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Le Dakar annulé pour de mauvaises raisons

samedi 19 janvier 2008, par Charlie enchaîné

Rouler dans le désert, c’est le principe du Dakar. « Prêcher dans le désert », celui de ses opposants. Mais cette année, la course a été annulée. Et personne n’est satisfait.

Est-ce que les organisateurs ont pris conscience du danger que le Dakar représente pour les populations des pays traversés ? Non. Cependant, « nous ne connaîtrons pas [cette année] la 54e victime du rallye. Fini les enfants écrasés sur les routes du Mali et de Mauritanie », écrit Le Canard enchaîné (« Dakar noir », 09/01/08). Dans Charlie Hebdo (09/01/08), Philippe Val titre son éditorial « Les cinq cents connards privés de ligne de départ » en référence à une chanson de « [son] ami Renaud ». Ce ne sont « ni les morts, ni les accidents, ni les critiques » qui ont provoqué l’annulation de la course, constate-t-il.

Alors, les organisateurs se sont-ils rangés aux arguments des écologistes ? Non plus. Néanmoins, il en est « terminé de la contribution au réchauffement climatique. Fini, les centaines de 4x4 qui labourrent le désert », note Le Canard. Tout cela « à l’heure où tout le monde mobilise sa matière grise et son civisme (...) pour trouver le moyen de freiner la production de CO2, quand chacun s’apprête à rogner sur l’indispensable — lumière, transport, chauffage », soutient le directeur de la publication et de la rédaction de Charlie Hebdo. En somme, tout le monde devrait se réjouir que le Dakar n’ait pas lieu en cette année internationale de la planète Terre.

« Le Dakar annulé » {PNG} Pourtant, personne n’est content. D’un côté, la déception des organisateurs, qui parlent d’« une année de travail, d’engagement et de passion [anéantie] ». D’après eux, « l’annulation de l’édition 2008 ne remet pas en cause l’avenir du Dakar », mais Bruno Saby, un ancien vainqueur, sent le vent tourner : « Je ne pense pas qu’un organisateur, aujourd’hui, quel qu’il soit, prenne le risque d’organiser une épreuve sur ce continent [l’Afrique, NDR] ». Selon les partisans du rallye, le continent noir serait le plus grand perdant dans l’affaire ; « l’Afrique peut aller se brosser pour les deux-trois pompes à eau que le Dakar fournissait, histoire d’habiller l’événement d’alibis humanitaires », clame Le Canard enchaîné. Saby ajoute que maintenant, « l’Afrique est un continent abandonné (...) au point (...) de ne même plus aller y faire du sport ». L’hebdomadaire satirique ironise : « C’est vrai ça. Sans le Dakar, l’Afrique est un continent perdu ».

La « gale » et la « peste »

D’un autre côté, les opposants, « qui réclamaient l’annulation de la course sous la menace de nouveaux décès de gamins » comme l’explique Le Canard, ne peuvent pas se satisfaire d’une décision prise parce que « des menaces pèsent, cette fois, sur les participants ». Philippe Val, qui se range lui-même parmi les pourfendeurs du rallye, considère que « l’annulation du Dakar est une défaite cuisante pour ses opposants ». Lui aussi parle de l’« alibi humanitaire » des pompes à eau, et argue que « les pays traversés [qui] protestent contre l’annulation », ce ne sont pas leurs habitants, mais « des hôteliers de chaînes à capitaux européens, saoudiens ou américains, (...) des tiroirs-caisses qui vendent leur misère culturelle à notre misère intellectuelle ».

« Al-Qaida menace le Dakar » {PNG} Pour conclure, le directeur de Charlie estime que « le Dakar, c’est certainement foutu. Mais il n’y a pas de quoi crier victoire : nous n’y sommes pour rien ». C’est « la terreur » d’Al-Qaida qui a eu raison de cette course qui traverse des pays du « monde musulman » où, écrit Val, plus aucune « manifestation d’importance — que ce soit un rallye en Mauritanie ou des élections au Pakistan — [ne] puisse se dérouler sans risquer un massacre ». Philippe Val résume : « L’annulation du Dakar, c’est comme si une épidémie de gale était vaincue par une épidémie de peste. (...) Comment accepter que la prospérité d’Al-Qaida au Maghreb condamne une compétition qu’en trente ans nous avons été incapables d’empêcher en rendant son absurdité perceptible par tous ? »


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