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Papy Chirac fait de l’endurance

lundi 9 novembre 2009, par Hadi Taibi

Jacques fait prolonger le plaisir. Sa retraite s’avère plus féconde en palpitations liées aux différentes péripéties et périodes de son activité que ne l’était son activité elle-même. Discrétion professionnelle oblige, le pauvre Jacques était contraint de garder au chaud les secrets dont il avait connaissance ; en homme d’État averti, il rédige ses mémoires en laissant aller sa plume à d’étonnantes brimades et à des divulgations à peine voilées. Querelleur, il fait passer à sa vindicte aussi bien ses adversaires politiques que ses propres partenaires. C’est sa manière, à Jacques, de faire durer le plaisir.

Mon plaisir à moi ne vient que commencer. Amalgamé à des regrets, mon plaisir à moi, me fait osciller entre deux évidences : la première est qu’il n’est pas toujours bon d’être un homme politique en France ; la seconde est que j’ai raté ma vocation en n’ayant pas opté, en temps voulu, à une carrière politique en France.

À en juger par les extraits portés à la connaissance du grand public, je me résous à me persuader que ni les Sciences Po, ni l’Éna, ni les hautes fonctions de l’État ne m’auront servi pour faire une carrière aussi imaginative que celle qu’a eue à entreprendre Jacques Chirac. J’avoue même que le modeste lycée « El-Mokrani » sur les hauteurs d’Alger et les non moins modestes études de Droit à l’université mitoyenne m’auront largement suffit pour prétendre occuper les fonctions qui furent celles de l’ancien président Français.

En effet, en quoi aurai-je été incapable de mal comprendre les réactions du Président Valéry Giscard d’Estaing, ses façons d’être ou sa psychologie ? Encore mieux, qu’est-ce qui aurait empêché mon gabarit d’accepter de servir de faire-valoir à la François Fillon et d’être à peine consulté sur le choix des ministres ? Je me serai contenté de suivre l’actualité par voie de presse pour apprendre les décisions importantes engageant le devenir de la nation. Voilà ce à quoi était réduit Chirac le Premier ministre ; voilà pourquoi Jacques décide de faire durer le plaisir.

« On se console comme on peut… »

Dessin © Kiro (Le Canard enchaîné, 04/11/09)

Qualifier Édouard Balladur de calculateur froid au raffinement acéré c’est admettre que l’ancien Premier ministre maîtrise les règles du calcul et de ses conséquences et qu’il n’y a que sa température qui poserait problème. Car, le mauvais calculateur que je suis, retiens que Balladur, ministre du Budget sous Chirac et certainement désigné à son insu, est à l’origine de la plus sévère politique libérale jamais consenti sous la Ve République. Inspirée du couple Reagan/Thatcher, cette politique, mercantiliste à outrance, a mené au bradage du fleuron de l’industrie Française. Le même Balladur, devenu Premier Ministre quelques années plus tard, était à l’origine de la transmutation du déficit public en emprunts sans jamais arriver à réduire ni l’un, ni l’autre. Faites vos calculs et vous saurez qui vous a plongé dans la mouise. Voilà ce à quoi était réduit Balladur le Premier ministre ; voilà pourquoi Jacques décide de faire durer le plaisir.

Dans son offensive offensante, Chirac choisit Nicolas Sarkozy pour faire état de son sens de la rhétorique ; il le trouve indéniablement bon communicateur. Et comme pour faire étalage de sa propre progression en matière de connaissance de la psychologie des Présidents, il se laisse aller à des jugements de valeur, en décrivant son successeur comme étant quelqu’un de nerveux, d’empressé, avide d’agir. En gros Sarkozy serait impulsif, bouillant, fougueux et violent. Voilà ce à quoi est réduit Sarkozy le président de la République ; voilà pourquoi Jacques décide de faire durer le plaisir ; et surtout, voilà pourquoi je préfère la quiétude de la vocation que j’ai aimé rater à la flétrissure de la vocation que j’ai effectivement et sans regret ratée.

P.-S.

À (re)lire sur Charlie enchaîné : « Abracadabrantesquement vôtre ».

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