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Mai 67 en Guadeloupe, puis Mai 68 en France

jeudi 19 février 2009, par Chantal Sayegh-Dursus
mise à jour : mardi 24 février 2009

La Guadeloupe est-elle le catalyseur ou le reflet du « Mal français » ? Les événements actuels aux Antilles rappellent plutôt la Commune de Paris, où l’assaut des forces de l’ordre fut la réponse des hommes politiques de l’époque aux revendications des plus pauvres.

Le département ne se situe pas dans l’hexagone. Donc on pourrait affirmer que son caractère ultramarin « a donné du temps au temps ». Car bien qu’île morte depuis un mois et sujette à des manifestations d’un quart de la population, cela n’a questionné en rien la ministre de l’Outre-Mer et de l’Intérieur.

Bien que nul ne pourra nier que tous les dysfonctionnements observés là-bas ont un effet de loupe sur ceux connus ici, comment ne pas comparer, grâce au reportage de Canal+, Les derniers maîtres de la Martinique, les 50 millions d’euros de subventions payés par les contribuables d’Europe à un petit planteur, face au refus de 108 millions d’euros opposé à 25 000 salariés. Ou encore le lobbying actif des hommes d’affaires de l’Outre-Mer face à l’apathie de nos élus sur la scène européenne où ils sont pourtant grassement payés, et peut-être même doublement.

Cette épine antillaise ne pouvait arriver au plus mauvais moment pour le locataire de l’Élysée, car l’échiquier géopolitique a également changé. Le miroir Outre-Atlantique montre désormais la déroute d’un système économique et financier où le libéralisme effréné a trouvé ses limites. Et surtout, où les thèses économiques libérales ont échoué. En outre les politiques qui sont actées là-bas sont des mesures à tentation protectionnistes, faites par un gouvernement démocrate ; donc nécessairement sociales. Et que le seul allié de notre président pour le libéralisme sans freins reste l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair.

Inversion des rôles

De plus, le nouveau chef d’État américain, par le plus grand des hasards, est métis. Cela a pu se faire car l’Amérique a abordé une période post-raciale. Mais l’évolution des mentalités ne s’est pas encore faite dans l’hexagone, ni aux Antilles d’ailleurs. Pour les uns, il va falloir composer avec « l’oncle Sam », pour les autres c’est un frère qui est arrivé au pouvoir.

Mais comme un quiproquo n’arrive jamais seul, les démocrates américains se calquent eux sur le modèle français. Ainsi dans le numéro de Newsweek du 16 février 2009, Jon Meacham et Evan Thomas semblent ignorer qu’en France les socialistes ont perdu les dernières élections. Car ils y affirment : « We are all socialists now. In many ways our economy resembles a European one. As boomers age and spending grows, we will become even more French » [1]. De plus, dans l’hebdomadaire précédent, ces mêmes journalistes consacraient déjà trois pages à Olivier Besancenot. On peut dire à leur décharge que, même méconnaissant la politique intérieure française, ils ont cependant une juste appréciation de la valeur des hommes. Car il est, on ne peut le nier, le seul chef de parti politique qui prend la responsabilité de se rendre sans tarder en Guadeloupe.

Ajouté à cela, sur les trois pages consacrées à la France dans le numéro du 23 février 2009, deux s’interrogent sur les lois permettant aux Français de travailler le jour du Seigneur « No rest for the weary [...] Their policies stifle and frustrate those they’re meant to protect » [2].

Il est vrai qu’une réputation d’esclavagiste est si facile à acquérir et presque impossible à défaire.

Chantal Sayegh-Dursus
(Illustration © chimulus ; intertitre et traduction libre de l’anglais par Charlie enchaîné)

P.-S.

À (re)lire sur Charlie enchaîné :
- « Utopique Guadeloupe ? »
- « Martinique ta race »

Notes

[1] « Nous sommes tous socialistes désormais. Notre économie ressemble en de nombreux points à une économie européenne. Avec le vieillissement de la population et l’augmentation des dépenses, nous allons devenir de plus en plus français. »

[2] « Pas de repos pour les (Français) fatigués [...] Leurs mesures étouffent et frustrent ceux qu’elles sont censées protéger. »


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