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« Leurre » supplémentaire

mardi 2 octobre 2007, par Brizann
mise à jour : samedi 20 octobre 2007

Il était une fois, une petite caissière et son patron.

Un jour, le patron lui annonça, tout guilleret :
« Tu pourras faire des heures supplémentaires payées ;
Tu n’auras pas, comme par le passé, à les récupérer.
Rassure-toi, 25% de plus elles te seront rémunérées.
Certes, je compte sur toi pour ne point les refuser.
Pour ces heures supplémentaires, je serai défiscalisé.
De plus, CDD et intérimaires, je pourrai ainsi limiter.
Quant à toi, aux impôts ces heures tu devras déclarer ».

« Quelle surprise ! » S’exclama la petite caissière sidérée.
« Je vais sans doute enfin, grâce à cela être imposée.
J’en rêvais tant de payer des impôts
Et faire ainsi — et enfin — partie du lot.
Jusqu’alors, j’y avais difficilement échappé ;
En contrepartie, allocations diverses je percevais.

Je n’aurai donc plus à remplir tous les dossiers
Pour ces aides qui me seront supprimées.
Pour 100 euros de gagné en plus
J’en perdrai 80 tout au plus…
Aussi, je ne me plaindrai point ;
20 euros resteront pour soigner mes reins.

Cela me laissera tout le temps de travailler
Week-end et soirs dans votre hypermarché
Pendant que mes jeunes enfants dans la cité
Pourront batifoler puisque non surveillés.

Je suis rassurée ; mon avenir est tracé :
Long travail au magasin la journée
Long travail à la maison en soirée.
Comme je ne puis de thalasso me payer
Je prendrai maints dopants et tranquillisants.
La sécurité sociale me les remboursera évidemment.

Me voici toute estourbie par votre annonce, patron.
Je suppose que vous ne m’accorderez pas l’augmentation
Que depuis 7 ans je vous prie de bien vouloir m’accorder.
Quant à l’espoir d’une hypothétique promotion
Rassurez-vous, je n’en fais plus une priorité.
Je suis bien heureuse d’avoir un emploi
Avec mon misérable « BAC plus trois ».
Vous savez que je suis seule avec mes enfants et vous êtes trop bon
De vous préoccupez de moi et de m’offrir ce privilège sans façon.

Je me vois donc contrainte, pardon… contente, d’accepter votre proposition.
Car je sais que vous n’aimez guèrement
Les empêcheurs de tourner en rond
Or, dans le prochain train de licenciement,
Je ne voudrais être dans le wagon.

Moralité de cette histoire :
Méfiez-vous du mot « supplémentaire »
Quand il accroît pour l’un le chiffre d’affaire
Et pour l’autre la coutumière misère.
Cela dépend où il se pose :
Sur face joufflue
Ou sur dos fourbu…
Ce n’est pas la même chose.

L’Arlette Laguillier de Vallon


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2 Messages de forum

  • « Leurre » supplémentaire

    29 octobre 2007 21:06, par CHANTAL SAYEGH-DURSUS
    Ce texte me rappelle les Contes de mon enfance. En effet certains cadeaux peuvent être tout à fait empoisonnés. Non seulement, ils ne coûtent rien, mais en plus ils enrichissent ceux qui les font.

    Répondre à ce message

    • « Leurre » supplémentaire 30 octobre 2007 11:14, par Brizann
      Merci pour l’allusion aux contes. Quel beau monde que l’enfance quand toutes les histoires connaissent une belle fin. Dommage que ce soit de moins en moins vrai de nos jours car les plus méritants ne sont que rarement récompensés mais ... pressés jusqu’à ce qu’ils (souvent elles) aient donné leur maximum vital. Les loups ne sont pas que dans le parc du Mercantour. Mes salutations.

      Répondre à ce message




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