mardi 26 avril 2011, par Charlie enchaîné
Sorj Chalandon est l’un des derniers journalistes qui a intégré la rédaction permanente du Canard enchaîné. À la lecture de l’article du Irish Times, on croit comprendre qu’il fait partie de la majorité des rédacteurs qui écrit ses articles « à la main ».
Le journal irlandais rapporte l’affaire de la démission de Michèle Alliot-Marie après des révélations du Canard enchaîné. « De telles histoires sont entourées de dessins, de mots d’esprits et de rubriques satiriques ». Ce cocktail est devenu la marque de fabrique du journal, indique le IT.
« Il y a un distance satirique dans Le Canard, explique Sorj Chalandon. Mais chaque mot est recherché, étudié. L’humour est une façon de dire des choses qui peuvent parfois être très, très dures. »
The Irish Times note que les sources du Canard forment un groupe important et hétérogène. Il s’agit de journalistes d’autres titres qui ne peuvent pas exploiter directement leurs informations, de ministres du gouvernement, de personnels civils. Mais comment sélectionner les bonnes infos dans ce magma où les intérêts peuvent être multiples et contradictoires ?
« Notre critère n’est pas : À qui cela va-t-il bénéficier ou non ? », répond le journaliste et rédacteur en chef adjoint du Canard enchaîné Louis-Marie Horeau. « Nos critères sont : Est-ce vrai ? Est-ce intéressant ? Est-ce vérifiable ? Est-ce politiquement important ? »
Le Canard enchaîné traite d’informations sensibles. Mais refuse de laisser un avocat lire ses articles avant leur publication, rapporte le quotidien de Dublin. Pourquoi ? Un avocat est formé pour être précautionneux, tandis qu’un journaliste doit repousser les limites, selon Louis-Marie Horeau, qui traite les questions de justice au Canard.
Les poursuites en diffamation contre le journal aboutissent rarement à sa condamnation, relève le IT. Sur cinq procès l’an dernier, l’hebdo n’en a perdu qu’un seul. « C’est un cercle vertueux, traduit L.-M. Horeau. Plus on gagne, moins on a à combattre. »
Au cours des dernières années, les conditions sont devenues plus difficiles pour les médias d’investigation en France, souligne The Irish Times. Les autorités tentent de plus en plus de surveiller les journalistes et d’identifier leurs sources.
Louis-Marie Horeau, au Canard depuis 30 ans, estime que le régime de Sarkozy est le plus agressif qu’il a connu. « Un préfet a été renvoyé quelques heures après une fuite. Les gens ont peur… », confie le journaliste. « Cela rend notre travail plus difficile — mais, nous l’avons prouvé, pas complètement impossible. »
Autre récit qui fait froid dans le dos, glané par le journal irlandais. Sorj Chalandon rapporte la réaction officielle après la publication récente d’un article au sujet des évadés fiscaux qui ont caché leurs avoirs à l’étranger :
« Ils ont envoyé la police aux impôts. Ils ont interrogé tout le monde, vidé les bureaux, épluché les enregistrements téléphoniques pour découvrir l’informateur. La source m’a confié : Je suis terrorisé. Et là, Sarkozy gagne. »
The IT rappelle les racines anticléricales et républicaines du journal satirique. Des convictions qui irriguent encore Le Canard enchaîné. « Nous sommes des Républicains intransigeants », revendique ainsi Louis-Marie Horeau. Le journaliste raconte cette anecdote :
« Une femme a téléphoné récemment : C’est merveilleux, vous faites trambler la République. J’ai répondu : Non, ce n’est pas la République qui tremble, ce sont ceux qui ne la respectent pas. »
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