Charlie enchaîné

Une revue de presse de Charlie Hebdo et du Canard enchaîné.
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Libyen entre les lignes

Les miracles de la diplomatie française sous Sarkozy

samedi 4 août 2007, par Charlie enchaîné
mise à jour : mardi 5 avril 2011

Dans leurs éditions du 01/08/2007, « La Canard » et « Charlie » consacrent de nombreux articles, éditos, brèves et dessins sur l’« affaire des infirmières bulgares » et sur les relations entre les clans Sarkozy et Kadhafi. Revue de presse exhaustive.

L’éditorial du « Canard enchaîné », signé Jérôme Canard, commence par admettre que l’« on ne négocie pas avec un tyran sanguinaire comme on le ferait avec le roi des Belges. » Le ton est donné : Mouammar Kadhafi est peut-être le « nouvel ami » de la France, l’hebdomadaire satirique n’oublie pas qu’il fut longtemps « terroriste », rappelant « l’attentat de Lockerbie et celui du DC 10 explosé dans le désert du Ténéré. » Il ajoute que « les prisons libyennes ne sont pas (..) exemptes de critiques, du point de vue des droits de l’homme » notamment en ce qui concerne les opposants du régime, « abominablement martyrisés, quand ils n’ont pas encore eu la chance d’être exécutés. » Ironisant sur la communication employée par Sarkozy qui « nous a orchestré un joli conte de fées », le « Canard » estime que « la réalité est plus triviale : Kadhafi a besoin de nous, nous avons besoin de lui. »

Échanges bilatéraux

Ce point est développé en page 4 du « Canard enchaîné », toujours sous la plume de Jérôme Canard, qui détaille les accords commerciaux passés entre la France et la Libye. Le pays de Kadhafi « attire toutes les convoitises » car son sous-sol est « bourré de pétrole, de gaz et d’uranium ». Les échanges avec la France, qui constitue son 6e fournisseur, « progressent rapidement » nous apprend le journal. Ils pourraient progresser encore plus vite car « la Libye souhaite acquérir de la France des vedettes permettant de traquer en mer les immigrants clandestins », une passion largement partagée par l’ancien ministre de l’Intérieur Sarkozy. Des entreprises françaises comme Airbus, Areva, Veolia ou BNP Paribas possèdent de nombreux intérêts en Libye, mais les marchands d’armes ne sont pas en reste puisque « en novembre 2006, un accord de principe avait déjà été signé pour (...) la modernisation d’une quarantaine de mirage F1. » Cet accord doit être entériné par Dassault (qui « n’a toujours pas réussi à vendre un exemplaire [de Rafale] à l’étranger »), Safran, Snecma et Thalès. Maintenant que Kadhafi est « un délicieux compagnon [avec qui] prendre le thé », ce ne devrait plus être qu’une formalité...

Farce nucléaire

Cabu - Notre ami le colonel Selon le président de la République, il existerait « un système permettant de désactiver une centrale depuis l’extérieur ». On se tord de rire. Ce qui n’est pas une farce en revanche, c’est que « [Sarko a réussi] à fourguer un réacteur nucléaire au guide de la révolution suprême », écrit Louis-Marie Horeau, ce qui, selon lui, « témoigne (...) de réelles dispositions commerciales. » La Libye comptant quelque 6 millions d’habitants, dix fois moins que la France, ses besoins énergétique sont moindres. De plus, son sous-sol « regorge d’hydrocarbures », et d’autre part « aucun pays au monde n’a construit un réacteur nucléaire pour dessaler l’eau de mer », puisque c’est sous ce prétexte qu’Areva va vendre un réacteur à la Libye. Le journaliste s’interroge sur l’utilité d’une telle installation qui rapporterait « environ 3 milliards » à Areva. Selon ce dernier, la possession d’un réacteur ne permettra sans doute pas à Kadhafi, « le dictateur libyen » devenu « homme fréquentable », de se « bricoler une bombe », car « la Libye a accepté le contrôle de l’agence internationale de l’énergie » depuis 2003. De toute façon, « si Kadhafi n’est pas sage, on appuie sur un bouton, et hop, sa centrale s’arrête. »

Colère allemande

Jérôme Canard écrit que l’« Allemagne (...) ne digère pas cette stratégie du coucou qui consiste à attendre d’être à la veille d’un accord négocié par l’Union européenne (...) pour feindre d’être le seul libérateur des infirmières. » En effet, les « tribulations de la famille Sarkozy en Libye » y sont vivement critiquées par la presse, qui dénonce le fait de « fournir du nucléaire à un dictateur à qui on ne reproche pas ses violations des droits de l’homme », et par la classe politique, qui estime que la France a fait « cavalier seul » dans cette affaire. Selon l’hebdomadaire, avec « cette diplomatie à la hussarde », « le chef de l’Etat, qui se voulait le sauveur de l’Europe, est en train de se mettre à dos l’Union ». Dans une « mare » en page 2, le « Canard » révèle que Sarkozy aurait tenu ces propos : « Les Allemands ne sont pas contents sur le nucléaire civil, la belle affaire. Est-ce qu’ils se gènent, eux, pour vendre des armes à Kadhafi ? » L’amitié franco-allemande a un bel avenir devant elle !

Soyons pragmatiques

« Kadhafi n’est pas un dictateur terroriste qui vient d’être royalement récompensé pour sa dernière prise d’otages, c’est un pragmatique » écrit Gérard Biard dans « Charlie ». Le rédacteur en chef du journal reproduit les propos de Nicolas Sarkozy : « Il faut maintenant mettre du pragmatisme dans les problèmes internationaux comme dans les problèmes nationaux. » Conclusion de Biard : « Les tyrans mégalomanes et sanguinaires veulent de l’atome, on leur en vend, point. » Mais, selon Jean-Luc Porquet dans le « Canard enchaîné », Kadhafi n’est pas seulement pragmatique, c’est aussi « un grand sensible », car « il a libéré les infirmières ! Cécilia a aussi réussi à toucher son cœur ! ». Le journaliste de l’hebdomadaire satirique ne s’inquiète pas trop car « le nucléaire n’est pas dangereux » et « le colonel Kadhafi n’est pas dangereux », donc « on peut (...) confier les yeux fermés un réacteur nucléaire [à la Libye] ». Le prag-ma-tisme on vous dit.

Jul - Cécilia réconcilie les mégalos en short et les mégalos en pyjama

Israël interdit

Dans son éditorial consacré à cette affaire, Philippe Val (« Charlie Hebdo ») rappelle que Kadhafi « refuse de reconnaître l’État d’Israël », tout comme le président iranien Ahmanidejad. Ce qui fait dire à Val que « [Kadhafi] a décidément quelques points communs avec Ahmanidejad », puisque ce dernier souhaite aussi s’équiper en nucléaire civil. Sur fond de conflit israëlo-palestinien, le directeur de la publication de « Charlie Hebdo » a des mots très durs à l’encontre des « défenseurs radicaux des Palestiniens », qualifiés de « gros connards qui (...) dépensent toute leur énergie, non en amour des Palestiniens, mais en haine des Juifs, de l’Amérique et de la démocratie en général... » Il explique que le cas du médecin palestinien, co-accusé avec les infirmières bulgares, est « exemplaire ». En effet, ce médecin « venait aidé des frères arabes, et le voilà qui tombe dans un piège ignoble, qu’il est torturé, battu, accusé à tort, condamné à mort... » Philippe Val reproche à l’organisation France Palestine de n’avoir « rien » dit « parce que Kadhafi est un ami... Il déteste Israël et l’Amérique. » [1] Quant au « Canard enchaîné », il révèle que « les journalistes qui voulaient couvrir la visite de Sarkozy en Libye (...) pouvaient [se rendre] à Tripoli » à condition que leur passeport ne comporte pas de tampon israëlien.

P.-S.

À lire ici-même : « Kadhafi, cet ami qui nous veut libyen » (3/12/2007).

Notes

[1] Ajout du 11/04/02. Dans Charlie Hebdo du 2 avril 2008, P. Val revient sur cet éditorial : « J’avais mis en cause, au mois d’août, France Palestine en la décrivant comme une association amie de Kadhafi et donc haineuse d’Israël, de l’Amérique, des Juifs et de la démocratie. J’admets bien volontiers que ces propos ne concernaient pas France Palestine Solidarité (AFPS). C’était évident, mais cela va encore mieux en le disant. Navré si cela a fait problème. » Le contre-champ d’Acrimed : « Philippe Val est “navré”, Philippe Val est navrant ».


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