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Les dessous d’un rire

mardi 11 décembre 2007, par Sophie Lambert
mise à jour : lundi 8 décembre 2008

Je lisais un article citrique intitulé « Yeux d’espions au dessus de la banlieue » paru dans Libération (21/11/2007) sur la nouvelle caméra répondant au doux nom d’Elsa (Engin léger de surveillance aérienne) que le gouvernement souhaite installer dans les banlieues et qui mériterait d’être nominée aux Big Brother Awards... L’article suggère qu’il est plutôt question de Surveillance Aérienne Légère Organisée Par l’Etat (S.A.L.O.P.E.) installée dans les ZUT (Zones Urbaines Totalitaires) quand Neuilly serait classée ZED (Zone Exempte de Drones). L’acide a du bon parfois...

Et je m’interrogeais sur l’ironie et le rire provoqué, chez moi en tout cas, à sa lecture. Est-ce un rire d’étonnement ? Non, a priori le principe est connu, il est certain que je suis toujours étonnée par l’ampleur du phénomène et les limites toujours repoussées dans l’intrusion politique sur le privé, mais à vrai dire cela ne provoque pas de rire à proprement parler ce genre de constatation, au contraire.

Est-ce un rire de culpabilité ? Non plus puisque je suis — nous sommes ? — convaincue de l’accent de vérité dans cette indignation, et nous luttons, disons refusons, à notre niveau ce genre de culture de la peur sur les masses qui permet de justifier la mise sous surveillance et le contrôle de la population. Big Brother nous guette... Ce ne sont pas encore les caméras parlantes ni le maillage visuel ultra serré de l’Angleterre, mais est-ce vraiment l’objectif vers lequel on doit tendre ? Là encore, la mesure me semble seule gardienne du respect de la liberté sans que la protection en soit sacrifiée.

L’hypothèse que j’avance à propos de notre rire est qu’il émane d’une sorte de soulagement, décrispation d’une angoisse interne de voir que quelqu’un d’autre partage notre regard, partage notre incompréhension devant l’évolution d’un monde qui se permet de faire des compromis avec nos valeurs. Soulagement qu’une prise de conscience est possible puisqu’elle s’imprime déjà un peu ; rire, non par autodérision, mais par défiance envers le climat de peur et d’insécurité que l’on cherche à créer pour mieux l’utiliser ensuite comme prétexte à n’importe quelle mesure ; rire pour refuser, pour se mettre à distance ouvertement, explicitement ; rire, pour ne pas céder à une autre peur, celle de voir le monde s’aveugler et basculer ; rire parce que sinon vraiment l’on étouffe...

P.-S.


- Les yeux d’Elsa (Collectif Les mots sont importants)

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