Charlie enchaîné

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Musique et sentiments

mardi 24 février 2009, par Charlie enchaîné

“Les Victoires de la musique, qui n’intéressent personne, sont une occasion de rappeler que Lénine ne l’aimait pas. Un jour, après avoir écouté la sonate Appassionata, de Beethoven, il dit : « Je suis incapable d’écouter de la musique trop souvent. Ça me donne envie de dire des choses gentilles et sottes, et de tapoter la tête des gens. Or maintenant, il faut les frapper sur la tête, les frapper sans merci. » La musique adoucit les mœurs, la révolution, comme la guerre, les durcit. Lénine pense que Beethoven et les autres menacent sa volonté. Ils pourraient le rendre faible, même quelques minutes, au moment où il veut nuit et jour amputer.

Aimer la musique ne signifie pourtant pas qu’on va se mettre à tapoter sur la tête des gens : des hommes aussi mélomanes que Staline et Hitler n’ont pas fait preuve d’un grand amour pour le genre humain, ni d’une faiblesse exagérée dans les châtiments qu’ils lui infligèrent. Et les « foules sentimentales » chantées naguère par Souchon n’ont rien de particulièrement tendre, digne ou généreux. La vérité est que si la musique rend sentimental, être sentimental ne rend pas meilleur. Ce qui rend meilleur n’est pas en nous. C’est ailleurs, à l’extérieur, en surface. Quelque chose qui limite nos faiblesses, nos bassesses, nos misères, et qu’il faudrait parvenir à rendre intérieur. Appelons ça des règles en démocratie, et, dans la vie, l’élégance ou le style.”

« La mort d’une fleur » (extrait), par Philippe Lançon, Charlie Hebdo n°870, p. 13, 18/02/09.


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