dimanche 13 décembre 2009, par Hadi Taibi
La France a par contre peur. Très peur. Certainement sans motif tangible et objectif d’avoir peur ; et c’est cela qui doit forcément être préoccupant, donner des raisons palpables d’avoir vraiment peur. Elle est maladivement et pathologiquement angoissée, anxieuse, embarrassée. Elle a peur de l’immigration, des sans-papiers, de la grippe A, des grévistes ; elle a peur pour sa santé, pour son identité, et aussi de ses réalisations, ses revers, son climat, ses lois et surtout, des bienfaits et autres aspects positifs de ses propres colonisations.
La France est partagée entre l’ignorance de son passé et la méconnaissance de son avenir. Son présent est fait de peur ; elle se met à haïr des pans entiers de ce qui la représente, qui l’incarne, toutes ces parties qui l’humilient et l’infériorise. Elle agit exactement comme le font ces faibles qui, cherchant à anéantir les causes de leur impuissance, s’autodétruisent en se suppliciant et en se dévastant intellectuellement. Elle démolit tout ce qui s’oppose à son appétit de possession ; le pays, les hommes, les religions, les symboles, rien n’échappe au rouleau compresseur de l’identité nationale pour broyer ceux qui refusent de se laisser faire mater ou de se laisser formater.
La France délivre, aux étrangers, des papiers sans lesquels ils ne peuvent légalement travailler ; elle réclame, par ailleurs, aux demandeurs de papiers d’avoir un travail pour pouvoir y postuler. Ce n’est pas schizophrénique, c’est juste de la panique au summum de l’arrogance identitaire. Il ne reste plus aux sans-papiers qu’à faire grève, c’est la seule activité qui ne requiert dans l’hexagone aucun papier. Car, même pour échapper à la grippe A, il faut avoir des papiers, du moins une adresse pour recevoir la convocation pour se faire vacciner. Donner son adresse, pour un sans-papier, équivaut à prendre le risque inutile de se faire éconduire à la Santé de MAM au lieu de se voir convoquer par les services de la Santé de Bachelot.
La France n’est pas xénophobe, elle est même accueillante, ouverte aux cultures, républicaine et laïque ; elle aime les étrangers, pour peu qu’ils n’exagèrent pas dans l’exhibition des signes ostentatoires de leurs identités. Ses lois ne sont pas exclusives, peut-être un peu sélectives ; disons, juste ce qui lui permet de choisir une immigration utile pour remplacer une autre qui est devenue obsolète, dépassée par la technologie. Dans la logique arithmétique qui prévaut, on nous signale que le turnover d’étrangers ne devrait pas faire changer leur nombre, proportionnellement au total des Français. On perd pied, mais on veut garder la tête froide.
La France de Sarkozy me fait de la peine. Mais ceux que je plains le plus sont tous ceux qui ont opté pour la France comme pays d’accueil et qui ont le malheur d’être arabes ou de couleur noire, de confession musulmane, sans-papiers, grévistes, et atteints de la grippe A, et qui se permettent, par-dessus tout, le luxe de trouver encore le temps de juger ségrégationniste le vote Suisse, contre la construction de minarets.