lundi 19 janvier 2009, par Charlie enchaîné
mise à jour : samedi 24 janvier 2009
La polémique avait commencé mi-décembre, avant même la sortie du film. Philippe Val, Cabu et Wolinski avaient, en vain, réclamé l’interdiction de l’affiche de Choron, dernière, arguant que leurs noms étaient utilisés à leur insu à des fins mercantiles. Une initiative relayée par plusieurs médias, ce qui aura eu pour effet de faire une publicité inattendue au film de Pierre Carles et Éric Martin.
Ironique, Philippe Val, dans un éditorial à tiroirs titré « Une semaine bête et méchante », qualifie la sortie du film de « bonne surprise » de la semaine, et renvoie à « l’article de Thoret et la colonne de Cabu » plus loin dans le journal. Néanmoins, le directeur de Charlie Hebdo se pique d’un petit commentaire sarcastique : Choron, dernière a obtenu trois étoiles dans Le Figaro Magazine. Philippe Val se réjouit que la critique du Fig Mag « massacre Cabu, Wolinski et [lui-même] », en estimant que « pour les malheureux Carles et Martin, ça doit être une humiliation » de voir leur documentaire apprécié par « la droite la plus conservatrice ».
La chronique cinéma de Jean-Baptiste Thoret, intitulée « C’est par où la sortie ? », adopte sans surprise la même tonalité teintée d’ironie. Il qualifie par exemple l’humour du professeur Choron de « scato-paillard et terriblement daté ». Pour lui, le film « échoue dans la bêtise péremptoire, le rire machinique et le verbe imbécile ». Pire, il révèle un Choron « Français moyen un brin pathétique ». Jean-Baptiste Thoret conclut avec des mots assez durs : « Enfin, je comprends pourquoi (...) j’ouvre rarement ma braguette en public, pourquoi Charlie seconde manière a trahi l’héritage de Choron, pourquoi il est des subversions qui se périment vite, et pourquoi je n’aime pas les beaufs, même modernes. »
Dans sa « colonne », située à proximité de l’article de J.-B. Thoret, Cabu n’adopte pas l’ironie des deux précédents. Il énumère une série de faits autour du thème « Ce film ne raconte pas ce que Choron nous racontait ». Exemple : « Choron nous racontait comment baiser un banquier en débauchant son fondé de pouvoir... qui finit dans la Seine ». Amer, Cabu affirme que « La mauvaise gestion (de Choron) finit par faire crever 5 journaux... tous créés par Cavanna ». Il est clair, ici, que Cabu dénie la paternité du titre Charlie Hebdo au professeur Choron, la reconnaissant au seul Cavanna — ce qu’indique d’ailleurs l’ours de l’hebdomadaire.
Dans sa chronique hebdomadaire, Cavanna ne mentionne pas directement le film Choron, dernière. Néanmoins, on peut s’attendre à une réaction de sa part étant donné la violence exprimée à l’égard de ce que fut le professeur Choron dans les papiers cités ci-dessus. On se souvient notamment que Cavanna avait, le 17 décembre dernier, poussé un coup de gueule pour dénoncer la disparition de l’humour bête et méchant dans Charlie Hebdo au profit des « bien-pensants ».
© Arnaud Baumann — Photographie publiée dans le hors-série « Cavanna raconte Cavanna » (11/08)
Dans le hors-série de Charlie Hebdo « Cavanna raconte Cavanna » (novembre 2008), le fondateur « officiel » de Charlie Hebdo écrivait : « Choron fut pour moi l’Occasion. Comme je le fus pour lui. (...) J’avais en tête une grande idée. Irréalisable. Lui, y crut. Il était bien le seul au monde qui pouvait lui donner vie. (...) Hara-Kiri est né du choc de notre rencontre ». Et dans le numéro du 14 janvier 2009, alors que trois de ses comparses de Charlie Hebdo fustigent Choron, dernière, Cavanna rend une nouvelle fois hommage appuyé à son ancien acolyte au détour d’un paragraphe.
Vous n’avez pas connu Choron. Le Professeur. Moi, oui Eh bien, il était dans la mouise, il a fait un journal qu’il appela La Mouise, qu’il fit vendre sur le trottoir par d’autres gars dans la mouise. Il n’avait pas inventé la chose. D’autres avaient fait des journaux parlant de SDF, vendus par des SDF. Seulement, ces cons, ils appelaient ça Le Bec-de-Gaz, Le Caniveau, La Détresse, et ils y entassaient des chialotteries, des pleurnicheries, des appels à la pitié... Les cons. Choron emplit La Mouise de rigolades, de grosses blagues sur les SDF, justement, et il vendit ça comme des petits pains au lait. Ça n’a pas duré, avec Choron rien ne durait (...).