Charlie enchaîné

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L’hôpital se moque de la charité

Lettre ouverte au sujet de l’hôpital public

dimanche 15 juin 2008

Nous, les Hospitaliers, qui le sommes si peu ces derniers temps, lançons un cri d’alerte à l’opinion publique !

Nous sommes en train de rompre avec des siècles de culture. Depuis son origine, la mission de Service Public de l’hôpital est d’accueillir, soigner et protéger les malades sans distinction d’âge ni de classe sociale. "Charité bien ordonnée commence par soi-même", cet adage, l’hôpital, aujourd’hui, pourrait bien se l’appliquer à lui-même, tant la vieille institution se délabre. Mais il ne s’agit pas tant des murs que des conditions de travail et de leur cortège de conséquences :

- Restriction des moyens en personnel, telle "peau de chagrin", réduisant quotidiennement les équipes à l’effectif minimum de sécurité,

- Flexibilité, corvéabilité et adaptabilité, à merci, des soignants, dont les roulements sont modifiés à l’envi, souvent du jour au lendemain, faisant fi de leur vie personnelle,

- Chantage à l’obligation de continuité de "Service Public", sensée justifier la grande précarité des plannings, visant à culpabiliser et à menacer des professionnels, contractuels de préférence, déjà stressés et sous pression,

- Épuisement des équipes et des individus (burn out) à cause du déséquilibre entre le travail à accomplir et les moyens à disposition,

- Arrêts "mal-à-dit" du personnel qui pleuvent et s’accélèrent,

- Manque de temps de réflexion en équipe sur notre travail,

- Manque de temps de présence, d’écoute et de disponibilité d’esprit à accorder aux patients,

- Occupation des lits à flux tendu, supérieure à 100% en hospitalisation temps plein,

- Attente aux urgences de plusieurs heures,

- Patients hospitalisés sous contrainte, en psychiatrie, dont l’enfermement se prolonge, faute de personnels pour les accompagner, ou qui sortent trop tôt, faute de lits,

- Féminisation de la profession d’infirmier psychiatrique alors que la mixité est capitale,

- Construction de nouveaux locaux inadaptés à la psychiatrie...

La tragédie de Pau n’a visiblement pas servi de leçon ! Les politiques attendent-ils une nouvelle catastrophe pour faire semblant de s’émouvoir de la difficulté du travail des soignants ? Les quelques moyens financiers, octroyés en urgence à l’époque, nous sont retirés aujourd’hui, sous la forme de 400 suppressions de postes. Et ce n’est que le début... La politique actuelle veut la destruction pure et simple du Service Public !

Les hospitaliers gestionnaires, branche exécutive des directives gouvernementales, ne donnent pas aux hospitaliers soignants les moyens de travailler ! Ils nous disent que l’hôpital est en déficit mais pourquoi ne pas commencer par approvisionner les budgets ? À l’heure de la dictature des statistiques et d’une certaine logique comptable, la vraie question est "comptons-nous encore seulement pour quelqu’un ?"

Nous, les infirmiers de la psychiatrie, nous prenons la parole en notre nom et en celui de ceux qui ne l’ont pas, les patients. Nous voulons dire que nous ne sommes pas de simples exécutants, comme voudraient nous le faire croire nos dirigeants et gestionnaires. Nous marchons sur la tête et ils nous disent que c’est le bon sens ! Comment peut-on faire aux patients ce que l’on ne voudrait pas que l’on nous fasse à nous-même ? Nous sommes tous des malades, des personnes âgées ou des démunis potentiels... Personne n’est à l’abri du temps qui passe et des coups du sort !

Nous vivons au règne de la mal traitance des patients, des soignants et des individus de façon générale. Considérés comme des objets, des pions, on nous malmène, on nous pressurise et nous déplace sans état d’âme. Si "Cupide on s’en fout", version revue et corrigée d’une chanson du grand Brassens, c’est parce que partout l’on recherche "rentabilité" et "profits", à tout prix, au détriment de la vie même ! Que l’on nous donne les moyens de prendre soin et d’écouter les personnes souffrantes et fragilisées qui s’en remettent à nous ! C’est une évidence, la santé passe par là ! N’oublions jamais que nous sommes des êtres parlants et, c’est d’une banalité déconcertante, les mots évitent bien des maux !

Les infirmiers psychiatriques
Psy I, 1er Est, Hôpital St Jacques du CHU de Nantes, le 04 juin 2008.


Réponse de Charlie enchaîné. Voici une raison supplémentaire pour accroître la colère des hospitaliers. Le Canard enchaîné a révélé cette semaine (11/6) la teneur d’un courriel envoyé par le directeur de l’hôpital de Montargis aux responsables des urgences de son établissement, un article de Brigitte Rossigneux relayé par le blog abcd etc. Ou comment préparer les visites ministérielles pour que la ministre ne soit pas incommodée à la vue des malades...


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