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Le carbone est-il soluble dans la finance mondiale ?

Et réciproquement.

dimanche 3 mai 2009, par Jeddo
mise à jour : mercredi 20 mai 2009

Le 2 mai 2009, le journal La Décroissance organisait à Lyon la deuxième édition du Contre-Grenelle de l’environnement pour dire « Non au capitalisme vert ». Lors de cette journée, Aurélien Bernier, secrétaire national du Mouvement politique d’éducation populaire (MPEP), est intervenu sur le thème du « marché du carbone » pour en expliquer les pièges. Compte-rendu — forcément incomplet — de cette intervention fort instructive [1].

Revenons douze années en arrière : 1997. Cette année-là, un certain nombre de pays signent le protocole de Kyoto, dont l’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 5,2% d’ici 2012 par rapport à leur niveau de 1990. Or, explique Aurélien Bernier, cet objectif apparemment modeste était déjà atteint du fait de l’effondrement des économies de l’Europe de l’Est. Ce qui a donc été ratifié à Kyoto, c’est en fait un « marché des droits à polluer », mis en place en 2005 en Europe.

Le secrétaire national du MPEP explique à la tribune que ce marché a été théorisé en 1960 par le prix Nobel d’économie Ronald Coase : si l’environnement est dégradé, dit Aurélien Bernier pour résumer la pensée de l’économiste, c’est parce qu’il n’a pas de valeur marchande. La solution, pour protéger l’environnement, serait de l’intégrer dans une logique de marché. C’est exactement ce sur quoi a débouché Kyoto : une bourse d’échange de droits d’émission de CO2.

Sombres perspectives

Mais, relève l’orateur, la distribution par les États de ces véritables « permis de polluer » a été bien trop généreuse. Conséquence logique : la valeur des droits à polluer a considérablement chuté, si bien que l’on observe aujourd’hui sur ce marché le même type de spéculations [2] qui ont conduit à la crise financière que connaissent actuellement toutes les places boursières mondiales. Et comme, dit-on, les mêmes causes produisent les mêmes effets...

Toute l’activité humaine tend à s’intégrer dans ce grand marché financier, poursuit Aurélien Bernier. Et pas seulement les entreprises privées : des établissements publics émetteurs de gaz à effet de serre (hôpitaux, universités, etc.) sont déjà concernés par des Plans nationaux d’allocation de quotas. Pire encore, nous prévient-il, on se dirige tout droit vers la mise en place de droits à polluer individuels avec un système de carte à puce [3] — le tout sans débat public.

Ce qui n’empêchera pas, au final, l’augmentation globale des émissions de gaz à effet de serre (+35% ces dix dernières années). Tout ça pour ça ?

P.-S.

Ajout du 20/5. Sur le même thème, lire ici-même : « “Droits à polluer” : (dé)polluer plus pour gagner plus ».

Notes

[1] Ce compte-rendu mêle des éléments issus à la fois du discours d’Aurélien Bernier et d’un article qu’il signe (« Le capitalisme néolibéral survivra-t-il au changement climatique ? ») dans le manifeste Non au capitalisme vert (Parangon) publié à l’occasion du Contre-Grenelle 2. Le lecteur soucieux d’approfondir la réflexion trouvera sans doute de nombreuses pistes dans le livre du même auteur Le climat, otage de la finance (Mille et une nuits) — précisons que nous n’avons pas lu cet ouvrage.

[2] Aurélien Bernier parle de la création de « fonds carbone » (avec la logique d’acheter au plus bas et de revendre au plus haut) ou encore de « crédits pourris » (équivalent des désormais fameuses subprimes).

[3] En clair, si vous avez la malchance d’habiter un logement mal isolé chauffé à l’électricité dans une ville du nord de l’Europe et pour peu que vous conduisiez — par obligation — une bagnole en fin de vie, il se peut que votre crédit carbone soit épuisé avant le terme de l’année civile, disons en octobre, et que vous soyez obligé d’acquérir en Bourse — peut-être à crédit — de nouveaux droits à polluer simplement pour vous chauffer et vous déplacer jusqu’au 31 décembre...


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