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Primaires

La théorie des vases communicants qui ne communiquent plus

mercredi 21 septembre 2011, par Hadi Taibi

Les primaires du parti socialiste ont tenu à l’essentiel de leur intitulé : elles étaient réellement primaires. Ce n’est qu’ensuite qu’on pourra relever qu’elles se sont déroulées à guichets fermés, devant pas moins de cinq millions de téléspectateurs. Enfin, pendant que le futur potentiel président était en débat avec ses camarades socialistes, le président en exercice se trouvait au combat, à Tripoli, en compagnie des néo-djihadistes. Comme en politique il n’y a point de hasard, le calendrier semble avoir imposé le sien.

Le tirage au sort l’en avait imité en décidant de la disposition des candidats ; Hollande et Aubry, les favoris, au milieu, Montebourg, le plus à gauche, et Valls le plus à droite de la famille tenaient les deux extrémités dans l’ordre inverse ; Royale et Baylet prenaient les places réservées habituellement aux fous dans un échiquier. Les débats peuvent commencer !

Les six candidats se démarquent d’emblée, d’une part, les uns des autres et d’autre part, de tout héritage, tutelle ou référence. Aucune figure historique de la gauche française n’est citée ou même reproduite comme modèle ayant fait ses preuves par le passé. Chacun y va de sa propre réinvention du socialisme. Même Mitterrand, jadis cité comme le père spirituel d’au moins trois des six candidats, est laissé, cette fois-ci, se reposer en paix.

Les sujets qui préoccupent les français du XXI° siècle sont d’un tout autre ordre : mariage homosexuel, euthanasie, dépénalisation de la consommation des drogues dites douces, titrisation des épargnes des ménages, libéralisation des jeux d’argent, dépréciation de la monnaie, définition de quotas de joueurs par race, limitation du nombre de nouveaux immigrants, interdiction de pratiques religieuses ou exhibition ostentatoires de signes religieux autres que judéo-chrétien, « démocratisation » de pays tiers et… la sauvegarde du festival de Cannes et du tournois de Roland-Garros, comme patrimoine immatériel commun à la collectivité nationale.

Hollande est le plus à même de réaliser un tel programme, lui, pour qui on semble l’avoir taillé sur mesure pour qu’il soit à la hauteur de son ambition exponentielle. C’est vrai qu’en trente ans il n’a rien inventé, mais c’est aussi vrai qu’il en a fallu autant d’années pour son ex-compagne, Madame Royale, pour s’en rende compte.

Malheureuse finaliste de la précédente présidentielle, Ségolène la frondeuse, vit, depuis, de la capitalisation de son franc succès lors des primaires de 2007 où elle avait balayé de son chemin deux grosses cylindrées du parti, notamment monsieur DSK. Quand on sait, maintenant, de ce qui est advenu de ce même DSK, on se rend compte qu’il a fallu « beaucoup moins » d’efforts intellectuels à Nafissatou Diallo pour le réduire en miette. Comme quoi, rien ne sert d’être grosse gueule là où il suffit d’être simplement gros cul.

L’autre candidate, fille de son père par excellence, reste digne du patrimoine génétique qui est le sien. Les électeurs savent, au moins, que madame Aubry a plus besoin de cent milliards d’euros pour garantir la stabilité macro-économique de son programme que de leurs voix, certes conjecturées, mais qui restent, sans le fric, creuses et vides de sens.

Montebourg et Valls ont prodigué avec brio leur philanthropique ardeur à redresser la France. Le premier, en faisant de Sarkozy son ennemi juré, veut passer l’éponge et tout recommencer ; le second, en promettant de faire du sarkozysme sans Sarkozy, veut éponger le passé sans rien renouveler. Baylet se contente de réchauffer un chevènementisme latent.

Au final, les camarades ont réussi à drainer les foules des grands jours dans un jour sans. Ce faisant, ils ont agi comme des vases communicants : dans leur farouche volonté de tendre inconsidérément vers l’égalité, les candidats, de tailles différentes quantitativement, ont favorisé une sorte de siphonage de leurs programmes respectifs qui découle, à son tour, d’une pression (hydrostatique) du climat politique les mettant indubitablement à un même niveau qualitatif, exactement comme des récipients.


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