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Procès Colonna

Les turpitudes de Roger Marion

mercredi 5 décembre 2007, par Charlie enchaîné
mise à jour : vendredi 7 décembre 2007

Charlie Hebdo suit de près le procès d’Yvan Colonna et livre un compte-rendu chaque semaine depuis le début des audiences. Le Canard enchaîné, de son côté, y a consacré quelques articles. Dans leurs numéros du 28 novembre 2007, les hebdomadaires satiriques évoquent tous deux l’un des personnages de l’affaire : l’ancien commissaire Roger Marion. Le Canard insiste sur les contradictions de l’ex-policier, tandis que Charlie s’attarde sur « la guerre des polices » qui a brouillé le déroulement de l’enquête.

Une pleine page de Charlie Hebdo (28/11/2007), rédigée par Dominique Paganelli et abondamment illustrée par Tignous (voir le dessin ci-dessus), est consacrée au procès Colonna (« La guerre des polices brouille les pistes »). Le journaliste de Charlie raconte l’affrontement entre « un flic à la Gabin » (Démétrius Dragacci) et « un flic à la commissaire Moulin » (Roger Marion). Le premier, c’est « un flic à l’ancienne, celle de la vieille école, celle du pif et du flair, loin des nouveaux, qui parlent de flingues, qui tirent dans les coins et font des enquêtes comme on résout une équations à plusieurs inconnues. » Le second, « toujours tiré à quatre épingles, l’allure racée du coureur de marathon, c’est un infatigable bosseur, peu partageur. » Pour résumer, Marion est « l’antithèse » de Dragacci.

Comment Roger Marion est devenu l’« ennemi intime » de Démétrius Dragacci ? Dominique Paganelli explique qu’à l’époque de l’assassinat du préfet Érignac, « Dragacci (...) était le chef du SRPJ (le service régional de la police judiciaire) d’Ajaccio ». Le journaliste de Charlie établit la liste des reproches adressés au policier depuis le moment des faits jusqu’au début de l’enquête : il est « arrivé sur la scène de crime une heure après les coups de feu », il a mis en place des barrages routiers tardivement, il n’a pas suffisamment fait passer le théâtre du meurtre au peigne fin, etc. Si bien « qu’il sera écarté de l’enquête » et c’est au « commissaire Marion, le patron de la DNAT (Division nationales de l’antiterrorisme) [que] reviendra la charge de retrouver les assassins du préfet. » Dragacci l’accusera de tentatives de déstabilisation et prévient que « les assassins ne seront découverts que par les méthodes classiques de la police criminelle ».

De fait, avant de se voir retirer la conduite de l’enquête, Démétrius Dragacci évoquait « une radicalisation de l’action violente de la mouvance dissidente du FLNC Canal historique » et, écrit le rédacteur de l’article de Charlie Hebdo, « au regard des aveux des membres du commando, Dragacci avait ciblé en plein dans le mille. » Mais le commissaire Marion est bardé de « certitudes »... et de mauvaises intuitions. D’abord il cherchera l’assassin « dans le milieu agricole (...), en interpellant 342 agriculteurs, viticulteurs et apparentés ». Puis il abandonnera cette piste et fera arrêté « deux professeurs de Bastia, (...) [qui] seront acquittés en appel, par la cour d’assises de Paris ». Dominique Paganelli ajoute à ce tableau de ratés « le loupé de l’arrestation de Colonna et ses quatre ans de cavale, [qui] ne rendront pas Roger Marion plus humble ». Pour se dédouaner, Marion ira même jusqu’à « accuser Démétrius Dragacci d’avoir prévenu Colonna qu’il était sur le point d’être arrêté. »

Le Canard enchaîné (28/11/2007), dans un bref article intitulé « Marion oui mais non », s’interroge sur la fiabilité de Roger Marion. Pour le commissaire Marion, relève Le Canard, Yvan Colonna est coupable, « bien évidemment ». Ainsi l’hebdomadaire satirique rejoint Charlie sur les certitudes bancales de Marion qui, au lieu d’apporter « des preuves irréfutables de la culpabilité de l’assassin présumé du préfet Erignac, (...) s’emmêle pourtant un peu les matraques. » Et le prend en flagrant délit de contradiction. Au cours de son témoignage — de « 7 heures ! » s’exclame Le Canard enchaîné — au procès, Roger Marion a affirmé qu’il n’était pas présent au moment où Maranelli, « l’un des présumés membres du commando Erignac », donne le nom d’Yvan Colonna. Mais, dans un livre paru récemment [1], « Marion (...) assure avoir recueilli les aveux de Didier Maranelli » et il signa lui-même le procès-verbal !

« “Bien évidemment”, Roger Marion dit à chacune de ses déclarations écrites ou parlées la vérité. Rien que la vérité, toute la vérité. Oui, mais laquelle ? » se demande Le Canard en guise de conclusion. Quant à Dominique Paganelli, il écrit que pendant ce temps-là, « les avocats de la défense boivent du petit lait et font tout pour que la cour se demande si la guerre des polices et certaines approximations ont conduit à arrêter le véritable assassin. »

P.-S.


- À lire sur le site club-corsica.com, une autre revue de presse du Canard enchaîné et de Charlie Hebdo : « Le procès sera-t-il politique ? ».

Notes

[1] « On m’appelle Eagle Four », Roger Marion avec Francis Zamponi, Seuil. Entres autres sobriquets, Marion a porté « Roger le dingue » (« un surnom attribué par ses subordonnés », précise Le Canard), « Roger le furieux » ou, donc, « Eagle Four » (« parce qu’il gueule fort », indique Charlie).


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