Marguerite [1] va fêter ses quatre-vingt dix ans dans six jours. Vu son âge avancé, elle ne se déplace pas avec la même aisance qu’une femme moitié moins plus jeune qu’elle. C’est pourquoi, habituellement, elle prend tout de même l’ascenseur pour descendre l’unique étage. Mais, ce matin-là, l’ascenseur lui file sous le nez. Du coup, elle décide de descendre seule les quinze marches qui la séparent du rez-de-chaussée. Ça lui permettra de voir si elle se remet de ses dernières mésaventures — ses rhumatismes sont particulièrement douloureux ces derniers temps —, se dit-elle. D’une main, elle s’agrippe à la rampe ; de l’autre elle tient fermement sa cane. Elle descend lentement, comptant les marches une à une. Une. Deux...
...Treize. Quatorze...
Soudain, elle entend une voix dans son dos. « Faites attention à la marche ! », lui crie Monsieur Zostawić, un voisin du troisième.
Bing !, la tête. Paf !, le dos. Vlan !, le poignet.
« Mais enfin, Madame Esik, relevez-vous ! »
Marguerite s’est relevée, seule.
[1] Les noms des personnages ont été changés.