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L’exception culturelle française

vendredi 20 novembre 2009, par Hadi Taibi
mise à jour : samedi 21 novembre 2009

« La culture, c’est ce qui reste dans l’esprit quand on a tout oublié. » (Édouard Herriot)

Jacques Lang souhaitait, pour la culture de son pays, un grand ministère de la Beauté et de l’Intelligence. Nicolas Sarkozy ne fait pas dans le détail ; il nomme à la tête de ce ministère de rêve un personnage à la beauté raffinée et extrêmement intelligent. Je nomme Frédéric Mitterrand.

Du coup, notre ministre fraîchement désigné, se voit charger d’affirmer l’exception culturelle française. C’est dire toutes les peines du monde qu’il aura à surmonter pour maintenir, au statut qui est sien, une France culturellement spécifique, telle qu’imaginée par André Malraux. Une France qui donne l’image d’une nation qui ne ressemble à aucune autre nation.

Ni la diversification du Champagne, ni l’internationalisation du film, ni la démocratisation du théâtre, ni la numérisation de la télévision et encore moins la généralisation d’internet et la vulgarisation des arts, ne devraient venir à bout du caractère exceptionnel de la culture et de l’art français. Pas plus qu’à la culture et à l’art thaïlandais. À chacun sa spécificité et à chacun d’en être jalousement le garant. Le reste doit rester une affaire de découvertes qui incombe aux tour-opérateurs.

En effet, il n’appartiendrait d’aucune manière à l’État français de décider de l’âge de la majorité pour les enfants thaïlandais, ni ne pourrait être pris pour responsable si des enfants sont considérés comme majeurs, par la législation de ce pays, avant d’atteindre l’âge limite de la majorité légale tel que fixé en France. À ce titre, Monsieur Mitterrand, en homme de culture avisé, n’a fait que soulager son instinct bestial, en ayant recours à un acte contre nature glissé entre la confusion d’un tourisme de charme et d’une philosophie antédiluvienne.

La conscience tranquille

On a souvent tendance à croire qu’un fait, jadis prohibé, s’affranchira ipso facto de son immoralité, dès lors que la législation le décrète comme étant un acte licite ; depuis qu’elle s’est mise à admettre de telles dépravations, l’exception culturelle française a bien fait des “progrès” aussi bien dans le temps que dans la forme. À charge pour les lecteurs de La mauvaise vie, de l’exceptionnel ministre de la Culture (ou de l’antithèse de la culture ?), de faire le distinguo entre un garçon et un petit garçon.

Lui, en tous cas, il a la conscience tranquille et il s’en est enorgueilli, faisant connaitre que ses rapports, c’est avec des jeunes hommes majeurs et vaccinés qui les a eus et non pas avec des mineurs. Tous ces ingénus qui ont cru déceler un acte de pédophilie n’ont qu’à se référer à la loi. Quant aux conditions lamentables qui poussent ces « charmants jeunes hommes » à faire du plus vieux métier du monde une activité touristique lucrative, la faute incomberait plutôt à leurs dirigeants qui les font chanter autrement qu’avec leurs cordes vocales et qui les ont culbutés au point de les inciter à se servir de leurs postérieurs à d’autres fins que celles qui leur sont naturellement réservées.

Monsieur Mitterrand, l’homme très respecté de la haute sphère culturelle, n’a fait qu’affirmer l’exception culturelle de son pays ; et c’est à juste titre qu’il mérite ses galons de ministre de la Culture. C’est bien André Malraux qui a dit : « Nous avons refusé ce que voulait en nous la bête, et nous voulons retrouver l’homme partout où nous avons trouvé ce qui l’écrase. » Et c’est bien le successeur de Malraux qui joue à la bête abjecte pour retrouver en lui, l’espace d’un récit, une sournoise virilité masculine. Pour ce faire, il est allé la trouver là où des garçons se font écraser par de miséreuses conditions inhumaines. Comme quoi la pratique du tourisme sexuel ne serait plus une affaire de plaisir blâmable, mais pourrait, de façon tout aussi exceptionnelle que ne l’est la culture française, s’avérer une affaire instinctivement louable, quoique scandaleusement exprimable.


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