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Naboléon le Petit

samedi 3 janvier 2009, par Sarkophage

“Que peut-il ? Tout. Qu’a-t-il fait ? Rien.

Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France, de l’Europe peut-être. Seulement voilà, il a pris la France et n’en sait rien faire. Dieu sait pourtant que le Président se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité. C’est le mouvement perpétuel ; mais, hélas !, cette roue tourne à vide.

L’homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux. Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l’argent, l’agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse.

Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l’insulte et la bafoue ! Triste spectacle que celui du galop, à travers l’absurde, d’un homme médiocre échappé.”

En lisant ce texte, à qui pensez-vous ? Eh bien, surprise !, nous avons ici une fois de plus la preuve que les Français ont la mémoire bien courte et que l’Histoire est un éternel recommencement parce que les erreurs du passé ne sont pas, hélas, la source d’enseignement et de progrès qu’elles devraient être. Ou encore que les poètes sont parfois aussi des prophètes. Car il s’agit en fait d’un extrait — plus exactement d’un habile montage — tiré du pamphlet politique de notre grand Victor Hugo, Napoléon le Petit (Actes Sud), à propos de Napoléon III [1]. Vous avouerez que la coïncidence, voire la parfaite correspondance et même adéquation à la situation que nous vivons aujourd’hui est plus que troublante et incite pour le moins à la réflexion.

Aussi laisserai-je à votre sagacité le soin de répondre à cette question fondamentale au demeurant : est-ce que c’est Victor Hugo qui est vraiment très moderne dans son analyse politique ou bien est-ce tout simplement la politique de notre Naboléon qui est vieillotte et dépassée ?

Notes

[1] On peut lire de larges extraits de ce texte sur le site La République des Lettres, d’où provient le portrait de Victor Hugo illustrant cet article (note de Charlie enchaîné).


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