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Julien Coupat, de "prétendu terroriste" à "social-traître"

Attaqué par l’épicier de Tarnac, Charlie se venge

jeudi 11 juin 2015, par Charlie enchaîné
mise à jour : vendredi 12 juin 2015

« Charlie Hebdo était un journal politiquement détestable. » Dans l’interview ultra-médiatisée qu’il a donnée à L’Obs le mois dernier, Julien Coupat analyse d’une façon pour le moins curieuse les raisons de l’attentat qui a décimé la rédaction de l’hebdomadaire satirique le 7 janvier. Sans doute un peu vexé, le journal étrille cette semaine le principal suspect d’une affaire de sabotage en publiant des éléments de l’enquête judiciaire sur son train de vie.

La ligne de Charlie Hebdo ? « Droitière ». Ce que Cabu représente ? « Pour [ma génération], c’est Récré A2 ». Dans son interview fleuve à L’Obs le 11 mai dernier, Julien Coupat aura su trouver les mots justes pour résumer son opinion sur l’hebdo satirique et son dessinateur le plus emblématique, victimes d’une attaque meurtrière quatre mois auparavant. Une avis d’autant plus cocasse de la part de cet intellectuel de la gauche radicale, comme on le présente souvent, lorsqu’on relève qu’il s’étale fièrement dans le magazine le plus social-démocrate de France…

En 2009, puis en 2010, Charlie Hebdo s’était intéressé de près à l’affaire dite de Tarnac, dans laquelle Julien Coupat est accusé avec d’autres d’avoir fomenté le sabotage d’une ligne TGV. Dans le numéro du 15 avril 2009, l’hebdomadaire ironisait, sous la plume de Guillaume Dasquié et le trait de Luz, sur une improbable piste new-yorkaise mettant en cause Coupat et sa compagne, Ydlune Levy, tout en notant que la pose de crochets métalliques sur une voie de chemin de fer ressemblait plus à du vandalisme qu’à du terrorisme. Au passage, cet article coïncidait avec le tout premier papier d’investigation dans un journal satirique plutôt réputé pour ses dessins, ses reportages ou ses chroniques. De plus, Philippe Val, symbole avec Caroline Fourest d’une supposée dérive « droitière » et « islamophobe » de l’hebdo pour nombre de critiques « radicaux » de gauche, était à cette époque sur le départ.

Extrême-gaucher contrarié

Le 28 juillet 2010, c’est Laurent Léger, aujourd’hui responsable du service « Enquêtes » à Charlie, qui racontait l’histoire d’un témoin qui « avait dénoncé anonymement Julien Coupat et les prétendus terroristes de l’ultragauche, avant de dire exactement le contraire lorsqu’il a été interrogé sous sa propre identité ». Un témoignage qui, de surcroît, fondait une partie du dossier. Bref, tout en restant prudents, les deux journalistes de Charlie Hebdo livraient plutôt des éléments à décharge pour Julien Coupat.

Changement de ton dans le numéro du 10 juin 2015, où le « prétendu terroriste » d’il y a cinq ans devient aujourd’hui un « social-traître ». Julien Coupat vit en fait « [aux] crochets » d’une « famille aisée », écrit ainsi Alexandre Vargas, qui signe son premier article dans Charlie. S’appuyant sur des « extraits inédits du réquisitoire du procureur », le journaliste raille ce « “révolutionnaire” (…) qui vit grâce à papa-maman et gère quelques heures par semaine les apparts de famille » pour faire fructifier son patrimoine, ce qui lui permettait d’alimenter « le compte de l’association gérant le domaine [du] Goutailloux, la ferme de Coupat et ses amis ».

En lisant Charlie Hebdo plutôt qu’en fondant son opinion sur ce qu’on en dit dans le milieu de la gauche radicale, le « donneur de leçons » Julien Coupat se serait peut-être épargné cette petite revanche.

P.-S.

Si Charlie Hebdo se moque des contradictions entre le mode de financement et l’idéal révolutionnaire de Julien Coupat, l’hebdomadaire demeure dubitatif sur les conclusions de l’enquête judiciaire qui l’accuse de « participation à une entreprise terroriste et dégradation en réunion » :

« On peut douter de cette construction judiciaire, qui voit dans le groupe de Tarnac une bande de dangereux criminels, avec Coupat en chef djihadiste de l’ultragauche. En réalité, Coupat et ses potes ressemblent plutôt à une poignée de soi-disant militants de l’anticonsumérisme, alignant idées de gauche radicale et postures intellectuelles, dont certaines valent d’ailleurs le coup d’être entendues, sur les lois sur le terrorisme par exemple. »

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