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Laïcité

L’Espagne à contre-courant de la France

mardi 4 mars 2008, par Charlie enchaîné

Le 9 mars 2008 ont lieu les élections législastives en Espagne. Le premier ministre sortant, Zapatero, socialiste, est opposé à Mariano Rajoy, du Parti populaire. L’Église souhaite la défaite du Parti socialiste, sans se déclarer ouvertement pour le Parti populaire. Mais l’un comme l’autre ne portent pas le débat sur le terrain religieux. Marine Chanel s’est rendue en Espagne pour faire le point, quelques jours avant les élections. (« L’Église en croisade contre les socialistes », 20/02/08).

Pour vérifier que le cœur de l’Église espagnole penche pour le Parti populaire, la journaliste de Charlie Hebdo a dû se confesser.

Cathédrale de la Almudena, au cœur de Madrid. Dos à la nef centrale, au bout d’une allée obscure, un discret confessionnal en bois. Le prêtre y absout le pêcheur et, dans sa grande miséricorde, accepte d’y conseiller l’électeur qui se présente en tant que bon catholique. J’endosse ce rôle. Sans pudeur, il répond aux questions politiques : peut-on, mon père, voter socialiste tout en pratiquant la foi catholique ? « L’Église recommande de voter en conscience, murmure le prêtre au travers du grillage. Mais les socialistes sont contre le vie, leur programme va contre tous les préceptes chrétiens, et ils passent leur temps à nous taper dessus. » Après quatre ans de gouvernement socialiste, et une véritable révolution sociétale, pas question pour un homme de l’Église de tendre l’autre joue à José Luis Rodriguez Zapatero. « Le programme du Parti populaire, par contre, n’est pas en contradiction avec l’Église », ajoute le prêtre sans ambages.

Contrairement à la situation française, en Espagne, « les finances de l’Église sont, aujourd’hui encore, généreusement assurées par les impôts du contribuable ». Marine Chanel note que, sous la mandature de Zapatero, les crédits de l’Église ont augmenté. Pourtant, cette dernière en veut aux socialistes qui, en quatre ans, auront pris un certain nombre de mesures progressistes. À savoir, « le mariage et le droit d’adoption pour les couples homosexuels (la France n’en est pas encore là, NdR), la facilitation des procédures de divorce », la condamnation du franquisme, ou encore le remplacement des « cours de religion » par de l’éducation civique [1], ce qui reste passablement en travers de la gorge des catholiques.

Calcul électoral

Cependant, la droite espagnole ne marche pas dans le sillon de l’autorité morale tracé par l’Église. Son leader, Rajoy, préfère suivre le modèle de son homologue français Sarkozy (le candidat). Ainsi, il recopie son slogan (« Avec Rajoy, c’est possible »), emprunte « ses thèmes de prédilection : immigration, sécurité, pouvoir d’achat », et s’inspire de ses propositions, notamment « en matière judiciaire ». Le Parti populaire se démarque donc de l’Église et Rajoy argue que « [son] programme n’est pas celui des prêtres ».

Que ce soit le Parti socialiste ou le Parti populaire, Marine Chanel suggère que l’attitude de l’un et de l’autre à l’égard de l’Église est mue par un calcul électoral. La droite « sait que les élections se jouent au centre » et donc évite de se radicaliser sur les questions de société. La gauche brocarde l’Église pour tenter de séduire les électeurs exaspérés par l’influence des religieux.

Ainsi, alors que l’Espagne se dirige peut-être vers un divorce avec l’Église — et, qui sait, la mise en place d’un État laïque —, en France, le président de la République et sa majorité souhaitent autoriser les financement des cultes par l’État.


On regrettera que le reportage de Charlie ne fasse pas de place au pluralisme politique en Espagne : quels sont les autres partis engagés dans les législatives ? Quelle est leur position vis-à-vis de l’Église ?

P.-S.

À (re)lire sur Charlie enchaîné : « On “importe” des immigrés dans la campagne ».

Notes

[1] Alors qu’en France, selon Bakchich, « Sarko veut le retour du catéchisme à l’école publique ».


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