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Le Canard enchaîné pousse Élisabeth Guigou à la démission

Mais c’est Charlie Hebdo qui a levé le lièvre

mercredi 2 mars 2011, par Charlie enchaîné

Dans un communiqué publié sur son site personnel jeudi 17 février, Élisabeth Guigou capitulait. « J’ai décidé de ne plus exercer la co-présidence du Comité de parrainage politique de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed), pour éviter tout soupçon de confusion », indiquait l’ex-ministre de la Justice du gouvernement Jospin, au lendemain de la parution d’un article du Canard enchaîné mettant en cause ses liens avec l’homme d’affaires tunisien Aziz Miled — celui qui avait prêté son avion à Michèle Alliot-Marie lors de son séjour en Tunisie. Or, dès la semaine précédente (9/2), un article de Laurent Léger dans Charlie Hebdo levait un voile sur le think thank duquel Guigou vient de démissionner.

Ces dernières semaines, Le Canard enchaîné a multiplié les révélations autour de la désormais ex-ministre des Affaires étrangères et de ses liens privilégiés avec la Tunisie de Ben Ali. Des révélations abondamment relayées par toute la presse — un éditorial du Monde (16/2) réclamait, entre les lignes, la démission de MAM —, qui auront précipité la chute de Michèle Alliot-Marie et donné l’occasion au président de la République de remanier le gouvernement. Autant dire un séisme à l’échelle du microcosme.

Tout commence le mardi 1er février au soir, veille de la parution de l’hebdomadaire satirique. Les rédactions parisiennes, qui reçoivent Le Canard enchaîné juste après sa sortie de l’imprimerie, commencent à relayer sur leurs sites Web un papier sur les vacances de la ministre des Affaires étrangères en Tunisie, alors que le pays était à feu et à sang. Le contexte est favorable à une large diffusion des informations du Canard, MAM étant justement au cœur d’une polémique en raison d’une déclaration de soutien aux forces de l’ordre de Ben Ali, tenue à l’Assemblée nationale trois jours avant le départ du président tunisien…

MAM, victime d’Aziz Miled

Ce jour-là, donc, la France entière voit apparaître pour la première fois le nom d’Aziz Miled, présenté par le journal satirique comme un membre du « clan Ben Ali », ce que les services de MAM démentent, contre toute évidence. La machine médiatique est lancée et les investigations autour de cet homme d’affaires tunisien se multiplient. Ainsi, la semaine suivante (9/2), Brigitte Rossigneux rapporte dans Le Canard enchaîné que « Miled est propriétaire de Tunisian Travel Service, LA grosse boîte de tourisme du pays », qu’il est l’associé du beau-frère de Ben Ali, Belhassen Trabelsi, dans Nouvelair, compagnie aérienne qu’il avait fondée avec le gendre de l’ex-Président, Slim Chiboub, et qu’il est « associé dans la première banque privée tunisienne, Biat », avec Marouane Babrouk, un autre gendre. De quoi ironiser sur le statut de « victime » du régime que lui a prêté le ministère.

Dans Charlie Hebdo, ce même 9 février, l’enquête est menée par le journaliste Laurent Léger. Celui-ci se gausse tout autant de la présentation victimaire que Michèle Alliot-Marie a faite de son ami tunisien. Comme Brigitte Rossigneux, il décrit les liens d’Aziz Miled avec l’entourage de l’ancien dictateur tunisien. Mais les informations de Laurent Léger publiées dans Charlie Hebdo sont un peu plus complètes. Le journaliste écrit ainsi qu’Aziz Miled est vice-président de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed).

« Installé à Paris, dirigé par Jean-Louis Guigou, le mari de l’ancienne ministre socialiste, il comporte aussi bien dans ses rangs les Mabrouk (…) qu’un certain Hedi Djilani [dont] une de ses filles mariée au beau-frère de Ben Ali et une autre qui a épousé un neveu du dictateur. […] Ce think thank [est] peuplé d’autres martyrs de la vie tels qu’Augustin de Romanet (patron de la Caisse des dépôts), Anne Lauvergeon (Areva), Gérard Mestrallet (GDF-Suez), sans oublier le Dr Servier (…) et d’autres… Dans le comité de parrainage, on trouve d’autres “spoliés”, de la politique cette fois-ci, tels qu’Alain Juppé (…), Hubert Védrine, Felipe Gonzalez, Romano Prodi, et d’autres. Bref, que des personnalités au ban de la société… Toujours est-il que les Mabrouk, Djilani et le copain de MAM ont lancé un “appel euro-méditerranéen”, le 14 décembre dernier, au nom de leur think thank. »

Élisabeth Guigou avant MAM

Les révélations de Charlie Hebdo n’ont eu aucun écho. Une semaine après (16/2) paraît dans Le Canard enchaîné un article non signé intitulé « Les amis socialistes de MAM », dans lequel l’hebdomadaire satirique met en cause le couple Jean-Louis et Élisabeth Guigou. Cette dernière « préside en effet le comité de parrainage » de l’Ipemed, indique Le Canard, qui ajoute que ce think thank est « une association loi 1901 dont son mari est le délégué général, et dont l’ami de MAM Aziz Miled est non seulement l’un des financiers mais aussi le vice-président du Conseil de surveillance ».

Ces informations du Canard enchaîné sont donc un peu plus précises que celles parues dans Charlie Hebdo la semaine précédente, et les accusations du journal satirique se concentrent surtout sur les liens qui unissent le couple Guigou à l’homme d’affaires controversé. Dans un premier temps, le mercredi 16 février, l’ex-ministre socialiste « s’explique » (ici) sur le think thank de son mari. Finalement, le lendemain — devançant de quelques jours Michèle Alliot-Marie —, Élisabeth Guigou annonce publiquement qu’elle quitte la présidence du comité de parrainage de l’Ipemed.

Le Canard enchaîné plus efficace que Charlie Hebdo

C’est sous la plume de Laurent Léger Léger que le nom du think thank euro-méditerranéen est apparu pour la première fois dans la presse dans le cadre de « l’affaire MAM ». Mais si le journaliste évoque bien « l’ancienne ministre socialiste » Élisabeth Guigou, c’est sans avoir écrit son prénom ni surtout indiqué qu’elle présidait alors le comité de parrainage de l’Ipemed. Ce que l’article du Canard enchaîné n’a pas manqué de faire avec insistance, provoquant ainsi la démission de la députée du 9-3…

Dans un court article intitulé « Nos chers confrères », publié en page 3 de Charlie Hebdo du 23 février, Laurent Léger revendique la paternité des informations parues dans son journal et regrette amèrement de ne pas avoir été cité par l’autre hebdomadaire satirique du mercredi.

« Qu’il est bien modeste, le travail d’enquête mené par Charlie, par rapport aux scoops intergalactiques publiés semaines après semaines par Le Canard enchaîné… Mais toujours est-il qu’à Charlie, il nous arrive parfois d’être les premiers sur quelques sujets du moment, et cela nous chagrine quand les camarades de la presse en général, et des journaux satiriques en particulier, ne le reconnaissent pas. Loin de là l’idée de dire que nous aurions été pillés. Peut-être que les confrères ne nous ont pas lus. Ce fut probablement le cas la semaine dernière. […] Les infos de Charlie n’ont pas été reprises, celles du Canard, si. Tant mieux pour ce dernier et tant pis pour Élisabeth Guigou (…). Mais il fallait néanmoins remettre les choses à leur place. »

Interrogée par le site Marianne 2 à ce propos, la journaliste du Canard enchaîné Brigitte Rossigneux confirme que la non-citation de l’article paru la semaine précédente dans Charlie Hebdo est « tout à fait malencontreuse », et explique que piller des informations publiées ailleurs n’est « pas du genre » de son journal.

Charlie Hebdo et l’investigation, un virage récent

Dans le même numéro de Charlie Hebdo (23/2), le directeur de la publication regrette que son hebdomadaire soit trop rarement cité, en particulier par la revue de presse de France Inter. « On a l’habitude que les infos de Charlie ne soit pas souvent reprises par nos “confrères”. Ne nous plaignons pas, c’est notre brevet d’indépendance », écrit ainsi Charb. Charlie enchaîné, dans sa position d’observateur, ne peut que confirmer cette tendance. À titre d’exemple, nous avons trouvé une seule reprise (ici) de l’enquête récente de Charlie Hebdo sur les relations entretenues par la presse et des boîtes de pub françaises avec la Tunisie de Ben Ali.

Dans un article publié en juillet 2009, nous relevions que l’hebdomadaire satirique, tout juste orphelin de Philippe Val, avait décidé d’accorder une plus grande place au journalisme d’enquête (lire « Où en est Charlie ? »). Si Guillaume Dasquié a mis fin a sa collaboration avec Charlie Hebdo, Laurent Léger (ex de Bakchich) figure toujours en bonne place dans l’ours du journal et ses enquêtes sont souvent mentionnées en une. Mais Charlie Hebdo est avant tout perçu par le grand public et par la majorité des médias comme un journal d’humour et non comme un journal d’informations.

Pour Charlie Hebdo, le chemin vers la reconnaissance est encore long. Du haut de ses 95 ans, Le Canard enchaîné peut en témoigner.


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1 Message

  • Les amis socialistes de MAM

    2 mars 2011 18:47, par Choubidou

    Mam promet qu’on va l’entendre.

    Que MAM balance sur les accords rpr/ump/ps qui garantissent depuis 15 ans l’impunité au directeur de campagne de F. Mitterrand, dans cette affaire sabotée pour permettre le rapprochement de 2 journaux que l’on peut lire tous les jours, manifestation de l’existence d’une machine à enterrer au sein du pouvoir judiciaire, prête à être utilisée à tout instant.

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