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Les petites marionnettes

vendredi 26 mars 2010, par Hadi Taibi

Que l’on soit Sarko-optimiste ou Sarko-sceptique, on ne changera pas grand-chose au chiffre du jour : un Français sur deux s’est rendu aux urnes ou plutôt un Français sur deux s’est abstenu de s’y rendre. Ça importe peu ! Car, contrairement à la théorie de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide, dans le cas des élections régionales en France, millésime 2010, le plein et le vide d’électeurs ont étonnamment envoyé le même message, excité une même ivresse : infliger une défaite cuisante à l’UMP du président Sarkozy.

L’entre-deux tours a permis, par ailleurs, de découvrir le vrai visage des marionnettes de l’UMP. Polichinelle est appelé à rejoindre les rangs de la mobilisation générale et c’est en personne qu’il prend la tête du bataillon des sauveurs des meubles. François Fillon, absent de la gouvernance pour laquelle il est institutionnellement désigné, se voit chargé de la mission de rallier les abstentionnistes aux préceptes de l’UMP. Il sillonne la France dans ses moindres recoins à la recherche de la moitié des voix, jadis concordantes, subitement égarées sous la houlette du débat sur l’identité nationale. Mais pas que ça !

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Un simple calcul éricustique nous permet de résoudre l’équation électoraliste, enfin débarrassée de toutes ses inconnues. Un Français sur deux serait contestable selon Éric Besson. Moins approximatif, l’autre Éric, Zemmour pour ne pas le citer, n’estime pas moins que cette moitié de Français ne seraient que de vulgaires voyous qui empêcheraient la quiétude républicaine de tourner en rond plutôt que de servir l’évolution de l’espèce homo-française.

Privés de l’option de faire cohabiter, par l’horizontale, la droite et la gauche lors d’une même mandature par l’effet de la juxtaposition des quinquennats présidentiel et législatif, les Français inventent la cohabitation par la verticale. Quand la majorité gagne le haut, l’opposition gouverne le bas. Et c’est le « ce n’est pas moi, c’est lui » qui arbitra la sempiternelle empoignade droite/gauche. Le président Sarkozy en prend acte : « élections régionales égale conséquences régionales ». La somme des petites conséquences régionales ne donnera jamais davantage qu’une petite conséquence nationale. Trop de marionnettes n’en font pas un gouvernement, pas plus que beaucoup de nains n’en font un géant !

Adieu l’ouverture à gauche, bonjour la fermeture à droite. L’Élysée joue le troisième tour, question d’ajouter à la cacophonie un peu de grabuge. Pendant ce temps, on fait durer le plaisir du côté de la rue Solférino. Aux chuintements des flashes, on pose pour les photos de famille. Martine Aubry saisit l’occasion pour s’afficher avec sa troupe de présidents de régions, sans Georges Frêche, l’enfant non-désiré, ni Ségolène Royal, la panthère rose qui se fait désirer.

À droite, on colmate les brèches comme on peut ; on bat le plein des troupes, loin des attroupements habituels que connaît l’Élysée. Pour le rafistolage, on prélève un échantillon du centrisme et un autre Villepiniste pour les nommer à la Solidarité active et à la Fonction publique. Le président, DRH par procuration dans une autre vie, se résout à confier à ses frères adultérins la gestion des carrières des cadres de l’UMP par solidarité active interposée. Il y va de l’intérêt de la grande famille de droite. Un Chiraquien dans le rôle de caissier de l’État ne sera pas de trop et pour clore le tout, un ex-budgétiste pour faire travailler ce beau monde et chapeauter les négociations sociales futures.

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Les politiques de tout bord appellent à tirer les conséquences de la débâcle électorale de la droite française. Peu de gens en tireront par contre le vrai enseignement qu’a fourni Claude Guéant, le Sarko-bis du palais : le président a « décidé d’entendre le message » des Français. Et voilà un président qui entend son électorat quand lui l’aura décidé !

Ce remaniement esthétique, au vu des postes ministériels concernés et en attendant son extension au staff des conseillers élyséens (plus attendue apparemment que ne le sont les licenciements prononcés à Matignon), donne une lecture limpide sur les intentions de monsieur le président, qui essaye légitimement d’assurer ses arrières : gérer, au mieux des intérêts des uns et des autres, et avant la fin du troisième tour promulgué par le futur membre de fait du Conseil constitutionnel, le dossier relatif à la réforme des retraites, sachant qu’un fonctionnaire sur deux qui s’en va ne sera pas remplacé.

Poings aux côtés, mains liées, sautez ! La taille cambrée, les yeux fermés, dansez ! Puis, le front penché, la tête baissée, saluez ! Dormez tranquillement les enfants ! Ainsi font font font les petites marionnettes ; ainsi font font font trois petits tours et puis s’en vont.


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