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La burqa de la discorde

jeudi 28 janvier 2010, par Hadi Taibi

Monsieur Sarkozy, président de tous les Français et époux exclusif de la vedette du nudisme dépeint, Carla Bruni, est contre le port de la burqa. Il lui a fallu juste le dire pour créer une bousculade au portillon de l’Élysée ; tout le monde veut sa part de bénédiction présidentielle. Les soutiens parviennent de toutes parts pour proposer, qui son islamophobie légendaire, qui sa xénophobie incurable, qui son animosité impénitente de l’identité “estropiée” et qui d’autre son hégémonie arbitraire et zélée du “parfait Français”. Dans ce climat délétère et de suspicion, un projet de loi visant l’interdiction du port du voile intégral est déposé, par la majorité, à l’assemblée nationale.

Qu’en est-il au juste de cette coutume vestimentaire à la symbolique sournoisement imputée à l’islam ? De l’avis même des théologiens, du moins ceux relevant du rite Malékite (majoritaire dans les pays du Maghreb et par extension en France), aucune prescription de l’islam n’oblige au port du voile intégral. Ni les épouses du prophète, ni celles de ses compagnons n’ont été soumises à cette contrainte. Tout comme l’habit ne fait pas le moine, la burqa n’en fait pas la musulmane. L’introduction du voile intégral dans les mœurs islamiques serait une pratique d’invention wahhabite, ce dogme proche des Talibans et qui prône une religiosité étriquée, sortie droit d’une interprétation littéraire et littérale des préceptes de l’islam, qui, pour le moins que l’on puisse dire, frise le ridicule en flirtant insidieusement avec l’obscurantisme.

Pendant ce temps où l’on spécule sur les mesures restrictives à imposer à une minuscule frange de citoyennes françaises dans leur propre pays, les princesses d’Arabie continuent d’affluer de manière hargneuse vers les grands palaces parisiens sans se soucier du caractère venimeux de leur manière de s’habiller, mais qui ne choquera personne, du moment que les chéquiers des princes sont généreusement libellés à coup de dépenses extravagantes. À l’avantage de ces touristes embaumées dans leurs burqas, c’est qu’en dehors du shopping dans les lieux réputés huppés, elles n’auront pas besoin de la sécurité sociale, ni de l’administration territoriale pour risquer de se voir refoulées. Même en cas de pépin, les préposés aux admissions au Val-de-Grâce leur proposeront volontiers leurs services en vue de se refaire une santé.

Si le port du voile intégral était susceptible d’attenter à la dignité de la femme, comme le laissent suggérer certains, son interdiction par une loi est formellement attentatoire à sa liberté individuelle. Valsant entre deux atteintes, l’une à la dignité et l’autre à la liberté, la classe politique française se perd en conjectures. Mais on s’accorde tout de même à reconnaître que le fait de se couvrir intégralement le corps, y compris le visage, constitue un extrémisme en contradiction avec les valeurs républicaines. Comme si le fait de se dévêtir entièrement, y compris les parties intimes, était conforme à ces mêmes valeurs républicaines. Ou bien alors, les plages réservées aux adeptes du naturisme et les lieux prospères fréquentés par les fortunées princesses, d’une part, et les lieux communs que fréquentent les infortunées Françaises, d’autre part, ne relèveraient pas du même et unique domaine public…

La gestion du port de la burqa n’aurait jamais nécessité plus qu’elle n’en mérite si ce n’était l’arrière-pensée politique par laquelle on cherche à stigmatiser les futurs damnés de l’identité nationale. On ne pourra pas faire dégager du paysage, par la contrainte de la loi, une catégorie de citoyennes, fut-elle minoritaire, juste parce qu’elles ont fait le choix de porter une tenue “choquante”, comme s’il s’agissait de décréter le retrait de la circulation d’une catégorie de voitures qui s’avéraient polluantes pour l’atmosphère.

La burqa, objet de la discorde, ne serait que l’équivalent de cette chose exécrable que toute personne normalement constituée évite de fouler du pied. Les politiques y ont mis le nez et c’est tout à fait logique qu’ils recueillent ses odeurs répugnantes. Autrement dit, si le but était d’interdire le voile intégral dans la stricte intention de libérer toutes ces femmes (présumées) persécutées, pourquoi alors ses concepteurs se voileraient-ils la face ?

P.-S.

Burqalembour © Luz

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