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Le cinéma où chacun se permet de faire son cinéma

samedi 15 mai 2010, par Hadi Taibi

C’est l’histoire de trois frères, témoins des massacres de Sétif en mai 1945 et qui ont été, par la suite, chassés d’Algérie, leur terre natale. Ils vivent ensuite en France, autour de l’amour qu’ils portent à leur mère, les excroissances de la guerre d’indépendance algérienne. Il s’agit bien évidemment d’une fiction — alors même que les héros de la guerre d’Algérie sont des êtres réels. Le réalisateur d’Indigènes Rachid Bouchareb et sa bande de comédiens ont récidivé en pondant un film, mêlant l’histoire à de la fiction, intitulé Hors-la-loi.

Photo © StudioCanal

Croyant avoir localisé les trois frères Dalton, le député Lionnel Luca (UMP, Alpes-Maritimes), qui dégaine plus vite que son ombre, s’est affublé en Lucky Luke, allant à la poursuite des fugitifs en quête des 5000$ de la récompense mise en jeu. Il remue ciel et terre et menace jusqu’à pourrir le festival de Cannes, si ce film n’est pas déprogrammé. Notre député prend goût à la glorification du fait colonial français, ce qui l’incite à se rendre utile aux yeux de son électorat et à rentabiliser son temps. Et au lieu de laisser couler, l’élu du peuple promet que « ça ne va pas se passer comme ça », rajoutant du piment à une sauce déjà excessivement et horriblement relevée.

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Lionnel « Lucky » Luca

Le seul moyen de se débarrasser d’une tentation, c’est d’y céder ; Monsieur Luca ne peut se retenir. Il s’improvise apprenti critique cinématographique en jugeant non conforme, et accusant de falsification de l’histoire, à partir de sa seule interprétation d’un scenario, un film qu’il n’a pas encore eu le loisir de visionner. Il n’est pas mauvais que Monsieur Luca cultive un hobby, un violon d’Ingres qui lui permette de satisfaire la partie de lui-même que ses activités parlementaires n’ont pas comblée. Mais pour échapper à la ritournelle ennuyante du Palais Bourbon, il aurait gagné à la ponctuer de courts moments de jouissance autrement plus palpitants que de s’acharner contre une simple production artistique.

Bien des gens auraient aimé que la France n’ait jamais eu de passé colonial, sauf que la loi du 23 février 2004 reconnait implicitement l’existence de ce fait qui empoisonne aussi bien les relations franco-algérienne que la conscience de pans entiers des peuples des deux rives de la Méditerranée. C’est un dossier qui fait régulièrement et alternativement apparaitre et disparaitre des douleurs. Monsieur Lionnel Luca doit avoir ressenti si fort ces douleurs que son désir de décrocher le pompon de la République fut tout aussi fort.

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Poor lonesome Lionnel

Pourtant, ce n’est pas la matière analgésique qui fait défaut dans l’hexagone. En guise « d’aspects positifs du fait colonial », la France s’est certes servie des richesses de son ancienne colonie, la vidant même de sa matière grise, mais en contrepartie, l’Algérie lui reconnait de l’avoir débarrassée de sa « racaille » et de toutes les Zahia Dehar qui bossent dans de sulfureuses besognes qui ont fait dire, dans un langage purement informatique, à son proxénète Georges Farhat, patron d’une école et concomitamment gérant du Zaman Café situé en pleine avenue des Champs Elysées, que ses infrastructures ont permis de constituer des réseaux et les mettre en application par la faveur du vide juridique.

En voici un sujet qui devrait attirer l’attention de tout député qui se respecte !


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