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Jean l’agitateur

samedi 31 octobre 2009, par Hadi Taibi

Un patronyme aussi prestigieux, fut-il celui du président de la République, ne doit en aucun cas servir les proches pour décrocher un quelconque privilège ; c’est le népotisme. Il ne doit pas non plus les desservir de quelque manière que ce soit, parce qu’il s’agit là d’un fait autrement plus grave, c’est de l’injustice.

Qu’en est-il au juste du désir de Jean Sarkozy de briguer le mandat d’administrateur en chef du plus grand centre d’affaires d’Europe ? A priori, et dans l’absolu, rien ne l’empêcherait de s’offrir un tel plaisir, à la condition qu’il accepte de se positionner sur les starting-blocks en concurrent et non pas en conquérant. Or, justement, hormis sa qualité de rejeton de son père, Jean ne répond à aucune des exigences réservées traditionnellement au gabarit de la fonction projetée pour prétendre y être un candidat régulier et encore moins pour occuper valablement les responsabilités inhérentes au poste. Les soupçons de la presse sont donc légitimes ; ils ne doivent toutefois pas dépasser ce cadre.

L’embarras n’est pas non plus fortuit si l’on considère que le papa, alors ministre de l’Intérieur, n’avait pas hésité, quelques années plus tôt, à mobiliser la Police nationale pour retrouver le scooter de son petit Jean. Et au même papa, devenu président de la République, de mobiliser le gouvernement, les cadres de l’UMP (parti majoritaire) et certains d’entre les patrons de médias qui ont une dette à rembourser, pour assurer l’intendance qui permettra au chérubin de présider aux commandes du petit million de mètres carrés d’espace qui génèrent plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires par an ; c’est tout cela le quartier de La Défense. Mais que tout le monde se rassure, ce n’est point du ministère dont il s’agit !

Vite, un nouveau Human Bomb !

J’avoue que sur ce coup, la fable des Sarkozy, version famille décomposée après le départ de Cécilia et de ses deux filles, prend une sacrée raclée. Nicolas, le récent patriarche, nous a habitués à mieux. Il avait en effet tout à gagner s’il avait simplement pris la peine d’organiser une gigantesque prise d’otages qui aurait eu pour théâtre l’une des tours du célèbre quartier d’affaires, pour permettre ensuite à son petit Jean de se présenter devant les caméras du monde en sauveur d’un bébé otage. Il aurait pu aussi l’envoyer faire embarquer des otages déjà libérés, dans un avion spécialement affrété aux frais du contribuable français, pour le seul motif de récupérer à son profit un succès diplomatique d’envergure.

« Les Sarkozy : une dynastie héroïque »

© Wozniak (Le Canard enchaîné, 28/10/09)

Un fils qui a l’intelligence de se retrouver en deuxième année d’études universitaires, cinq années après l’obtention de son baccalauréat, ne peut pas être laissé en marge des ambitions que nourrit pour lui son papa président. Son admission au cabinet de l’Élysée peut s’avérer sa place naturelle, sa destinée providentielle. L’expérience de Jacques Chirac dans le domaine du recrutement de sa progéniture aurait aussi pu servir d’exemple à méditer par Sarkozy, qui a grandement besoin, lui aussi, de soigner son look.

Jean sera pour la fonction présidentielle ce que sont les OGM pour l’agriculture bio ; on sauve l’apparence sans se soucier du goût. Sa générosité serait incommensurable dans la mesure où son aide à améliorer l’aspect morphologique de monsieur le président est indiscutable. En excellent orateur, le président peut, en effet, se passer des conseils lui édictant sa manière de parler ; par contre, ce qui lui faudra absolument, et dont aucun conseiller n’aura l’audace de faire, c’est d’avoir quelqu’un à ses trousses pour lui indiquer, geste à l’appui, quand est-ce qu’il doit se la fermer. Dans ce rôle, Jean rendra un fier service à la nation.

C’est Jean Moulin qu’on assassine

Aux dernières nouvelles, la presse m’apprend que Jean a consenti à retirer sa candidature à la façon dont on retire une plainte auprès des juridictions. Aidé en cela par une panoplie d’instructeurs en tous genres, le petit Jean, bon juriste en deuxième année d’études en Droit, n’ignore certainement pas à ce stade de son cursus, que le retrait d’une plainte n’entraîne pas l’extinction de l’action pénale. De la même manière, il penserait que le retrait de sa candidature n’entraînerait pas l’extinction du battage médiatique fait autour de sa personne.

Jean a réussi à se faire un prénom ; c’est bien lui qui a gagné. Maintenant le commun des mortels assimilera le prénom de Jean au nom de famille Sarkozy. Plus personne n’aura le réflexe de penser à Jean Moulin. Les Français descendent aussi bas ; et c’est toute la France qui risquerait, malheureusement, de perdre !


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