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Écolo-fiction

OGM mon ennemi

vendredi 23 juillet 2010, par Chantal Sayegh-Dursus

« (…) une humanité qui, bien que scientifiquement plus avancée, mourrait depuis un demi-siècle vingt ans plus tôt que les générations précédentes à cause des nouvelles maladies (…) »

Il se remémorait encore « La Grande Escroquerie ». Et comment les habitants de la planète avaient été progressivement dépossédés de tous ses fruits.

Cela avait commencé subrepticement par l’autorisation de la culture des OGM contre l’avis et le souhait des différentes nations. Depuis, les puissants lobbies avaient peu à peu imposé leur loi ; acquérant, grâce au label d’« Innovation agricole protégée », les droits de production de presque toutes les plantes cultivées. Car, prétendaient-ils, seuls eux garantissaient des fruits et des légumes imputrescibles, débarrassés de nombreuses maladies. Et ces produits agricoles, sans graines et sans pépins, leur donnèrent rapidement la mainmise sur tous les produits de la terre. Bientôt, plus aucun potager ni verger ne se trouva hors du contrôle de ces trusts. Si certains écologistes résistaient encore, aucun appui ne leur était plus dévolu. Ils devinrent même illégaux et illégitimes. Car tout individu surpris à planter en terre des semences ou à les commercialiser était frappé, grâce au mode de contingentement, de sanctions prévues par « l’Organisation Mondiale du Commerce, de la Concurrence et des Prix ».

Il avait gardé ces graines que son poste important lui conférait la responsabilité de détruire, et choisi le moment de son repos annuel pour poursuivre son expérience. Car pendant la période des vacances, l’étau se desserrait sur les habitants de la Cité. Un Contrôleur débonnaire vérifia rapidement ses bagages. En arrivant à la cabane, il déballa son larcin, puis le disséqua précautionneusement, en extirpant les organes reproducteurs, un par un. Puis il prépara la pulpe pour la conservation afin qu’elle ne perde point sa fraîcheur et ses qualités nutritionnelles. C’était d’ailleurs l’essentiel de sa nourriture depuis de nombreuses années. Ensuite, dans un terreau naturel, il planta la moitié des graines prélevées. Les plants arriveraient à maturité pendant son temps d’inactivité. Ensuite, il veillerait à les conserver en dormance, augmentant ainsi sa réserve au fil des ans.

Quand viendrait l’âge de sa fin d’activité, il rejoindrait les marginaux de la Cité sur l’Île de la Grande Déchetterie, où les bactéries fourmillaient, puisqu’aucun pesticide n’y avait jamais été débarqué. Quand viendrait ce moment, il aurait économisé, il l’espérait, suffisamment de graines pour la planter entièrement.

Il préserverait ainsi une humanité qui, bien que scientifiquement plus avancée, mourrait depuis un demi-siècle vingt ans plus tôt que les générations précédentes à cause des nouvelles maladies. Et il fallait qu’il se dépêche d’amasser le maximum de semences avant que l’espèce ne soit totalement effacée de la surface de la planète. Les données étaient là, irrévocables, implacables, il les avait personnellement compilées…

© Propriété intellectuelle sécurisée.

P.-S.

Source illustration : http://bdvitrylefrancois.over-blog.....

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