union de la gauche ? Et quand j’approuve mes camarades de ne pas céder au grossier chantage pour les obliger à cautionner cette mascarade, je mets à mal « l’union de la gauche » ? C’est Jean-Noël Guérini qui écrit les brèves à propos de Paca dans Le Canard ? Ou seulement un de ses amis ? Jean-Noël a décidément le bras de plus en plus long.

Question : à travers ce commentaire ironique, Le Canard enchaîné se moquait-il seulement de Jean-Luc Mélenchon ou bien de la gauche tout entière qui a perdu une nouvelle élection dans un contexte a priori plutôt favorable ? Cette seconde interprétation semble exclue par le député européen, pourtant capable d’autodérision puisque, écrit-il par ailleurs, il a « senti comme un grand honneur de passer du statut de rieur à celui de sujet de rigolades et brocarderies » du Canard enchaîné.

Un coup d’épée dans l’eau

Au début de son petit laïus, Jean-Luc Mélenchon explique qu’« [il] li[t] Le Canard depuis qu’[il] sai[t] lire, ou presque », qu’il s’agit d’« un rite hebdomadaire qui maintient en forme » [2] et même que certains « paieraient pour que Le Canard les assassine ». Mais cette fois, selon lui, « l’insolent qui ne mord qu’à coup sûr avec toujours une vacherie d’avance sous le pied » a commis une « boulette », qu’il qualifie de “Libération” : « recopiage d’un argumentaire socialiste de droite en fiel concentré, abus biaisé de citation, citation de citation non vérifiée, mauvaise foi ostentatoire : la totale ».

Certes, la brève du Canard enchaîné ne retranscrit pas toute la complexité nuancée de la stratégie du Parti de Gauche à Aix-en-Provence. Il se pourrait même que la « mauvaise foi » en soit une des motivations principales comme nombre de minimares. Mais de là à dire qu’il s’agit de recopier un argument dicté par un dirigeant du PS, il y a un pas... que Jean-Luc Mélenchon a osé franchir. Attention au retour de bâton ! En outre, celui-ci fait preuve d’un esprit contradictoire en parlant de « citation de citation non vérifiée » alors que ladite citation figure sur son blog, comme il le rappelle lui-même par ailleurs...

Enfin, Mélenchon soulève une autre question, bien plus pertinente, déjà abordée par Charlie enchaîné dans un précédent article consacré aux démentis que des personnalités opposent sur leurs blogs (lire « Jean-Michel Aphatie et Hervé This répondent au Canard enchaîné ») [3]. « Ceux qui liront Le Canard et le croiront comme je le fais moi pour à peu près tout ce que j’y lis, y compris les vacheries à mon sujet, ceux là seront seulement trompés », affirme le député européen. Sous-entendu : ceux qui, au contraire, auront eu l’« insigne privilège » de lire son blog sauront réellement ce qu’il en est.

Il paraît raisonnable de penser que la plupart des lecteurs du blog de Mélenchon sont des sympathisants du Parti de Gauche et du plus emblématique de ses fondateurs. Il est difficile, en revanche, d’estimer combien parmi ceux-ci lisent aussi Le Canard enchaîné et, inversement, de savoir quelle proportion de lecteurs de l’hebdomadaire satirique aura lu cette mise au point. La rectification apportée par Jean-Luc Mélenchon sur son blog aura eu probablement très peu d’effet sur l’opinion que ses partisans se font de lui, si ce n’est la renforcer, ou sur celle de ceux qui — comme il aime à le croire — considèrent comme parole d’évangile les minimares du Canard. Et encore moins sur ceux, largement majoritaires, qui ne lisent ni Le Canard enchaîné ni la prose de l’ancien sénateur sur Internet...

Mais elle confirme au moins une chose : l’homme est gouailleur, véhément et un tantinet excessif.

Notes

[1] Maryse Joissains est la candidate UMP réélue à la mairie d’Aix-en-Provence. Elle a succédé à son époux, mis en cause dans diverses affaires, en 2001. Lire ici-même « Censure numérique à Aix-en-Provence » et « Censure numérique à Aix-en-Provence (suite) », ainsi que le blog de Cixi-Hélène.

[2] Citation d’ailleurs reprise (mais pas corrigée) par LesÉchos.fr dans un article consacré aux personnalités politiques et au « langage blog ». Le quotidien qualifie le blog de Jean-Luc Mélenchon de « spécimen incontournable du Web »...

[3] Ce fut le cas cette semaine encore, où Ségolène Royal a publié une « mise au point au Canard enchaîné » sur un blog du réseau Désirs d’avenir. L’ex-candidate PS à la présidentielle y dément, entre autres, avoir conclu un pacte de non-agression avec Martine Aubry. Comme le relève Guy Birenbaum sur Le Post, « cette lettre n’est absolument pas dans Le Canard » (du 5/8).


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