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Justice : entre équité et ès-qualité

mardi 22 décembre 2009, par Hadi Taibi

La justice est avant tout un concept philosophique, juridique et moral qui se fonde sur le respect du Droit et de l’équité. Mais dans la confusion des idées qui sont siennes, un enfant évalue ce qui est juste de ce qui ne l’est pas à partir de sa seule interprétation de ce qui lui est demandé de faire ou de s’abstenir de faire et aux sanctions équivalentes qu’il reçoit en conséquence. L’école est l’endroit le mieux indiqué à travers laquelle on découvre les premières notions des droits et devoirs fondamentaux de tout citoyen, et ce par le biais de situations vécues.

Comment, maintenant, peut-on faire comprendre à un enfant ce qu’est ce Droit au nom duquel la Police a embarqué, manu militari, son camarade de classe, violant au passage la franchise de son école qu’on lui disait sacrée ? Agissant ainsi, c’est aux enfants qu’on fait payer les fautes commises par leurs parents qui ont osé s’installer clandestinement dans le pays qui n’est pas le leur ; alors même qu’un mineur ne peut être pris pour responsable des faits qu’il aurait commis lui-même. Être juste en France dépendrait, dans ce cas, non pas de la qualité de l’auteur, mais de celle de ses ascendants.

Comment expliquer à un enfant ce qu’est ce Droit au nom duquel Paul Aussaresses, qui se revendique publiquement tortionnaire de guerre, se voit condamné par la justice de son pays pour “apologie de crimes de guerre” ? Les exécutions sommaires et extrajudiciaires qui ont caractérisé le sinistre parcours du non moins sinistre Général, accomplies avec l’accord de sa hiérarchie militaire et la couverture des politiques sont, pour rappel, des faits imprescriptibles selon la législation française, depuis la promulgation de la loi de 1964. Être juste en France, dans ce cas, c’est rendre la justice, non pas pour ce que l’on a fait, mais pour ce que l’on a dit.

Comment expliquer à un enfant ce qu’est ce Droit au nom duquel le même Maurice Papon, haut fonctionnaire de l’État, qui se voit condamné pour complicité de crimes contre l’humanité pour avoir transporté 1600 juifs de Bordeaux à Drancy avant le terminus programmé à Auschwitz, ne fera l’objet d’aucune poursuite pour avoir réprimé dans le sang les manifestations du 17 octobre 1961, où des Algériens furent jetés à la Seine ? Être juste en France dépendrait, dans ce cas, non pas de la qualité de l’auteur, mais de celle de sa victime.

Comment expliquer à un enfant ce qu’est ce Droit au nom duquel 103 enfants Africains qui firent l’objet de tentative d’enlèvement voient leurs kidnappeurs français condamnés pour acte de grivèlerie ? Décodé, cela signifie tout simplement que celui qui a eu le malheur de naître Africain n’est même pas considéré comme une marchandise aux yeux de la loi française ; la grivèlerie étant une infraction voisine de l’escroquerie et assimilée à la filouterie qu’on applique généralement au secteur tertiaire (les services). Ainsi, enlever un enfant Africain, c’est comme si on refusait de s’acquitter de sa facture des consommations téléphoniques ou resquiller dans les transports en commun. Être juste en France dépendrait, dans ce cas, non pas du Droit, mais des pays d’où sont respectivement originaires les auteurs et leurs victimes.

Des capotes contre le viol

Comment expliquer à un enfant ce qu’est ce Droit au nom duquel Roman Polanski, qui a commis et reconnu un viol sur mineure de 13 ans, reçoit sympathies et commisérations de la part de l’élite dite « intellectuelle » dans une ultime tentative de lui faire éviter la condamnation subséquente ? Au nom de quoi le viol perpétré par un réalisateur de cinéma serait-il moins grave qu’un autre viol commis par un lambda ? N’avons-nous pas là l’occasion pour dissuader les aspirants “baiseurs” de fillettes en châtiant ce Polanski comme le prévoient les textes de par le monde et en ne lui appliquant rien d’autre que la loi en vigueur dans le pays où il fût intercepté ? Comment expliquer tout cela à nos enfants ?

L’Éducation Nationale version Luc Chatel travaille bien dans le sens de suggérer les bonnes réponses. Ainsi, au moment où l’on envisage la suppression des cours d’éducation civique et d’histoire et géographie, et au motif de prémunir les gamins des frayeurs que leur causent les risques des maladies sexuellement transmissibles (MST) et notamment le SIDA, et après avoir jugé insuffisante la libre distribution de la pilule du lendemain, l’école publique fait débarquer toute la panoplie des gadgets, apanage jusque-là des sex-shops (dont l’accès est interdit aux mineurs), pour les étaler dans les écoles, non pas dans le but d’aiguiser la curiosité des petits, ce qui serait déjà assez audacieux, mais carrément pour leur maniement par ces derniers. À l’âge où l’on devrait à peine faire la différence entre un homme et une femme, sexuellement parlant, les enfants apprennent à l’école à manipuler des objets dont l’usage est réservé, selon la loi française, aux seules personnes majeures.

Au lieu de préserver la société contre les agissements sadiques des Polanski et ses semblables en les mettant hors d’état de nuire, la France acquiesce à doter des fillettes de 12 ans de préservatifs, avec prescription d’en avoir toujours à portée de main (sous-entendre dans leurs cartables) ; dans le cas où elles auraient à croiser un VIP violeur, on pourra espérer que l’usage du préservatif en atténuera les conséquences, non pas pour la fille violée, car de telles barbaries laisseront inlassablement des traces indélébiles, mais pour éviter à la conscience collective de s’encombrer des contrecoups imperceptibles et indésirables qui en découleront.


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